_: Corée du Sud . Le regain de croissance cache un contexte social tendu . Le foot , arme ultime du gouvernement sud-coréen A Séoul , sont considérés comme des ennemis de la nation ceux qui gêneraient , par des manifestations ou des grèves , le Mondial de foot . La Corée du Sud fanfaronne . Contrairement à la plupart des pays d' Asie , son économie a progressé assez nettement l' année dernière ( PIB + 3 % ) . Après avoir fait figure de mauvais élève suite à la crise économique de 1997 - 1998 , le pays officiel a pu se targuer d' un rétablissement assez rapide . Le Fonds monétaire international ( FMI ) a affiché sa satisfaction . Car en août dernier , l' État coréen a remboursé avec plus de deux ans d' avance le prêt de 19 , 5 milliards de dollars ( 22 , 18 milliards d' euros ) consenti par l' institution internationale en 1998 , annus horribilis . Dans le même temps , le pays est présenté en héraut des nouvelles technologies . Son avance dans les secteurs du haut débit et de la téléphonie portable l' ont , il est vrai , boosté aux premières places mondiales , tandis que la renommée de certaines grandes entreprises atteint , voire dépasse celle de leurs voisines japonaises . A y regarder de plus près , cette spectaculaire remise sur pied est bien loin d' avoir profité à tout le monde . Si le chômage officiel demeure très bas , on a assisté en effet à une véritable explosion de la précarité . Les travailleurs temporaires et journaliers représentent ainsi 34 , 3 % et 17 , 1 % des 13 , 5 millions de salariés coréens : la sécurité du travail est donc devenue une préoccupation majeure , selon les enquêtes d' opinion , pour quelque 51 , 4 % des Coréens . D' autant que le renouveau économique s' est opéré sur fond de coupes claires dans les effectifs du secteur public : 140 000 fonctionnaires ont été jetés au chômage depuis 1998 et les chaebols ( conglomérats ) ont licencié massivement . Ultime chiffre éclairant : 89 000 des 831 000 chômeurs , démoralisés par la situation actuelle , ont arrêté leur recherche de travail . Pour lutter contre cette dégradation du contexte social , les deux confédérations syndicales du pays tentent de s' opposer au forcing du gouvernement pour mettre en place un cadre toujours plus libéral . Elles ont ainsi lancé une grève commune au mois de février afin d' exprimer leur désaccord sur la privatisation de quatre nouveaux secteurs publics ( gaz , électricité , téléphonie et chemins de fer ) . Pour faire bonne figure auprès d' investisseurs étrangers potentiels , les autorités ont décidé d' être inflexibles . Et d' employer la manière forte : le mouvement a été déclaré illégal - il touchait à des secteurs dits " d' intérêts généraux " - et , comme la loi le veut , ses organisateurs risquent donc deux ans de prison . Pour ne pas être incarcérés , une trentaine d' entre eux se sont ainsi enfermés dans la cathédrale de Myungdong , haut lieu de la résistance sociale et démocratique coréenne , unique endroit où les policiers n' osent pas venir les chercher . Dans le même temps , 342 des 5 600 grévistes de l' électricité nationale ont été licenciés . Leurs collègues ne recevront pas un won ( la monnaie coréenne ) puisque l' État a décidé que leurs salaires serviront à rembourser une partie des pertes entraînées par le mouvement . Ils seront également poursuivis pour recouvrer le reste . Pour justifier la position gouvernementale , le ministre du Commerce , de l' Industrie et de l' Énergie invoque une règle de fer : " Dans une démocratie , tout le monde doit respecter la loi . Ceux qui l' enfreignent doivent être sévèrement punis . " Au ministère du Travail on surenchérit : " La question des privatisations appartient au domaine des dirigeants . Elle ne regarde pas les travailleurs , qui doivent suivre les consignes qui leur sont données . " Devant une perception aussi confondante de la démocratie , les deux prochains mois s' annoncent rudes . D' autant que les négociations sur les emplois et sur les privatisations n' ont toujours pas abouti . Pour venir à bout de la rébellion syndicale , les autorités ont trouvé un ultime argument : la Coupe du monde . Le président de la République , Kim Dae-jung , s' est en effet aperçu que les opérations de marketing vers l' étranger pourraient être singulièrement ternies par les images télévisées de meetings et autres manifestations lors du déroulement de la compétition . Plus de dix mille journalistes sont en effet attendus en Corée du Sud et au Japon durant les mois de mai et juin . D' autant que la Corée , déjà confrontée aujourd'hui aux mouvements contre les privatisations , est traditionnellement secouée par des grèves à cette période qui est aussi celle des négociations tarifaires . Yoon Youngmo , l' un des responsables de la KCTU , la confédération syndicale la plus combative , explique que selon le processus habituel des relations syndicats-employeurs " les grèves et les décisions ont lieu en mai et juin " ( voir entretien ci-contre ) . Inquiet , Kim Dae-jung réclame depuis plusieurs mois " une trêve " pendant la compétition . Il a donc engagé les différentes parties à accélérer leurs pourparlers afin de régler leurs différents avant la date fatidique du 31 mai . Le football est ainsi devenu un des plus sûrs alliés du gouvernement . La population s' entendant répéter à satiété depuis plus de deux ans que les cinq semaines du 31 mai au 30 juin permettront de faire sa promotion , tous ceux qui terniraient l' image du pays pourront donc être considérés comme des ennemis de la nation . Premiers visés par cette démarche , les syndicats . Le président tente de les discréditer en les présentant comme de potentiels dangereux trouble-fête aux yeux d' une opinion qui avait apprécié très favorablement leur action ces derniers mois . Il espère de cette manière pousser leurs dirigeants vers un véritable dilemme : soit ils manifestent et ils seront considérés comme des ennemis du pays , soit ils demeurent calmes et acceptent sans sourciller les décisions , douloureuses , venues d' en haut . Le choix des syndicalistes n' est pas encore fait mais il serait douteux qu' ils cèdent à ce chantage . Le début de l' été s' annonce bouillant en Corée du Sud .