_: Sacrifice Avant le 21 avril , les Français ne savaient pas ce qu' ils voulaient . Depuis , ils savent ce qu' ils ne veulent pas . L' union sacrée de la droite en posture de gagner la présidentielle et de la gauche en posture de vaincue , apparaît aujourd'hui comme la seule issue raisonnable pour sortir de la nasse où les uns et les autres se sont fourvoyés de leur propre volonté . C' est à croire que les démocraties sont comme les baleines . Elles se suicident un beau jour en échouant sur une plage et on ne sait pas pourquoi . La grande affaire qui nous préoccupe , nous qui aurons le 5 mai le coeur à gauche et le vote à droite , c' est ce grand saut dans le vide et l' inconnu . Oui , pour le peuple de gauche , ce sera le jour du grand sacrifice . Au nom de l' intérêt supérieur du pays , que nous avons mal aimé , trop aimé , qui nous a déçus parfois , exalté à d' autres moments , cette France qui ne mérite plus de s' appeler douce France , comme dans une chanson de Trénet . A peine remise des cendres de la guerre , des cicatrices des camps , auréolée d' impunité , elle donne sa foi à un beau parleur qui n' est pas avare de promesses . Faut -il s' étonner que ce pays du droit , de la raison et des Lumières ait renvoyé d' honnêtes et intègres prétendants du style de Mendès-France ou de Jospin au bénéfice d' un tribun fort en gueule qui a le fier culot de s' emparer , en toute impunité , du trésor de guerre de la gauche - la lutte sociale - pour en faire son miel ? Quand ce n' est pas des propres paroles du Pape « Entrez dans l' espérance » et que , Dieu merci , la hiérarchie de l' église catholique dans son ensemble a dénoncé . Avons -nous donc à ce point la nostalgie de l' éloquence pour ne pas voir les limites de cet amalgame , qui nous piège à notre jeu démocratique , les dangers de ce métissage idéologique électoraliste , et le gouffre qu' il ouvre sous nos pas ? On en appelle ces jours -ci aux grands fantômes républicains . On crie au secours Voltaire et Hugo . Mais non , c' est nous que ça regarde , c' est nous seuls qui pouvons faire quelque chose pour nous . Ne nous berçons pas d' illusions . Il faut avoir peur . Peur de ceux à qui le FN ne fait pas peur . Peur de ceux qui ne veulent pas se salir les mains en votant pour un Président qu' ils n' ont pas choisi en leur âme et conscience . A ceux -là surtout de méditer les vieux proverbes : « Quand on n' a pas ce que l' on aime , il faut aimer ce que l' on a. » . On peut donc raisonnablement avoir peur et pour autant ne pas prendre la fuite . Car prendre la fuite c' est ne pas participer à un vote qui engage au-delà de sa propre conscience l' image du pays que l' Europe et le monde entier contemplent en ce moment avec étonnement . Par quels sombres maléfices pouvions -nous , hier encore , donner des leçons de civisme aux puissants de la planète et nous retrouver , aujourd'hui , transformés en fossoyeur de nos propres valeurs . Qui nous a fait outrage ? Nous-mêmes . N' est -ce donc pas à nous de réparer ce que nous avons détruit ?