_: Un débat qui sonne creux ( En réduisant leurs discordes aux seuls enjeux de pouvoir , les uns et les autres ne répondent pas à la fracassante interpellation du 21 avril . ) Etrange querelle que celle qui oppose aujourd'hui les partisans et les adversaires de la cohabitation . Les dirigeants socialistes qui , quelques semaines plus tôt , l' honnissaient lui trouvent d' admirables vertus désormais , tandis que les ténors de la droite , qui jouaient alors la garde rapprochée d' un Jacques Chirac confiné dans l' Élysée , la vouent aux gémonies . Difficile pour une majorité d' électeurs de ne pas suivre ce débat avec les yeux de Gulliver contemplant les gros-boutiens et les petit-boutiens s' écharpant sur la manière d' entamer un oeuf à la coque ... Les polémiques ainsi conduites présentent pour leurs auteurs l' avantage insigne de faire l' impasse sur les politiques qu' ils entendent promouvoir . Lorsque Jean-Pierre Raffarin accuse la cohabitation d' être " source d' immobilisme " , c' est vers quoi il veut conduire la société qu' il faut s' intéresser . Quand François Hollande affirme " nous sommes prêts collectivement à venir aux responsabilités du pays et individuellement je suis prêt à la fonction que j' espère la plus haute ... qui n' est pas la présidence de la République " , la question qui s' impose est : pour quoi faire ? En réduisant leurs discordes aux seuls enjeux de pouvoir , les uns et les autres ne répondent pas à la fracassante interpellation du 21 avril . Les électeurs refusent en effet que le même plat libéral , ici accommodé au piment du MEDEF et là adouci par un soupçon de social , leur soit servi en alternance . Ce n' est pas la cohabitation qui a précipité dans le mur le gouvernement d' Alain Juppé en 1997 , pas plus qu' elle n' est à l' origine des mesures qui ont vicié la mise en place des 35 heures : blocage des salaires , annualisation du temps de travail , flexibilité ... Lorsque les deux têtes de l' exécutif ont signé lors du sommet européen de Barcelone l' enfermement de la France dans un corset budgétaire , la mise en cause des services publics ou le report de cinq ans de l' âge de la retraite , aucun des deux ne l' a fait sous la contrainte de l' autre . Ce ne sont pas non plus les rares escarmouches qui ont opposé Jacques Chirac et Lionel Jospin qui ont conduit les Français à s' abstenir massivement , à recaler au premier tour le premier ministre et à sanctionner l' ensemble de la gauche gouvernementale , à accorder moins de 20 % au président sortant et , plus grave , à voter en faveur de Le Pen . Les tentatives d' escamoter la confrontation sur les solutions réclamées par notre peuple , l' entreprise qui vise à n' en réduire l' expression qu' à deux formations - l' UMP et le PS - produiraient alors les mêmes effets qu' au premier tour de l' élection présidentielle . Ce débat de fond , les Français l' appellent comme en témoignent les sondages qui relèvent que les élections législatives apparaissent comme le moment décisif pour décider de l' avenir du pays . D' une certaine manière , ils contredisent le cercle de ceux qui ne jurent que par un régime présidentiel à l' américaine , réclamant au contraire un Parlement jouant son rôle à plein . Quand on parle de VIe République , c' est à la réévaluation des pouvoirs de l' Assemblée nationale qu' il faut d' abord procéder . Alors les inconvénients de la cohabitation disparaîtront . Pour sortir la campagne électorale de ses langueurs , il n' est que temps de renvoyer les prestations bonhommes de Jean-Pierre Raffarin à ce qu' elles sont , le masque d' un programme violemment libéral qui s' inaugurera par de copieux cadeaux fiscaux pour les plus riches avant de sabrer dans les services publics , les retraites , la protection sociale , la réduction du temps de travail . La gauche peut leur faire obstacle à condition d' oser se remettre en cause , de ne pas se fourvoyer dans des polémiques politiciennes , d' entendre les exigences exprimées le 21 avril . Et d' y répondre . C' est la recette efficace pour faire refluer le Front national .