_: MOYEN-ORIENT - CINQ ATTENTATS SIMULTANÉS ONT FAIT PLUS DE 40 MORTS ET DE 200 BLESSÉS , HIER , À BAGDAD . Les USA dans le piège , l' Irak au bord du chaos Devant le poste de police d' Al-Elam aux murs éventrés par l' explosion , ce policier couvert de poussière , la voix étranglée de sanglots ne retient ni ses larmes ni ses cris : « J' ai reconnu des morceaux de corps de mes collègues éparpillés sur le sol » craque -t-il , « qu' avons -nous fait pour mériter cela ? » . Peu avant 8 h 30 , au moment de la relève entre l' équipe de nuit et celle de jour , une voiture blanche s' arrête devant ce commissariat des quartiers sud de la ville . Son chauffeur la fait aussitôt exploser . Dans l' heure qui suit , trois autres véhicules pulvérisent des commissariats de la capitale ; une ambulance bourrée d' explosifs se jette sur le bâtiment qui abrite le comité international de la Croix rouge . Un sixième kamikaze est arrêté in extremis devant un autre commissariat . Le bilan de ces cinq attentats simultanés est terrible : au moins 43 morts dont un Américain et plus de 200 blessés dont 40 enfants . Le ramadam commence dans le sang . UN SANGLANT CAMOUFLET À L' AMÉRIQUE Au lendemain de l' attaque à la roquette de l' hôtel Al Rachid où logeait le numéro 2 du Pentagone et d' embuscades qui ont coûté la vie à quatre soldats américains , ces attentats terroristes coordonnés infligent un sanglant camouflet aux armées de la coalition et à la Maison Blanche . Le général Hartling a beau parler de l' oeuvre d' amateurs ( Les familles des victimes apprécieront ) à propos des attentats d' hier , les offensives redoublent d' audace et de violence . Malgré les murs de béton et le déploiement de troupes , les soldats américains et la police irakienne ne contrôlent plus du tout la situation . L' Irak est au bord du chaos . Il y sombrera si l' armée américaine s' en va . Et si elle reste , les attentats vont continuer et c' est Bush qui risque de sombrer politiquement . Drôle de piège . WASHINGTON FACE AU SCÉNARIO VIETNAM Pour la première fois , un sénateur , républicain qui plus est , a comparé la situation au Vietnam . Les auteurs des attentats n' ignorent rien de la pression politique et populaire que subit l' administration Bush à l' intérieur du pays , à un an de l' élection présidentielle . « Si nous sommes attaqués , c' est que nous enregistrons des succès » a déclaré hier soir le président des États-Unis , entouré des faucons de son administration et du haut commandement de l' armée . Ce discours sera -t-il plus convaincant que le retour des 114 GI's tués dans des cercueils plombés ? Le Congrès n' a toujours pas voté la rallonge de 87 milliards de dollars demandée par la Maison Blanche . Le Sénat veut transformer les dons pour la reconstruction en prêts . Six mois après son succès militaire , Washington sera -t-il tenté par un retrait des GI's ? La Maison Blanche agitera -t-elle la menace de rapatrier ses troupes si la communauté internationale n' apporte pas davantage d' aides militaire et financière ? Comme au Vietnam , un tel retrait serait perçu comme une défaite . Cela signifierait pour l' Irak un scénario à l' Afghane : un immense chaos dont le fracas retentirait bien au-delà des États-Unis et de l' Irak . LES AMÉRICAINS ET LEURS ALLIÉS TROP ESSEULÉS En s' attaquant à la Croix rouge , ces commandos suicide tentent de chasser toute présence étrangère d' Irak . Entreprise en bonne voie de succès : hier les Pays-Bas rappelaient leurs diplomates ; Médecins Sans Frontières réduisait la présence de praticiens étrangers ; la Croix rouge évacuait ses collaborateurs non Irakiens . A laisser les Américains et leurs alliés seuls dans la nasse sur le terrain , en exposant Washington sur le plan diplomatique , la communauté internationale , que ce soit l' Europe ou le monde arabe , contribue à alimenter la machine anti-occidentale qui se constitue en Irak face à ce qui est perçu par le peuple comme une armée d' occupation . Surtout , cette attitude de division qui perdure sur la scène internationale , retarde le transfert de souveraineté à des autorités irakiennes . Choc pétrolier , désastre humanitaire , tensions régionales ... Les conséquences d' un abandon de l' Irak sont connues d' avance . LE SPECTRE DES GUERRIERS DE L' ISLAM Cependant le principal risque demeure le contrôle de l' opposition par les intégristes . Côté chiite , ils ont montré leur force et leur détermination en tuant le mois dernier le leader modéré , lors d' un attentat dans un lieu saint . Désormais , les Américains n' ont plus d' interlocuteur crédible chez les chiites qui représentent 60 % de la population . Côté sunnite , les combattants islamistes venus de l' extérieur ( Palestine , Syrie , Arabie Saoudite ) apportent un appui providentiel aux partisans de l' ancien dictateur . Les officiers américains ont clairement cité le nom d' Al Qaïda après l' attaque de dimanche soir . Selon le général Hartling , « les méthodes employées , qui ne correspondent pas à celles des fidèles de Saddam Hussein , et l' arrestation d' un kamikaze syrien montrent que les auteurs des cinq attentats de lundi seraient des combattants étrangers et non des loyalistes de Saddam » . Ce n' est pas franchement une bonne nouvelle , même si d' autres sources américaines démentent cette version . En abandonnant l' Irak aujourd'hui , les Américains et la communauté internationale laisseraient libre cours à ceux qui aspirent au renversement des régimes arabes modérés et au choc des civilisations tant redouté . Un dangereux engrenage .