L'Humanité

1: Un face-à-face durable

2: Le gouvernement pensait qu' il avait les coudées franches .

3: Il perd son sang-froid parce qu' il n' en est rien .

4: Quoi qu' en dise le gouvernement , qui relance tous les matins dans les médias le refrain d' un illusoire essoufflement du mouvement , nous assistons à un face-à-face qui s' annonce bel et bien durable entre le peuple et le pouvoir .

5: Il est maintenant clair que la réforme des retraites portée par Jean-Pierre Raffarin et François Fillon est minoritaire dans le pays et qu' elle va le rester .

6: Il ne suffira pas , pour faire oublier la profondeur du rejet populaire que cette réforme suscite , de se livrer à quelques provocations policières , comme celle de mardi soir place de la Concorde , de faire monter la tension autour des épreuves du bac en espérant qu' une opération commando exauce devant les caméras les voeux d' un boycott refusé par les syndicats , ou d' insulter la démocratie du haut d' une tribune de meeting sous prétexte de se livrer à de minables effets de manches .

7: Bien au contraire , toutes ces petites manoeuvres de bas étage ne peuvent qu' alourdir la crise .

8: À la faveur des mouvements de ces derniers mois sur la retraite et la décentralisation , le divorce est devenu patent entre les projets de remodelage libéral que le gouvernement Raffarin veut imposer à la France et le sens des réformes auxquelles aspirent nos concitoyens .

9: Après sa victoire électorale du printemps dernier , acquise dans les conditions que l' on sait , le gouvernement pensait qu' il avait les coudées franches .

10: Il perd aujourd'hui son sang-froid parce qu' il n' en est rien .

11: Le projet libéral n' a jamais été majoritaire dans ce pays , ni le 21 avril , ni le 5 mai 2002 .

12: La victoire législative de la droite s' est construite sur des ruines .

13: Le peuple a défait la gauche plurielle , pour les mêmes raisons qui le conduisent aujourd'hui dans la rue .

14: L' ancrage du peuple de France dans les valeurs de justice et de solidarité ne cesse de remonter à la surface depuis un an .

15: Le pouvoir de droite est dans l' impasse parce qu' il refuse d' en prendre acte .

16: Ni les envolées dramatiques du premier ministre , ni la démultiplication des opérations de communication , ni le déguisement du ministre de la Police en gentil organisateur de la réforme scolaire ne changeront cette réalité :

17: le vote en l' état du projet Fillon par le Parlement reviendrait à fouler aux pieds l' opinion majoritaire du peuple , s' apparenterait à un dangereux passage en force .

18: Il ne suffit pas de s' être alarmé des résultats du 21 avril , de la fracture démocratique , politique et sociale qu' ils révélaient .

19: Un an après , le dossier des retraites place de nouveau chacun face à ses responsabilités .

20: Les médias doivent s' interroger .

21: L' information n' est certes pas uniforme , mais elle est loin , très loin , de la confrontation citoyenne attendue .

22: Pourquoi relayer dans les grands médias audiovisuels avec aussi peu de distance la propagande gouvernementale sur l' essoufflement de la mobilisation ?

23: Pourquoi continuer à entretenir la fable d' un mouvement de fonctionnaires , quand tout indique la profondeur du rejet de la réforme dans le secteur privé ?

24: Pourquoi le refus persistant d' un grand débat public télévisé entre le premier ministre et les leaders syndicaux qui conduisent le mouvement ?

25: Le Parti socialiste est lui aussi au pied du mur .

26: Il surfe sur le rejet , en cherchant à crédibiliser la perspective d' une nouvelle alternance du pouvoir .

27: Mais l' attente populaire porte sur les contenus d' une autre réforme possible .

28: Les ambiguïtés persistantes du projet socialiste , non seulement n' y répondent pas , mais demeurent à leur manière un facteur de crise , en nourrissant l' idée de la vanité des changements politiques .

29: Quant aux forces de transformation sociale , il leur revient , notamment au Parti communiste , de déverrouiller cette situation .

30: Comment ?

31: En combattant le coup de force gouvernemental et en appuyant nettement la demande syndicale d' un retour à la négociation , comme vient de le faire le député Alain Bocquet ;

32: en donnant des signes clairs que le peuple peut compter sur des forces politiques qui ne se résigneront pas ;

33: en élaborant dans le mouvement , sous le contrôle de ceux qui en sont les acteurs , les objectifs d' une politique alternative au remodelage libéral de la société .

34: Cette reconstruction politique commence maintenant .