L'Humanité

1: Poker menteur

2: ( SMIC et 35 heures : le premier ministre n' est pas en train d' arbitrer , il est à l' attaque , poussé par les " ultras " du patronat )

3: Le numéro de duettistes joué depuis quarante-huit heures par le gouvernement d' un côté et le patronat de l' autre relève du grand art .

4: A en croire les médias , qui plongent bien facilement dans le piège , le MEDEF est très en colère contre le gouvernement et son ministre des Affaires sociales , François Fillon .

5: L' objet prétendu du courroux patronal :

6: le SMIC et les 35 heures .

7: Dans ces deux dossiers chauds , le premier ministre Jean-Pierre Raffarin serait devenu un simple " arbitre " , qualificatif repris hier matin à la une des Échos , de la Tribune et du journal le Monde .

8: Comme chacun sait , un arbitre est impartial , il fait juste respecter la règle du jeu entre deux adversaires , en l' occurrence le patronat et les syndicats .

9: En somme , le gouvernement chercherait à couper la poire en deux .

10: Incroyable numéro d' illusion , au moment où l' annonce faite par le ministre des Affaires sociales au patron du MEDEF confirme le terrible coup fourré envisagé contre les 35 heures .

11: Quels sont les faits ?

12: Le ministre des Affaires sociales envisage de réduire à néant les effets de la réduction du temps de travail , en relevant par décret ( donc sans débat parlementaire ni accord des syndicats ) le quota des heures supplémentaires auquel un patron peut avoir recours pour contourner la RTT .

13: Il veut le faire sans attendre , puisque le projet est déjà inscrit à l' ordre du jour du Conseil des ministres pour le 18 septembre .

14: Sur quoi porte donc la " colère " d' Ernest-Antoine Seillière ?

15: La portée de ce décret ne serait pour le moment fixée qu' à douze à dix-huit mois .

16: Or , le patronat veut tout , tout de suite , sans délai ni possibilité de retour .

17: Sur le SMIC , le marché de dupes est de même nature .

18: Le gouvernement prétend désamorcer la bombe à retardement créée par les dispositions salariales de la loi Aubry .

19: On sait que sous la pression du patronat , contre l' avis des communistes et de nombreux syndicalistes , le gouvernement de Lionel Jospin s' était refusé à une application de la RTT sans réduction de salaire .

20: Cela a débouché sur une usine à gaz avec plusieurs niveaux de SMIC , variables en fonction des dates d' entrée dans les dispositifs RTT .

21: Cette situation est devenue ingérable .

22: Que choisit le gouvernement Raffarin pour en sortir ?

23: Un rattrapage des plus bas niveaux de SMIC sur plusieurs années , compensé par un blocage du pouvoir d' achat du salaire minimum et de nouvelles baisses de cotisations patronales .

24: Mais le MEDEF serait paraît -il furieux .

25: Sur quoi donc là encore porte la " colère " patronale ?

26: Tout simplement sur l' ampleur et le rythme de ces allégements .

27: Ernest-Antoine Seillière en veut plus , encore et toujours plus .

28: Qu' on n' essaie donc pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes , le premier ministre n' est pas en train d' arbitrer , il est sur le front de l' attaque , décidé à marquer le plus de buts possible contre le camp des travailleurs .

29: Dans la tribune des VIP , Ernest-Antoine Seillière porte haut la bannière des " ultras " .

30: L' équipe gouvernementale et ses supporters patronaux tirent bien dans le même sens .

31: Le gouvernement veut aller vite .

32: Le MEDEF joue les épouvantails , histoire de maintenir à distance le maximum de salariés .

33: Il est urgent de déjouer cette partie de poker menteur , sinon la majorité d' entre eux risquent d' y perdre gros , très gros .