1: Irak .
2: Pourquoi la France doit tenir bon
3: Bush plus isolé à la veille du Conseil de sécurité après la déclaration Paris-Berlin-Moscou
4: Respect du droit ou guerre illégitime ?
5: La déclaration franco-germano-russe en faveur d' un " désarmement de l' Irak dans la paix " précise les termes de l' alternative qui s' offre désormais aux membres du Conseil de sécurité de l' ONU convoqué vendredi :
6: soit ils restent fidèles à la résolution 1441 , et alors les inspecteurs sont invités à poursuivre leur mission dans des conditions facilitées par une coopération renforcée de l' Irak ( premiers interviews de scientifiques en l' absence de témoins , acceptation par Bagdad du survol des avions espions ) ;
7: soit la digue de la résistance à la guerre cède , et les États-Unis , une fois de plus , auront réussi à instrumentaliser l' ONU , à la dérouter de sa mission .
8: Onze des quinze pays membres du Conseil pencheraient vers la solution préconisée par Paris , Berlin et Moscou .
9: Si cela se confirmait , un veto français ne serait même pas nécessaire , mais en cas d' absence de majorité , un " non " de la France serait le seul prolongement acceptable à la ligne de résistance suivie par Paris depuis le début de la crise .
10: Le risque d' une guerre ne sera certes pas totalement écarté , Washington répétant à l' envi son intention d' agir militairement avec ou sans aval du Conseil de sécurité .
11: Dès lors , conseillent déjà certains commentateurs pusillanimes , ne vaudrait -il pas mieux mieux que l' ONU accompagnât , pour " l' encadrer " , une intervention militaire considérée comme inévitable ?
12: Il suffit d' entendre les réactions indignées de Bush et de Rumsfeld devant les positions franco-allemandes à l' ONU et le triple veto ( Paris-Bruxelles-Berlin ) à l' OTAN pour mesurer l' importance que revêt , pour l' administration US , un aval de l' ONU , pour des raisons à la fois stratégiques , de politique intérieure et de partage des coûts .
13: La communauté internationale possède donc des atouts considérables si elle va jusqu'au bout .
14: En privant une guerre de légitimité , elle se donne les meilleures chances de l' empêcher .
15: Comment rehausser le rôle de l' ONU ?
16: Face à la pression américaine , le monde ne se trouve -t-il pas confronté à un terrible dilemme ?
17: Soit l' ONU , instance , ô combien imparfaite , de régulation des rapports internationaux , s' incline devant l' attitude impérialiste de Washington et fait semblant d' exister en avalisant une guerre que l' immense majorité des opinions et des États réprouvent ;
18: soit elle s' y oppose formellement , sans avoir il est vrai les moyens d' empêcher les USA de perpétrer , à la tête d' une coalition d' États vassaux , une agression contre l' Irak .
19: Ne courrait -on pas le risque d' une explosion pur et simple de l' ONU , torpillée par la plus grande puissante du monde ?
20: Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont au contraire montré le besoin d' une autre gouvernance planétaire , fondée sur la démocratie et le développement , pour mettre fin aux désordres du monde .
21: Ce qui doit rehausser le rôle régulateur de l' ONU , notamment en matière de justice internationale et de prévention des conflits .
22: Des réformes sont nécessaires pour améliorer la médiation internationale et donner une plus juste place aux pays du Sud .
23: Ce qui a changé aujourd'hui par rapport aux précédents conflits ( guerre du Golfe , Kosovo , Afghanistan ) , c' est le fossé qui séparerait une opinion publique mondiale massivement hostile à une nouvelle guerre , et le Conseil de sécurité de l' ONU si celui -ci donnait son aval à la croisade de Bush .
24: Même si le locataire de la Maison-Blanche décidait contre l' ONU de partir en guerre , il n' aurait aucune légitimité , ce qui préserverait les chances , dans la crise diplomatique prévisible , de poser la question d' une nouvelle gouvernance mondiale .
25: Refuser de suivre les États-Unis risque -t-il de faire imploser l' Europe ?
26: Les désaccords s' accentuent effectivement parmi les quinze entre les pays qui , comme la France , l' Allemagne ou la Belgique , refusent la logique de guerre et ceux qui s' alignent sur la position américaine .
27: L' Espagnol José Maria Aznar et le Britannique Tony Blair , rejoints par les dirigeants des pays d' Europe centrale et orientale , futurs nouveaux membres de l' UE , ont pris la tête de ce mouvement , fortement inspiré bien entendu par Washington .
28: Mais si les contradictions s' exacerbent aujourd'hui à la faveur de la crise irakienne , elles étaient largement présentes à l' état latent depuis plusieurs années .
29: L' Europe est passée déjà par plusieurs crises dont elle n' est pas forcément ressortie affaiblie .
30: Celle qui s' annonce peut s' avérer salutaire .
31: Tout dépendra de la capacité à faire entendre , dans les débats provoqués par les tensions au sommet , les aspirations de " l' Europe d' en bas " - qui est autant unie , elle , sur le rejet de la guerre qu' elle déplore le torpillage de l' emploi et le démantèlement de ses acquis sociaux - pour réorienter une construction européenne très mal embarquée .
32: Car l' UE , telle qu' elle se construit , consacre , de fait , la domination d' une vision très anglo-saxonne .
33: Sur le plan militaire comme sur le plan économique et social .
34: Elle pousse en effet à l' émergence d' une Europe espace de libre échange suffisamment musclée pour seconder les États-Unis dans leurs opérations de maintien de l' ordre planétaire .
35: Cette Europe -là demeurerait un repoussoir .
36: La crise déclenchée par le maintien d' une fermeté franco-allemande contre la guerre de Bush peut par contre constituer un point d' appui pour tous ceux qui font valoir l' absolue nécessité de l' émergence d' une autre Europe .
37: Une Union qui affirme sa différence avec audace sur le terrain économique et social comme sur celui de la sécurité et de la défense .
38: En avançant de vrais principes alternatifs , comme la prévention des conflits ou encore le codéveloppement .
39: Conformément aux attentes d' un Sud ravagé par la crise et tout particulièrement d' un Moyen-Orient ou d' un monde méditerranéen si proche de l' Europe .
40: La brouille avec Washington ne risque -t-elle pas d' aggraver la crise économique ?
41: " Les tensions franco-américaines alarment les milieux patronaux " , lançaient hier plusieurs quotidiens économiques , d' aucuns se demandant en substance si une inflexion française n' était pas souhaitable .
42: Le bras de fer pourrait , affirment -ils , tourner à un jeu de massacre sachant que les deux pays sont " concurrents sur des secteurs vitaux " comme l' aéronautique , l' énergie ou l' agroalimentaire .
43: En fait , la guerre économique n' a pas attendu la querelle franco-américaine sur le dossier irakien .
44: Elle fait rage depuis longtemps , et les États-Unis sont passés maîtres dans l' aménagement de leur législation ou dans l' utilisation de leur position dominante au sein des institutions commerciales ou financières internationales pour doper les exportations de leurs groupes .
45: Avec le même objectif , ils usent abondamment de l' arme du dollar , en position privilégiée dans l' arène monétaire internationale .
46: La crise des relations franco-américaines ne pourra donc pas - sauf à imaginer une escalade , que personne ne souhaite , jusqu'à des boycottages réciproques - modifier sensiblement la donne .
47: Tant une mesure de rétorsion appellerait immédiatement une contre-mesure .
48: Par contre , une intervention en Irak est aussi pour les États-Unis une manière de poursuivre la guerre économique par d' autres moyens :
49: en mettant la main sur les réserves pétrolières irakiennes .
50: Cela aurait toutes les chances d' envenimer la crise .
51: L' écrasement des coûts des matières premières pour relancer la rentabilité de marchés financiers dépressifs accroîtrait non seulement les formidables inégalités de développement sur la planète mais accentuerait aussi la pénurie de débouchés qui est précisément l' une des causes fondamentales de la crise actuelle du monde capitaliste .