_: Le malaise des profs Jean-Pierre Raffarin n' a pas désamorcé la colère des enseignants . Les concessions minimes qu' il leur a accordées ne sont pas à la mesure du désarroi qui a progressivement envahi les rangs de l' Education nationale . Le prolongement des grèves dans les établissements scolaires témoigne d' un malaise bien plus profond que la réprobation suscitée par la seule réforme des retraites . Depuis plusieurs années , le monde enseignant est en crise . Et les différents ministres qui se sont succédé n' ont pas perçu l' étendue du mal-être d' une profession en quête de reconnaissance , désabusée par l' affaiblissement de son statut social . Les profs ne constituent plus la référence culturelle et sociale qu' ils ont longtemps représentée . Ils ne sont plus les seuls dépositaires et diffuseurs du savoir . Révolue également l' époque qui les voyait respectés par les parents d' élèves . L' Education nationale n' est plus aussi performante qu' auparavant , surtout compte tenu de l' augmentation de son budget ( 25 % en 20 ans ) . Bref , l' école ne joue plus son rôle d' ascenseur social . Et les enseignants vivent cette évolution comme une régression . L' illettrisme reste encore trop important dans le primaire . Enfin , la violence s' est installée dans certains lycées et collèges . Conséquence : les profs se sentent débordés , voire impuissants face à certaines de ces carences . Non seulement ils doivent résoudre des problèmes nouveaux . Mais voilà qu' on dégrade leurs conditions de travail en supprimant les aides-éducateurs que ne remplaceront que partiellement les assistants d' éducation , qu' ensuite on agite le chiffon rouge de la décentralisation . Et , enfin , qu' on leur impose une retraite plus tardive : la goutte d' eau qui a fait déborder le vase . Les enseignants avaient été rudoyés par Allègre . Aujourd'hui , ils sont confrontés au style distant , voire un brin indifférent de Ferry . Certes , la crise de l' Education nationale dépasse largement la personne du ministre qui , en outre , voit sa tâche compliquée par les réformes ( décentralisation , retraites ) portées par d' autres , en l' occurrence Raffarin et Fillon . Mais Ferry disposait d' un certain nombre d' atouts pour réussir . Philosophe , il a dirigé le Conseil national des programmes , il s' appuie sur de solides amitiés aussi bien à droite qu' à gauche , et ne rechigne pas à la médiatisation . Figure emblématique de la société civile , il symbolisait une ouverture propre au dialogue . Il est devenu un repoussoir aux yeux du monde enseignant . Ce gouvernement qui faisait du « dialogue social » sa vertu cardinale afin de montrer sa différence avec « l' unilatéralisme » de la méthode Jospin , est en train de se mettre le corps social à dos . Raffarin lance en toute hâte un grand débat sur l' Education . Mais c' est sans doute trop tard . Pour être efficace , ce type d' initiative a besoin de se dérouler dans un climat apaisé . Il ne doit pas donner l' impression d' être organisé sous la pression des événements . Non seulement le gouvernement s' est attiré les foudres du monde enseignant mais il a gâché ses chances de réformer l' Education nationale .