_: Expertise . La réforme de l' assurance maladie . La privatisation ? Les faits 1 . Le déficit de l' assurance maladie Après la réforme des retraites , qu' il compte boucler avant l' été , le gouvernement veut s' attaquer , d' ici à l' automne , à celle de l' assurance maladie . Motif avancé par Jean-François Mattei , le ministre de la Santé : le déficit chronique des comptes de la branche maladie de la Sécurité sociale , y compris en temps de croissance économique . Contrairement à ses prédécesseurs , il reconnaît que l' inflation des dépenses de santé , qui plombent les finances de l' assurance maladie , est , sous la pression du vieillissement de la population et des progrès thérapeutiques , inexorable . Cet état d' esprit l' incite à une politique différente de celle pratiquée jusque -là , mais non moins dangereuse : à la pression sur les dépenses de santé privilégiée par les précédents ministres , il préfère la tactique qui soulage l' assurance maladie d' une partie de ses charges . Ce qui ferait reculer la prise en charge pour les assurés . Cette piste est explorée dans le rapport Chadelat , commandé par Jean-François Mattei , et rendu cette semaine . Les propositions qui en sont issues mettent clairement à mal les principes de solidarité fondateurs de la Sécurité sociale . 2 . Les propositions Chadelat Jean-François Chadelat , inspecteur général des affaires sociales , directeur du fonds de financement de la CMU , et ancien cadre d' Axa , était ainsi chargé par le ministre de " redéfinir la place de la solidarité nationale , de s' interroger sur les champs de compétence de l' assurance de base et de l' assurance complémentaire " . Son rapport suggère une assurance maladie rebâtie sur trois socles : l' assurance maladie obligatoire ( AMO ) - qui relève des caisses - , l' assurance maladie complémentaire de base ( AMCB ) - contractée auprès des mutuelles et des assurances , facultative mais aidée par l' État via les caisses d' allocations familiales - , et l' assurance supplémentaire , laissée à l' initiative des ménages . Les charges revenant à chacune de ces branches seraient définies par une négociation entre les différents partenaires . Les questions 1 . Quelle protection sociale pour demain ? Cette nouvelle organisation , plaide le rapport , ne fait qu' entériner une situation existante : les mutuelles et organismes d' assurance complémentaires occupent en effet une place importante dans le remboursement des soins , en raison du recul des taux de remboursement du régime obligatoire . Mais cette nouvelle architecture s' assortit de la définition d' un " panier de soins " qui permettrait , certes , de distribuer plus clairement les responsabilités entre les caisses et les organismes d' assurance complémentaires , mais qui officialiserait surtout dans le même temps l' entrée du secteur privé dans la gestion et la définition de l' assurance maladie . Les organismes privés pourraient ainsi se voir attribuer la charge de secteurs entiers de la santé , trop coûteux pour l' assurance maladie , comme l' optique ou les soins dentaires . En outre , l' existence d' une " assurance supplémentaire " , liée à des dépenses " moins prioritaires " , et à ce titre laissée entièrement à la charge des ménages , confirme que certaines pathologies ne seraient plus du tout dans le champ du remboursement . Toutes ces évolutions signent un début de privatisation de la Sécurité sociale , ce que tous les syndicats , à l' exception de la CFDT , n' ont pas manqué de souligner . 2 . Quel intérêt pour les comptes de l' assurance maladie ? Dans la mesure où le panier de soins n' est pas défini dans le rapport , les économies qui seraient réalisées par l' assurance maladie ne sont pas précises . Seule indication : l' aide à l' assurance complémentaire versée par l' État aux ménages en dessous d' un certain seuil de revenus serait compensée par la suppression des avantages fiscaux et sociaux accordés aux entreprises qui ont négocié , pour leurs salariés , des accords entre le collectif santé et les mutuelles ou les assurances . Une logique que condamnent à l' avance les syndicats ... et le MEDEF . Notre conclusion Rendu prudent par les réactions d' hostilité des syndicats et du patronat , Jean-François Mattei a invité les partenaires sociaux à lui donner leur avis avant la fin avril . Il ouvrira également un débat à la mi-mai , au moment de la publication des comptes de la Sécurité sociale . S' il semble ne pas retenir l' ensemble des propositions Chadelat , le ministre ne renonce manifestement pas à l' idée d' alléger les charges incombant à l' assurance maladie . Cette logique constituerait pourtant une sérieuse entaille dans le principe de solidarité nationale qui régit la Sécurité sociale .