_: Les feuilles mortes Les arbres vivent plus longtemps que les hommes qui les ont plantés . Ils sont pourtant fragiles , eux aussi , puisque les tempêtes et la foudre , et la canicule les abattent comme fétus de paille . Il faut bien cent ans pour faire advenir un platane à une belle maturité et cent ans de plus pour le voir s' épanouir ... et mourir , puisque les arbres meurent aussi sur terre comme s' ils étaient des humains , mais ressuscitent sous forme de légendes . Dans nos pays où , comme dit le poète « l' ombre est un besoin » , nous savons le prix qu' il faut attacher à ces grands arbres et ce que nous leur devons au quotidien de confort , de bonheur . L' été une protection , une respiration , une musique , celle des oiseaux qui y nichent et l' hiver une chaleur et le toit de nos maisons . Car l' arbre sous lequel les rois , jadis , rendaient justice , jusque dans sa mort et la nôtre , nous offre une ultime planche de salut . Aujourd'hui l' État a en sa sainte garde les forêts du secteur public héritées de la France et de la de la Navarre , des forêts qui ne se portent pas mal de ce fait , mais où les incendies criminels de l' été qui s' achève ont fait des coupes claires irrémédiables , quoique chez nous , dans le Midi languedocien , les risques d' incendie ont été moindres . On comprend bien que les forêts comme les villes , comme les gens , ne se font pas en jour . Elles se plantent et se replantent longtemps à l' avance et les cycles végétaux y sont plus difficiles à sauvegarder et à rétablir que les équilibres animaux . S' il faut six ans pour que les musaraignes reviennent dans les sous-bois , il en faut plus pour que les jeunes arbres reprennent vigueur . C' est dire que la forêt a besoin de nous , de notre vigilance , d' une exploitation intelligente qui respecte son équilibre ... et le nôtre . Les effets récents de la canicule se surajoutent aux dommages infligés par les incendies . La sagesse populaire dit « il pleut toujours là où c' est mouillé » . On aimerait bien , parce qu' à voir les feuilles mortes se ramasser à la pelle en plein mois d' août comme en automne , ça ne vous donne pas envie de chanter . Mais il faut savoir espoir garder , les spécialistes nous disent que ce n' est pas parce qu' un arbre perd toutes ses feuilles qu' il est mort . Il faut attendre le printemps prochain . La nature est riche en résurrections . Donc , jardiniers du dimanche , de grâce laissez vos tronçonneuses au repos . Par contre , perdez espoir pour ce qui concerne les sujets les plus jeunes que vous avez amoureusement mis en terre et qui , s' ils n' ont pas été arrosés , et comment auraient -ils pu l' être par temps de restriction , risquent fort de perdre leur ramure , leur sève , leur vie même . Les catastrophes naturelles , et qui le sont si peu , tournent à la catastrophe économique puis écologique . Elles nous réapprennent que nous sommes des Pénélope en puissance . Ce que certains s' acharnent à détruire , d' autres s' acharnent à le reconstruire .