_: Tchétchénie . Simulacre électoral à Groznyï Le Kremlin organise dimanche une élection présidentielle dont le résultat est joué d' avance . Attentats , enlèvements et affrontements armés rythment le quotidien des civils depuis quatre ans . " Une mystification " , pour Boris Nemtsov , leader du parti libéral . " Une mascarade " , pour le groupe Helsinki , organisation russe de défense des droits de l' homme . " Une farce " , selon Malik Saidullayev , rival tchétchène du candidat du Kremlin , écarté pour " vice de forme " . " Un processus électoral faussé " , pour la présidence italienne de l' Union européenne . À l' instar du référendum constitutionnel du 23 mars , l' élection présidentielle qui doit se tenir le 5 octobre dans la petite république du Caucase ressemble à un vaste simulacre électoral . Tous les adversaires crédibles du poulain du Kremlin , le mufti Akhmad Kadyrov , ont été contraints de se retirer l' un après l' autre . Le 2 septembre , l' homme d' affaires tchétchène Hussaïn Djabraïlov , qui souhaitait apporter à la Tchétchénie " la réconciliation et le pardon " en s' appuyant sur les leaders religieux , a dû jeter l' éponge . " Je serai plus utile en tentant de former une société civile en Tchétchénie et dans le Caucase du Nord " , s' est -il justifié . Quelques semaines plus tôt , c' était Rouslan Khasboulatov , ancien président du Parlement russe , candidat de poids , qui faisait marche arrière pour ne pas provoquer " une escalade de tensions " . Le 25 septembre , la Cour suprême de Russie confirmait l' annulation de la candidature d' un autre homme d' affaires tchétchène , Malik Saidullayev . " Je m' y attendais . Je savais que la question était déjà résolue quand j' ai déposé ma plainte " , a -t-il indiqué . Quant au député Aslambek Aslakhanov , considéré comme le candidat le plus sérieux , il a décidé de se retirer de la course après avoir accepté un poste de conseiller auprès de Vladimir Poutine . " Les véritables candidats ont été poussés à se retirer ou n' ont pas été enregistrés . Les candidats qui restent sont dans la sphère du candidat pro-russe Akhmad Kadyrov . En fait il n' y a qu' un seul candidat , les autres sont ses proches " , constate Andreas Gross , le rapporteur sur la Tchétchénie du Conseil de l' Europe . Face à cette situation , le Conseil de l' Europe a renoncé à envoyer une délégation d' observateurs internationaux , tout comme l' Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ( OSCE ) . Dans un territoire interdit aux journalistes , les quelque 30 000 militaires russes basés en permanence en Tchétchénie , sur un total estimé à 80 000 , pourront donc voter comme la loi les y autorise , à l' abri des regards indiscrets . Cette élection présidentielle est censée être le point d' orgue de la " normalisation " prônée par le Kremlin . Il s' agit aux yeux de Poutine d' installer un pouvoir tchétchène " légitime " qui exclut définitivement les indépendantistes et leur chef , le président Aslan Maskhadov , légitimement élu en 1997 . " Le président Poutine a un besoin pressant de présenter une conclusion à cette guerre à l' approche des élections russes ( législatives en décembre et présidentielle en mars ) " , analyse le politologue Iouri Korgouniouk . Mais cette " normalisation " ne signifie pas la fin de la guerre mais juste un changement de vocabulaire . Le conflit contre les indépendantistes est devenu " une opération antiterroriste " . Un leurre grossier dont se satisfait la communauté internationale , et en particulier les États-Unis . " Il faut s' opposer aux terroristes quels que soient les endroits où ils créent chaos et destruction , y compris en Tchétchénie " , a ainsi déclaré le président américain George Bush lors de sa rencontre avec Vladimir Poutine , à la fin septembre . Il a ajouté que son homologue russe " est un type bien , avec qui j' aime passer du bon temps " . Après la guerre , la guerre continue . Le passage en revue des événements marquants de ces derniers jours est très éloquent . Le premier ministre tchétchène Anatoli Povov a été victime d' un empoisonnement ; un groupe d' hommes encagoulés a fait irruption dans le village de Tchetchen-Aoul et tué quatre civils ; quatre cents personnes ont tenu à Groznyï une manifestation non autorisée pour protester contre l' enlèvement d' une étudiante de dix-neuf ans par des militaires ; des combats à Alleroï ( est de la Tchétchénie ) ont fait plusieurs morts entre des rebelles tchétchènes et des forces fédérales ; cinq policiers ont été tués par un groupe d' inconnus dans le Daguestan voisin ... Les enlèvements , les exactions , les attentats kamikazes , de plus en plus perpétrés par des femmes désespérées , les rafles ... , sont le quotidien des civils tchétchènes . On est toujours sans nouvelles du Néerlandais Arjan Erkel , chef de mission de Médecins sans frontières au Daguestan , enlevé le 12 août 2002 . " Pendant plus d' une année , les officiels russes ont assuré à MSF qu' ils travaillaient sur l' affaire Erkel . En réalité , il n' y a eu aucun signe clair d' une quelconque action entreprise par les Russes pour retrouver et libérer Arjan " , a indiqué MSF qui , comme beaucoup d' ONG , est dans le collimateur du Kremlin . On n' a pas plus d' informations sur le sort du journaliste de l' AFP Ali Astamirov , enlevé le 5 juillet à Nazran , en Ingouchie . Mais sa famille affirme qu' il est toujours vivant et qu' il se trouve en Tchétchénie . " Le Kremlin s' est pris au piège d' une guerre sanglante et sans issue . Il faudra se résoudre un jour à quitter la Tchétchénie , mais ce ne sera pas avant cinq ou dix ans " , estime Pavel Felghenhaueur , spécialiste des questions de défense . En attendant , il prévoit le pire : " Après la prétendue " élection de Kadyrov " , le soutien de la population aux rebelles va encore s' accroître , et le sang couler davantage . "