L'Humanité

1: La politique de l' intimidation

2: ( Jacques Chirac se dit choqué de voir la brutalité se substituer au dialogue . Mais où est la brutalité sinon dans l' autoritarisme croissant du gouvernement ? )

3: L' intérêt public commande de combattre cette politique , et de travailler sans attendre à lui opposer une alternative solide et crédible .

4: S' enfoncer dans une politique d' intimidation , destinée à faire passer coûte que coûte leurs mauvais coups , voilà semble -t-il la seule leçon que le président de la République et le gouvernement ont tiré des événements sociaux de ces derniers mois .

5: En laissant entendre que ceux qui voteraient " non " le 6 juillet marqueraient en quelque sorte une défiance coupable à l' égard de France et de la République , le président se livre à une grossière manipulation et à un chantage inadmissible .

6: Partant du constat selon lequel " la très grande majorité des Corses veulent rester Français " , ce qui est tout à fait vrai , Jacques Chirac déclare qu' il " serait incompréhensible , au moment où on leur demande de le confirmer , qu' ils ne le fassent pas " .

7: En tentant de faire croire à une consultation dont l' objet serait de dire " oui " ou " non " à la France , l' Élysée ne manque pas de culot .

8: Non seulement il ne s' agit pas de cela , mais la question soumise à référendum dans une semaine sur l' île de Beauté vise précisément à faire approuver une évolution des compétences de la collectivité territoriale corse qui ouvrirait la voie à une gestion dérogatoire de l' île par rapport aux principes républicains au profit de politiques régionales plus perméables aux objectifs libéraux .

9: La montée au créneau du Président révèle en fait l' embarras gouvernemental et la crainte de se voir désavouer par les urnes le 6 juillet .

10: Car si la droite , le PS et les nationalistes se retrouvent pour appeler à voter " oui " , tandis que nombre d' acteurs du mouvement social et les communistes se battent pour le " non " , c' est bien parce qu' il s' agit d' accepter peu ou prou une emprise renforcée des politiques libérales européennes sur l' île .

11: Voilà l' enjeu qui s' affirme et que tente de brouiller la déclaration présidentielle .

12: Jacques Chirac se livre à une incroyable pirouette quand il s' émeut , dans la même déclaration , " de voir la brutalité se substituer à la réflexion et au dialogue " .

13: Qui tente d' esquiver le débat en travestissant la question posée le 6 juillet , au risque de provoquer la colère de nombreux Corses ?

14: Qui préfère emprisonner José Bové plutôt que d' ouvrir dans le pays un débat légitime sur l' utilisation des OGM ?

15: Qui impose aux salariés de notre pays , aux enseignants , aux intermittents du spectacle , des réformes et des accords au rabais que la majorité d' entre eux rejettent , alors que tout commande au contraire de renégocier ?

16: Qui réquisitionne la gendarmerie pour menotter à Béthune des syndicalistes dont le crime est de défendre l' emploi ?

17: Qui vient de trahir la parole donnée aux paysans de refuser une réforme libérale de la politique agricole commune ?

18: Où est la " brutalité " , quand toutes ces décisions sont manifestement prises à l' inverse de l' opinion majoritaire des Français ?

19: Le sondage que nous publions montre que les Français , s' ils ne partagent pas tous les méthodes d' actions de José Bové , refusent que la sanction opposée à son action syndicale s' appelle " prison " .

20: La politique de la droite est un dangereux cocktail de violence sociale et d' autoritarisme .

21: Peut-être certains à droite imaginent -ils ainsi mieux chasser sur les terres de l' extrême droite ?

22: Le résultat pourrait bien être à l' opposé de ce calcul .