_: Florence Pelly ou le tourment amoureux swingué On peut se jeter avec une infinie déraison dans le ravin de la passion amoureuse , en ne versant pas alentour des louches de mièvrerie , des poignées de pathos . Florence Pelly y parvient avec un ravissement partagé , ces jours -ci , à l' Européen dans un spectacle taillé dans la plus énergique veine du music-hall , genre ici rehaussé d' une joyeuseté quasi rabelaisienne , manifeste dans les déhanchements lascifs de la jeune femme , dans ses audacieux jeux de jambes sur divan blanc ou ses yeux écarquillés comme des ballons . Que voulez -vous , Florence Pelly , coquine robe noire fleurie d' un jupon pourpre , ne chante jamais aussi bien le sentiment amoureux que quand celui -ci l' excède ! Car oui , elle en a un peu marre , la donzelle , de tout ce qui pollue l' amour . De ce qui l' avachit . Soirées tissées d' attente , d' affliction , soumission , dépendance , boulimie et amour-propre à la poubelle , la belle , au fil d' un inventaire à la Prévert aussi ébouriffé qu' elle , en passe par tous les refrains de l' humeur pour dire l' amour et ses avanies . Les airs qu' elle nous sert de sa bouche mobile , toujours prête à pousser la grimace , ne datent pas d' hier . Autant dire qu' on connaît la chanson . Jugez plutôt ... Le texte de Roland Topor , fusillant le mâle menteur ouvre ce récital " féministe-loufoque " sur des notes aussi sautillantes que cinglantes . Suit la complainte amoureuse d' Alphonse Allais , toute de subjonctifs subjectifs évoquant une vision intériorisée de la prime rencontre qui ne l' est pas moins . Du Topor encore , érigeant l' amour en nécessité pour échapper à la surcharge pondérale : " Je mange de tout en guise d' amourette ... " clame la brunette mi-gouailleuse , mi-affriolante . Du Topor toujours , joint à Thierry Boulanger pour dépêcher un " connard " glacial à tous ces vils " ils " , qui se reconnaîtront ; et plus encore pour leur pilonner un petit air impérissable au creux du crâne ! Bobby Lapointe ne saurait être absent d' un tel répertoire , Florence Pelly nous susurre donc un de ses textes aux petits oignons truffés de jeux de mots salaces , où chaque phrase voit son sens final culbuté par le début de la suivante ... Quel bonheur , aussi , que cette version résolument jazzy de Je suis seule ce soir où l' on voit la chanteuse passer l' aspirateur avec une drôle de langueur . On ne saurait , pour vous mettre en bouche , citer tous les auteurs faisant le délice de ce vivifiant pêle-mêle ; impossible , pourtant , de taire l' enthousiasme qui a jailli à l' écoute de la version ultra franche et féminine du 95 fois sur 100 , concocté par l' ami Brassens , ou à celle des Criquets , écrits par Delanoë et Giraud , que Florence Pelly colore d' une revigorante hystérie . Bref , il faut écouter cette fille -là , parfaitement entourée , de surcroît , par Thierry Boulanger au clavier , Alain Richard à la contrebasse et Patrick Soller aux percussions . Indispensable , ces jours -ci , pour faire la nique aux bourrasques . Jusqu'au 9 novembre à l' Européen , 5 , rue Biot 75017 Paris . Métro Place-de-Clichy . Réservation : 01 43 87 97 13 .