_: Social . Les notes attribuées aux cadres conditionnent leur carrière et leur salaire . Évaluer pour licencier Dans le sillage d' IBM , les syndicats de cadres du secteur électronique dénoncent les systèmes de notation utilisés par leurs directions pour pousser les salariés vers la sortie . Longtemps , les cadres du privé ont cru que les systèmes de notation individuelle servaient à reconnaître leur mérite et à les augmenter en conséquence . Puis ils se sont aperçus que l' évaluation était subjective , donc arbitraire , qu' elle servait surtout à augmenter une poignée d' élus pour laisser de côté la majorité des salariés . Une distribution de bons points nettement moins coûteuse , pour l' entreprise , que les bonnes vieilles augmentations collectives . Mais , pour que l' injustice du système soit mise au jour , il aura fallu attendre le dernier avatar du système : l' utilisation de la notation pour pousser les " maillons faibles " vers la sortie . Le mois dernier , les syndicats d' IBM lançaient l' alerte en révélant , dans le Monde , que leur direction avait fixé à ses managers un objectif de 4 % de " mal-notés " , qui recevraient avertissement et menace de licenciement pour insuffisance professionnelle . Cette semaine , les syndicats d' autres groupes comme Hewlett-Packard , Alcatel , Ericsson et ST Microelectronics , où les cadres sont majoritaires , ont à leur tour dévoilé que des pratiques similaires existent dans leur entreprise , dans un contexte de " crise " du secteur . Une intersyndicale CGC , CFDT , CGT , FO s' est constituée pour dénoncer la dérive du système et proposer des alternatives . " Le système de notation existe depuis toujours chez Hewlett-Packard , explique Patrick Nowak , délégué CGC . Par principe , nous l' avons toujours combattu , car il instaure l' arbitraire , fonctionne au délit de faciès , contre les salariés qui n' entrent pas dans le moule . La totalité des augmentations de salaire et de l' évolution de carrière des cadres dépend de la note . Les PRB 5 , les mieux notés , peuvent avoir jusqu'à 15 % d' augmentation . Les PRB 2 et 3 représentent 30 % des cadres et n' ont aucune augmentation . PRB 1 est la note la plus mauvaise . Auparavant , elle était réservée à des cas exceptionnels . Mais , en octobre 2000 , la PDG Carly Fiorina a fixé un objectif de 5 % de PRB 1 . Ces mal-notés ont neuf mois pour opérer une remise à niveau , faute de quoi ils sont licenciés . " En septembre dernier , le groupe , qui se prépare à fusionner avec Compaq , a annoncé la suppression de 15 000 emplois dans le monde . " Comme elle est établie par comparaison avec les autres salariés , la notation entraîne une perte de confiance dans les relations avec les collègues , souligne le délégué CGT , Michel Rognin . Les mal notés sont dévalorisés , culpabilisés , humiliés . Par la suite , ils ont tendance à se porter volontaires pour quitter l' entreprise , comme lors du plan social de 2001 , qui a vu 365 départs volontaires ou en préretraite . Le problème , c' est qu' ils ne se rebellent pas . On a eu du mal à savoir qui avait été noté PRB 1 . " Actuellement , il y aurait environ 250 salariés PRB 1 chez Hewlett-Packard France . Ces méthodes s' inspirent notamment de la philosophie de cabinets anglo-saxons , comme McKinsey . Mais leur utilisation ne se cantonne pas , loin de là , aux entreprises américaines . Chez ST Microelectronics , groupe franco-italien , dont le principal site de recherche regroupe 2 000 personnes à Grenoble , la notation existe depuis 1983 . Cette année , la direction a exigé 5 % de salariés non augmentés . " L' affaire IBM a éclaté juste après , raconte Marc Leroux , délégué CGT . Une pétition a recueilli 600 signatures sur le site de Grenoble . La direction a dit qu' il ne fallait pas faire d' amalgame avec IBM , et a reculé , pour le moment , sur la question des quotas . " Le cas Ericsson illustre bien la dérive des notations : " Chez nous , les entretiens individuels ont été mis en place il y a dix ans , raconte Jean-Marie Esclamadon , délégué CGT . Au début , ils étaient des simples moments de discussion . Très rapidement , la connexion a été établie entre l' entretien et la rémunération . Le salarié qui contestait l' entretien se voyait sanctionné , privé d' augmentation individuelle . Ces cas ont été peu nombreux pendant plusieurs années . Mais , l' an dernier , tout a basculé lorsque la direction a présenté un plan de licenciements . La teneur des entretiens a servi à déterminer les personnes qui seraient licenciées . Cette année , la direction a clairement affiché en comité d' entreprise sa volonté de " détecter les mauvais salariés " . Elle juge le cadre sur des objectifs qui ne dépendent pas de lui , comme le chiffre d' affaires . Les entretiens sont faits au pas de charge , il n' y a plus de discussion , la note est fixée avant la rencontre . " Pour le syndicaliste , le risque est de voir ainsi déterminée une population " élue " , promise à la sortie , en cas de nouveau plan de réduction d' effectifs . " De nombreux salariés ont refusé de signer le résultat de l' entretien . Une pétition de protestation a recueilli 300 signatures . " Les syndicats tentent aujourd'hui de trouver des ripostes à cette gestion des effectifs par la notation . Chez Hewlett-Packard , ils ont entrepris depuis un an de porter le dossier des quotas devant la justice . L' affaire sera finalement jugée en référé devant le tribunal de grande instance de Grenoble le 25 avril prochain . Chez IBM , les fuites dans la presse ont poussé la ministre de l' Emploi , Élisabeth Guigou , à demander une enquête de l' inspection du travail , pour déterminer si les quotas existent , si des critères discriminants comme la santé des salariés ont été utilisés pour noter , et si la notation a été utilisée pour contourner une procédure de licenciement collectif . " La direction s' obstine à nier , mais en même temps elle prend ses précautions en réévaluant des mal notés , explique Michel Perraud , délégué CFDT . Il reste pourtant 3 % de notés 4 ( bas de l' échelle - NDLR ) et une cinquantaine sur 400 ont été licenciés . Nous allons les défendre aux prud'hommes . En interne , la direction nous met la pression en nous reprochant d' avoir porté l' affaire sur la place publique . Deux délégués CFDT et CGT ont reçu une lettre menaçante pour avoir participé à un reportage sur France 2 . " Quelles alternatives opposer aux systèmes de notation ? Paul Desaigues , délégué CGT chez IBM , propose " une garantie collective de maintien de pouvoir d' achat , une garantie individuelle de reconnaissance de la qualification et d' évolution , et des commissions pour vérifier l' adéquation entre les moyens donnés au salarié et les objectifs qui lui sont fixés " . Michel Perraud , de la CFDT , plaide également pour le rétablissement des augmentations générales , supprimées dans la plupart des entreprises , et suggère un temps de passage maximum dans chaque coefficient , pour " limiter l' arbitraire " . Réticent à l' idée de commissions de contrôle , il insiste plutôt sur la formation , en rappelant que la loi Aubry 2 impose à l' employeur d' assurer l' adaptation des salariés à leur emploi . Exactement le contraire de " l' évaluation pratiquée chez IBM , qui vise à l' élimination " .