_: Les politiques publiques ne changent pas Josette Vigneau , peintre et graveur . Membre de l' Association des ateliers de Belleville . L' association des ateliers de Belleville couvre le 19e , le 20e et une partie du 11e arrondissement de Paris . Mon atelier se trouve dans le 20e . J' ai adhéré à l' association il y a cinq ans , pour participer aux journées portes ouvertes qu' elle organise chaque année . Et puis , d' une manifestation à l' autre , je me suis de plus en plus impliquée . C' est heureusement le cas d' autres artistes , d' autant que l' une de nos spécificités est d' avoir depuis trois ans un lieu permanent d' accueil et d' exposition . L' association elle-même a vu le jour pour résister à un projet de démolition du quartier qui entraînait la disparition des nombreux ateliers d' artistes . Les ateliers de Belleville ont travaillé avec l' association la Bellevilleuse pour proposer un tout autre aménagement . Je travaille à mi-temps dans la communication , là aussi autour des problématiques des quartiers " sensibles " . Pour moi , le travail d' un artiste ne peut être dissocié de son environnement social . Mon travail , tout au moins . Cela ne signifie pas que l' art , lui , doive y être en permanence associé . Aujourd'hui un artiste doit monter ses dossiers , maîtriser l' écriture et l' informatique , la photo numérique pour son " press-book " . Tout cela représente beaucoup de temps et pas mal de frais . Pour répondre aux éventuelles demandes et concours , la sélection se fait sur l' adaptabilité au monde tel qu' il va . Or , la première préoccupation d' un artiste , c' est de pouvoir travailler . Cela suppose de se sentir suffisamment libre pour avoir des désirs , des réflexions , des élans ... Je ne suis pas certaine que les institutions aient vraiment conscience de ce que vivent les artistes . Très peu vivent de leur art. Les publics sont divers et m' apparaissent un peu perdus au milieu d' une offre pléthorique et éclectique mais au sein de laquelle les repères proviennent surtout de l' extérieur . Difficile d' assumer ses goûts , ses émotions . La starisation de l' art intimide . Les chiffres incroyables du marché , médiatisés eux aussi , laissent croire à des vies d' artistes fascinantes . Le public connaît mal les contraintes , les doutes , le manque d' espaces concrets et imaginaires . Tout cela n' est pas quantifiable . L' une des questions que l' on me pose le plus souvent , c' est : " combien de temps vous avez mis pour faire ça ? " . Le taux horaire est devenu l' échelle de toutes mesures . Je me sens très solidaire des professionnels du spectacle en lutte . Ils ont au moins un dispositif à défendre . Nous n' avons aucun statut . On pourrait réfléchir sur les mêmes bases à un dispositif adapté aux plasticiens . C' est l' un des thèmes centraux des rencontres d' aujourd'hui , mais la mobilisation est très difficile . La parole n' émerge que peu à peu . Il y a cinq ans , les squats existaient à peine . Maintenant ils ont leur festival et entrent au palais de Tokyo mais ils restent très surveillés par le pouvoir et les politiques publiques ne changent pas . Pourtant des changements me semblent impératifs . J' ai toujours le sentiment d' un monde divisé entre ceux qui décident et les autres . C' est long .