_: Guido Crepax ou le dessin qui bande L' auteur de bande dessinée est mort . Il avait sorti la BD érotique de son ghetto et avait créé le personnage de Valentina . Dans les années trente , l' érotisme est déjà présent dans la bande dessinée . Sauf que cette production , triste et glauque , circule sous le manteau , destinée à des messieurs solitaires et frustrés . Il faut attendre les explosives années soixante pour que la BD érotique commence à sortir de la semi-clandestinité . Guido Crepax figure alors au nombre de ces quelques pionniers pour qui érotisme doit rimer avec esthétisme . Avec lui , des préoccupations artistiques , graphiques , littéraires , accompagnent ce genre jusque là méprisé . Guido Crepax est mort le 30 juillet à Milan à l' âge de soixante-dix ans . Le dessinateur et scénariste italien occupe une place originale dans l' univers de la BD . Après une formation d' architecte , il devient illustrateur de pochettes de disques de jazz puis , à l' âge de trente ans , s' emploie à inventer une nouvelle forme de bande dessinée érotique . En 1965 , dans le tout jeune magazine italien Linus , il crée le sulfureux personnage qui va l' accompagner pendant trente ans : Valentina . Le personnage le plus emblématique de l' univers de Crepax . En fait , cette engageante jeune femme n' était destinée qu' à jouer un rôle secondaire sur les planches à dessin de son démiurge , mais elle ne tarde pas à supplanter le héros désigné , son fiancé , que tout le monde ou presque a oublié . Valentina , c' est Louise Brooks . Crepax s' est directement inspiré de la sublime actrice du cinéma muet pour donner corps à son personnage . Même frange brune , même galbe des hanches , mêmes lèvres boudeuses , mêmes poses lascives . Sous le crayon de Crepax , l' érotisme devient subtil , élégant , jamais vulgaire . Valentina dévoile un sein , Valentina est nue derrière une contrebasse . Tout au long des neuf albums , elle transgresse délicieusement la morale bourgeoise . Au fil de ses aventures , elle flirte même avec le trotskisme , s' empare de sa propre existence . Deux lectures d' un tel personnage sont pourtant possibles : femme ayant réussi son émancipation ? Ou simple femme-objet , s' étalant sur du papier glacé pour le seul plaisir des hommes ? On ne sait pas trop si Valentina - et à travers elle Crepax - a fait progresser ou régresser la cause des femmes . La notoriété du dessinateur milanais a vite traversé les Alpes . Guido Crepax est publié dans Charlie mensuel dès 1969 , année décidément érotique , et le sera jusqu'en 1983 . Ses albums se caractérisent par des constructions savantes , des découpages élaborés . Il illustre aussi des oeuvres célèbres de la prose libertine : Emmanuelle , Histoire d' O ou Justine . Crepax mena de front bande dessinée et littérature érotique , deux disciplines dominées dans le champ culturel , et contribua à les faire avancer sur le chemin difficile de la consécration . Roland Barthes , sensible aux bouleversements de notre époque , avait souligné l' émergence du neuvième art. Le célèbre sémiologue donna cette définition de l' oeuvre de Crepax : " Le dessin qui bande . " En 1995 , l' artiste italien mit fin aux aventures de sa chère Valentina , avec un ultime album intitulé Au diable Valentina ! On imagine bien , en effet , cette femme évoluer désormais dans l' atmosphère torride de l' enfer , allumeuse au milieu des flammes . Au paradis , à ce qu' il paraît , on s' y ennuie à mourir .