_: Amérique latine . Les serres françaises du plan Condor La traque des opposants aux dictatures du cône Sud dans les années soixante-dix - quatre-vingt a été inspirée par les méthodes mises en place par les Français en Indochine et en Algérie . Paris , carrefour du plan Condor . En ce mois du souvenir de la chute d' Allende au Chili , il y a trente ans , jamais le besoin de vérité ne s' est fait aussi pressant , comme si l' Amérique latine sortait de ses cauchemars . Les productions littéraires et audiovisuelles , à l' instar du documentaire de Marie-Dominique Robin Escadrons de la mort : l' école française , diffusé récemment sur Canal Plus , montrent si besoin était que toute une histoire est en mouvement . Au Chili ou en Argentine , en France ou en Espagne on enquête , on juge et on se mobilise pour exhumer cette vérité si complexe quand les dictatures ensanglantaient les pays latino-américains les uns après les autres . Dans leur entreprise destructrice , les bourreaux ont uni leurs efforts créant une internationale du crime et de la terreur , connue aujourd'hui sous le nom de " plan Condor " , et dont les connexions loin d' être " inattendues " , se trouvent être aux États-Unis , en Europe , notamment en France , en Italie , ou bien en Allemagne où des centaines de milliers d' exilés dans les années soixante-dix - quatre-vingt avaient trouvé refuge . Le devoir de mémoire passe aussi par ici . Saura -t-on un jour tout sur la pieuvre Condor , dont on connaît mieux aujourd'hui l' organisation grâce à la découverte de documents au Paraguay en 1992 , les " Archives de la terreur " , par l' avocat Martin Almada , victime du régime du général Stroessner ? Condor était une collaboration secrète entre les polices des pays d' Amérique du Sud pour mieux traquer les opposants , les progressistes , les militants révolutionnaires . Ce pacte a été conclu en 1975 à Santiago , mais déjà lors des années soixante s' ébauche cette " internationale " des pays du cône Sud sous l' égide des États-Unis . Washington craint alors une contagion castriste sur tout le continent , et Eisenhower lui-même crée un office de sécurité chargé de lutter contre la subversion . Les spécialistes américains s' inspirent largement des méthodes antisubversives utilisées par les militaires français en Indochine et surtout en Algérie , en particulier lors de la bataille d' Alger . Le général Ramon Camps , féroce exécuteur des basses oeuvres de la dictature argentine dans la province de Buenos Aires reconnaîtra en tout cas ses maîtres en 1981 : " Les Français ont été les premiers , les plus complets . " Des officiers français appartenant le plus souvent aux services spéciaux , sont envoyés aux États-Unis ou en Argentine où ils enseignent les théories de la guerre psychologique et antisubversive . Des missions se multiplient , dés la fin des années soixante en Argentine sous la dictature du général Ongania , et au Brésil tombé sous le joug des militaires . Elles reçoivent l' aval de Paris . Parmi ces instructeurs , un certain Aussaresses ... qui deviendra attaché militaire de l' ambassade de France au Brésil durant les années soixante-dix , après avoir été instructeur aux États-Unis à Fort Bragg . Le colonel Robert Servant s' installera lui à Buenos Aires . Au juge Le Loire , qui enquête sur la disparition de citoyens français au Chili et en Argentine , Aussaresses a dit ne rien savoir du plan Condor . Mais la pratique de la torture généralisée et le concept de " guerre moderne " , impliquant l' élimination de toute forme d' opposition , ont trouvé leurs meilleurs théoriciens dans la figure de militaires français tels que le général Massu , le général Salan et surtout le lieutenant Roger Trinquier , rédacteur de manuels diffusés dans les académies militaires latino-américaines . Les missions françaises ont réellement commencé à la fin des années soixante et la présence de ces experts a servi à alimenter l' enseignement des dictateurs en herbe : la clandestinité , la pression psychologique , la moralité restreinte , la recherche de l' information ( comme les fameux DOP en France ) , les arrestations et l' élimination des suspects dans les endroits cachés . Le général Camps , toujours lui , dans la Prensa en 1981 : " En Argentine nous avons d' abord reçu l' influence française , puis la nord-américaine . Nous les avons appliquées respectivement de façon séparée , ensuite en prenant les concepts des deux , jusqu'à ce que prédomine la nord-américaine . " Les leçons des Français ont porté leurs terribles fruits . La pratique de la torture s' est généralisée dans les casernes et les officines de la police dans les pays latino-américains , les escadrons de la mort ont traqué les opposants , et souvent les agents de la CIA ont mis la main dans cette sale guerre , à l' image de Daniel Mitrione , héros national , l' homme dont l' histoire a inspiré Costa Gavras dans État de siège . Le plan Condor va ainsi institutionnaliser la terreur dans les six pays du cône Sud . La CIA n' est pas restée inerte . Les soupçons se portent notamment sur Henri Kissinger , qui fut secrétaire d' État du président Nixon entre 1972 et 1977 . Selon les documents d' époque progressivement déclassifiés aux États-Unis , une note rédigée le 28 septembre 1976 par le responsable du FBI à Buenos Aires , Robert Scherrer , prouve que l' administration américaine savait . Non seulement le plan Condor était une union sacrée pour éliminer les opposants , mais sa phase trois " la plus secrète " prévoyait de porter le fer contre-révolutionnaire " partout dans le monde " , notamment en France et au Portugal . Les États-Unis n' ont pas été seuls . Les services français , notamment la DST , ont aussi collaboré à cette oeuvre de mort et Paris en jouant en eaux troubles y a pris sa part . Plusieurs meurtres non élucidés ont eu lieu , tant en France qu' en Italie et en Allemagne . La France est concernée donc ... Et ce , d' autant plus qu' elle a accueilli des centaines de milliers de réfugiés , en a livré certains , et laissé emprisonner et éliminer d' autres par les sbires des généraux . Des Français ont disparu au Chili , en Argentine ... Autant de victimes du plan Condor à qui l' on doit aujourd'hui de dire la vérité .