_: Économie . Paris-Berlin : le plan sans vrais moyens de relance La réunion de Berlin accouche d' un plan mort -né pour l' emploi , à cause de son conformisme à l' égard d' une politique monétaire européenne restrictive . C' est peu dire que l' initiative pour la relance de la croissance en Europe , lancée solennellement jeudi par la France et l' Allemagne correspond à un besoin croissant de développer , au niveau de l' UE et dans chacun de ses États membres , des politiques volontaristes en faveur de l' emploi . À un moment où les taux de chômage explosent et la précarité se renforce , l' opération s' est voulu d' autant plus spectaculaire qu' elle vise bien entendu à répondre aux inquiétudes qui surgissent dans la plupart des pays et singulièrement en France et en Allemagne . Le plan de Paris et Berlin comprend deux grands volets : le lancement d' une politique de grands travaux et la convocation d' ici la fin de l' année d' une conférence européenne tripartite - Jacques Chirac évoquait même " un sommet social " - , réunissant les ministres du Travail des Quinze , les partenaires sociaux ( patronat et syndicats ) et la Commission européenne , afin de " coordonner des mesures pour l' emploi et la politique sociale de l' Union " . Au chapitre réalisation de grosses infrastructures figureraient la construction du TGV Est , la concrétisation du projet de guidage par satellite Galileo et des programmes de recherche sur les télécommunications , les biotechnologies et l' énergie . Pour autant , l' initiative paraît bien loin d' être à la hauteur des défis qu' elle prétend prendre à bras le corps . Et les menaces que la Commission européenne fait peser sur l' avenir d' Alstom en refusant l' entrée de l' État français au capital de la société , rendues publiques quelques heures avant la présentation du plan , revêtent un caractère plus que symbolique . Car si l' initiative franco-allemande est présentée comme " un moyen de lutter contre la désindustrialisation " , elle se veut surtout en pleine cohérence avec les réformes libérales introduites ces derniers mois en France et en Allemagne . Voire au-delà dans toute l' Union . Car , on l' a bien souligné à Berlin cette initiative entend " compléter et non contrer " les projets officiels de relance déjà présentés par Silvio Berlusconi , au nom de la présidence italienne de l' UE . Gerhard Schröder et Jacques Chirac ont insisté sur la convergence de leurs " efforts " pour " augmenter la productivité de l' État " et " moderniser " leurs systèmes sociaux . Ce qui , au bout du compte , prétendent -ils , serait " favorable à l' emploi " . Il y a un " carré magique " à mettre en place , a souligné Hans Martin Bury , ministre délégué allemand aux Affaires européennes : " il est formé de la réforme des systèmes de protection sociale , de la consolidation budgétaire , d' impulsions conjoncturelles et d' une amélioration de la capacité concurrentielle de l' industrie européenne . " Fermez le ban . Suivant cette fuite en avant libérale pratiquée en parallèle par les deux pays , les pensions sont ponctionnées et l' âge de départ à la retraite est reculé , la couverture maladie est rationnée et privatisée , la fonction publique est saignée . On voit mal comment de tels réformes qui vont peser sur le pouvoir d' achat de la grande masse des salariés et donc sur une consommation déjà atone , pourraient enclencher un cycle de croissance saine et créatrice d' emplois . De même les programmes de baisses substantielles d' impôts en faveur des plus riches et des actionnaires , lancés quasi-simultanément par Berlin puis par Paris , sont présentés , eux aussi , comme " parfaitement cohérents " avec le plan européen de relance . Le pendant des cadeaux fiscaux ici et là-bas , ce sont pourtant des réductions drastiques des dépenses sociales . Et si le " couple franco-allemand " prend quelques libertés avec les normes du pacte de stabilité , c' est pour voler au secours des marchés financiers ; tout se passant comme si la logique restrictive du pacte s' appliquait , dès lors que ses critères sont explosés , avec d' autant plus de férocité pour la masse des salariés . Le dilemme est là . La France et l' Allemagne refusent de toucher aux dogmes restrictifs sur lesquels a été fondé l' euro . Le besoin crucial d' une politique de relance , de grands travaux pour améliorer et moderniser les infrastructures européennes , tout comme la nécessité d' une vraie politique de l' emploi à l' échelle de l' Europe sont indiscutables . Encore faudrait -il y mettre réellement les moyens . Ce n' est pas un hasard si les ministres du sommet franco-allemand se sont refusés à tout chiffrage du plan concocté à Berlin . L' étroitesse des marges de manoeuvre budgétaires , tant au niveau européen que national , ne permet guère d' effet d' annonce spectaculaire . Surtout une révision des conditions d' attribution du crédit et donc des prérogatives de la Banque centrale européenne ( BCE ) , serait indispensable si l' on veut réellement se doter d' une politique favorable à l' emploi . La sacro-sainte indépendance de la BCE , totalement antidémocratique , est une des sources du malaise européen . Une petite poignée de banquiers centraux est dotée de pouvoirs énormes , ultra fédéralistes puisqu' ils déterminent , de fait , avec la même rigueur monétariste les grandes orientations économiques de tous les pays membres de l' euro-zone . Et tout cela en vertu de dogmes définis par les marchés financiers qui privilégient la lutte contre l' inflation , entendez la surveillance des salaires et des dépenses publiques et sociales . Une vraie politique de relances convergentes en Europe passerait par une remise en cause de l' actuelle construction monétaire , qui permettrait aux citoyens , aux élus nationaux , régionaux d' avoir prise sur les décisions de la BCE pour impulser une nouvelle politique du crédit . En baissant , par exemple , comme le proposent les économistes communistes français , très fortement et de façon sélective les taux d' intérêts afin de favoriser les investissements riches en emploi et en formation .