_: Morceaux de vies brisées et recollées Compétition All or Nothing , de Mike Leigh Grande-Bretagne , 2 h 08 Cela débute par le couloir d' un mouroir pris en enfilade . Une jeune femme obèse nettoie le sol tandis que derrière elle progresse une petite vieille têtue . Cela se conclut à l' hôpital , et une famille dont le père , la mère et le fils alité se réconcilient . Rachel - ainsi se prénomme -t-elle - reste silencieuse . Il faudra que tout soit dit entre les trois autres , tout à leur joie , pour que l' on se rende compte de sa présence et qu' il lui soit enfin demandé : " ça va ? " Du " tout ou rien " que signifie le titre anglais , nous verrons plutôt le " rien " entre ces deux moments , un rien qui fait toute la vie des êtres auxquels s' intéresse Mike Leigh , et qui , eux , n' ont guère de choix . Il y a Phil , chauffeur de taxi dans la débine ( Timothy Spall ) . Sa femme , Penny , cumule boulot de caissière et repassage à domicile pour joindre les deux bouts . Rory , le frère cadet de Rachel , tout aussi obèse , se gave , entre autres choses , de télé et ne s' exprime que par de brusques accès de violence . Dans ce petit monde , chacun se connaît . Alors , on verra aussi un collègue de Phil dont la femme est perdue dans l' alcool et leur fille tâchant de se débattre là-dedans comme elle peut , une mère célibataire dont , fatalité de la reproduction , la fille suivra les traces , et un jeune homme simplet , sans oublier un vieux collègue libidineux de Rachel . Les rares échappées hors de la cité adviennent des clients des taxis de Phil ou de son loueur . Outre le comique grinçant de ces instants sous l' oeil constamment noyé de Timothy Spall , on verra défiler une galerie de portraits d' une Angleterre tout aussi dans la débine que les protagonistes de ce All or Nothing . Ainsi décrit , ce précipité d' humanité qui a sa dose de souffrance et de coups reçus aurait donné une comédie caustique dans la veine du cinéma italien des années soixante . Le temps a passé , les espoirs ont été déçus ou trahis . Sous Thatcher , on pouvait encore réaliser High Hopes , mais là , il n' y a décidément plus rien à faire . Nous sommes bien sous Tony Blair . Reste , chez Mike Leigh , la tendresse . Des acteurs , tous plus que convaincants , le choix de poser sa caméra en de longs plans fixes , de cadrer ces corps au plus près , de ne pas encombrer les séquences ou le cadre de figurants inutiles est chez lui marque élégante de respect envers ses personnages saisis dans l' intime . Son goût pour le laconisme se révèle ici en de larges plages de blancs entre des phrases réduites au strict minimum , d' où surgit la réplique ou plutôt le mot d' esprit , en autant de petites bulles de rire et de vie , de ce qui reste de vie dans ces destins -là . Le regard du cinéaste préfère déceler l' héroïsme dans les instants ténus d' un quotidien défait là où d' autres , dans la jeune génération anglaise , joueraient de la corde sensible . Et l' émotion profonde que porte le film naît de la manière de faire face chez chacun de ces hommes et femmes , y compris chez ceux qui ont abdiqué et de ce qui peut , envers et contre tout , demeurer de complicité .