_: Irak . La capture de Saddam change -t-elle la donne ? Si Bush tire profit dans l' immédiat de l' arrestation de l' ancien dictateur , les problèmes de fond liés à l' occupation américaine demeurent . Après une traque de neuf mois , Saddam Hussein est arrêté . L' Amérique triomphe . Mais si cette arrestation a peut-être porté un coup sérieux aux partisans de Saddam Hussein , il est loin d' être sûr qu' elle va permettre de régler à terme tous les problèmes liés à l' occupation américaine . Une chose a frappé de nombreux observateurs : dans la cache où il a été interpellé , l' ancien dictateur ne disposait d' aucun moyen de communication avec l' extérieur . Ce fait laisse planer quelques doutes sur son rôle supposé à la tête de la " résistance irakienne " . Certes , depuis la chute de Bagdad , Saddam Hussein a bien diffusé neuf messages sonores , via des chaînes de télé comme Al Jazira et Al Arabyia . Peut-être a -t-il financé la guérilla ? Mais , sur le terrain , il apparaît de plus en plus que la guérilla n' est pas le seul fait des partisans de Saddam : en plus des groupes islamistes radicaux , un nouveau groupe , le Front national de libération irakien , d' obédience islamo-nationaliste , a fait son apparition . Alors qu' elles essuyaient des agressions épisodiques , dans les semaines qui ont suivi la chute de Bagdad , le 9 avril , les forces américaines sont confrontées , depuis l' été , à une moyenne de trente attaques par jour . Plus inquiétant pour l' état-major américain , celles -ci ont pris un caractère de plus en plus organisé et coordonné . Durant le seul mois de novembre , plus de 70 GI ont été tués . Des hélicoptères de transport de troupes et de combat ont été abattus . Les avions de transports de troupes n' ont pas été épargnés . L' aéroport international de Bagdad , ouvert à la circulation aérienne durant l' automne , et que l' on croyait sécurisé , a été fermé après plusieurs tirs au missile et au lance-roquettes . Enfin , on assiste à une multiplication des attentats au véhicule piégé , ciblant des personnalités , comme l' ayatollah Bakr El Hakim en août , des juges irakiens , une membre du Conseil de gouvernement provisoire , ou bien encore ces civils soupçonnés de " collaboration " avec les forces d' occupation . Du coup , sur le terrain , le moral des troupes est en berne . Des milliers de militaires sont en soins psychiatriques . On assiste à une multiplication du nombre de suicides et pour la première fois à des refus de soldats partis en permission de retourner au combat . Et l' arrestation de Saddam et de plusieurs centaines de ses partisans n' a pas changé grand-chose , pour l' heure , à ce climat délétère . Jeudi , un militaire américain a été tué dans une embuscade à Bagdad , et à Mossoul , une position américaine a été bombardée au mortier . Et on a même assisté à quelques manifestations de soutien au dictateur déchu ce qui , d' une certaine manière , illustre le degré de haine de la population à l' égard de l' occupant . La recrudescence de la violence et les pertes qu' elle a engendrées parmi les GI , le risque de l' enlisement , le coût insupportable de cette guerre pour le budget américain ont conduit Washington a opté , dès le mois de juillet , pour un désengagement militaire progressif . Pour ce faire , l' administration Bush a décidé de transférer la gestion du pays aux Irakiens , de mettre en place , avant juin 2004 , une force opérationnelle irakienne de 40 000 hommes appuyée par une coalition militaire élargie aux alliés de l' Amérique et de trouver des ressources pour financer la reconstruction de l' Irak et rendre le coût de cette guerre plus supportable pour l' économie américaine . Selon certaines estimations , les dépenses occasionnées par la présence militaire américaine en Irak représenteraient entre 10 % et 13 % du PIB ( produit intérieur brut ) du pays . À comparer au coût de l' augmentation des assurances , suite aux attentats du 11 septembre , qui représentait , lui , 1 % du PIB . L' économie américaine ne pourrait pas supporter le prolongement d' une telle débauche de dépenses militaires . D' autant que , malgré le net sursaut du troisième trimestre , la relance , qui est pauvre en créations d' emplois , demeure incertaine et que le déficit dépasse les mille milliards de dollars . Devant les coûts énormes qu' implique la reconstruction irakienne , les Américains ont mis leurs espoirs dans la conférence de Madrid des pays donateurs au cours de laquelle ils ont offert 20 milliards de dollars . Mais celle -ci n' a pas atteint l' objectif escompté ( 100 milliards ) . À peine 60 milliards de dollars ont été récoltés , sachant que le coût de la reconstruction de l' Irak est estimé à plus de 200 milliards sur quatre ans . Le fait de confiner l' ONU dans une tâche d' assistance humanitaire tout en gardant la haute main sur le processus de transition politique et la production pétrolière irakienne n' a pas contribué à mobiliser la communauté internationale , et en particulier des puissances opposées à la guerre , comme la France et l' Allemagne , à mettre la main au porte-monnaie . Pour l' heure , il n' est pas sûr que le transfert du pouvoir aux Irakiens se déroule selon le plan américain . De nombreux membres du Conseil provisoire de gouvernement manifeste de plus en plus ouvertement des velléités d' indépendance et leur détermination à ne pas laisser échapper le pétrole . Remodeler la configuration géopolitique de cette région en faisant de l' Irak un " modèle de démocratie " dans sa guerre " contre le mal " et les " ennemis " de l' Amérique était le but affiché de la guerre de Bush . Confronté aux difficultés de l' après-Saddam , Washington a vite fait de désigner la Syrie et l' Iran comme des obstacles à sa politique . En direction du premier , le Congrès américain vient d' adopter une batterie de sanctions économiques visant à étouffer le régime de Bachar El Assad , désormais pris en tenaille entre la Turquie et Israël au nord et les forces américaines au sud . En direction de l' Iran , tout en maintenant l' embargo sur ce pays , Washington tente de le déstabiliser de l' intérieur sans pour autant avoir renoncé à une option militaire contre Téhéran , accusé de soutenir les chiites radicaux en Irak et d' entraver en sous-main la politique américaine en Afghanistan . Mais renverser militairement , dans la foulée de la guerre en Irak , les régimes syrien et iranien , comme se le promettaient les faucons de la Maison-Blanche apparaît de plus en plus irréaliste . En effet , sans tout à fait renoncer à la redistribution des cartes géopolitiques afin d' asseoir la domination américaine dans cette région stratégique et dans un monde en rapide mutation , Washington est en train de réaliser , avec l' expérience irakienne , les difficultés que génère le renversement par la force de ces régimes . Aussi les États-Unis réfléchissent -ils à une option moins coûteuse politiquement et économiquement , en combinant pressions et sanctions contre ces régimes . Le but étant de susciter des révoltes populaires de l' extérieur , dans l' espoir d' installer des régimes pro-américains qui afficheraient tant bien que mal une façade démocratique . La tentative de rapprochement avec Paris et Berlin à laquelle on assiste ces derniers jours - la France acceptant d' annuler une partie de la dette irakienne - obéit à cette stratégie . Après avoir joué une carte ouvertement unilatéraliste , Washington se tourne vers ses alliés pour tenter de leur faire partager le fardeau de la crise qu' il a déclenchée avec sa guerre . Mais il n' est pas dit que cette sorte de multilatéralisme , qui consiste à rallier la communauté internationale derrière la bannière étoilée , soit viable très longtemps , et surtout ouvre réellement un cadre solide pour cette reconstruction stabilisation du pays à laquelle aspire tant une population irakienne qui n' a que trop souffert .