_: Musulmans de France L' islam de France aura -t-il ce soir un seul visage ? C' est le pari du ministre de l' Intérieur , lui-même ministre des Cultes , qui a précipité le mouvement en réunissant depuis hier les diverses familles autour d' une même table , en espérant que sortira de ce conclave à huis clos une hypothétique fumée blanche . Si Nicolas Sarkozy gagne ce délicat pari , on admettra qu' il aura assaini la seule ombre confessionnelle qui existait encore au pays de la séparation de l' Eglise et de l' Etat . Certes , ce n' est ici qu' une première approche puisqu' il s' agit de concocter en deux jours le mode de désignation du futur Conseil français du culte musulman ( CFCM ) qui , en mars prochain , devrait permettre à l' Etat républicain de trouver un interlocuteur unique et représentatif de la seconde religion pratiquée en France . Jusqu'ici , les autres cultes , catholique , protestant , juif , étaient parvenus à organiser normalement une structure de dialogue avec les pouvoirs publics . L' islam , non . Pour plusieurs raisons : - d' abord il n' a pas de clergé , et , en conséquence , il a été longtemps difficile de trouver en son sein des responsables clairement représentatifs de tous les « musulmans de France » ; - ensuite , la nature de l' islam le pousse à intervenir dans l' organisation sociale et politique de la société - ce à quoi l' Eglise catholique a renoncé depuis plus d' un siècle , et ce que ne saurait admettre notre Etat laïc ; - enfin , les cinq millions de musulmans sont aussi bien des citoyens français parfaitement intégrés sur le sol national que des étrangers soumis aux influences de leurs pays : ainsi , la Mosquée de Paris , d' inspiration libérale , est assujettie à l' Algérie ; la Fédération nationale des musulmans de France , liée aux intérêts marocains ; sans oublier l' Union des organisations islamiques de France , proche des Frères musulmans . Quant aux groupes « laïcs » , aux associations de femmes , aux représentants de la société civile ou aux mosquées indépendantes ils sont , pour la plupart , déçus d' être aussi peu parties prenantes au débat . C' est pourquoi il a fallu manoeuvrer avec habileté entre les personnes , les clans concurrents , les idéologies et les ambassades étrangères , entre la volonté hégémonique de certains et la susceptibilité des autres . Le but recherché depuis un quart de siècle par bien des ministres de l' Intérieur , de Charles Pasqua à Nicolas Sarkozy en passant par Jean-Pierre Chevènement , sera d' instituer chez nous un islam « au grand jour » , moderne , ouvert , adhérant aux valeurs de notre démocratie et impartial face aux influences extérieures . Le terrorisme international , qui se réclame de cette même religion , et provoque parfois un amalgame grotesque , a précipité de part et d' autres ce premier désir de dialogue . Prochainement , il devrait donc enfin exister officiellement des « musulmans de France » . Ceux -ci auront les mêmes droits que les catholiques , les protestants et les juifs - normal dans un pays qui admet la liberté de culte . Normal également qu' il y ait des aumôneries musulmanes , des carrés musulmans dans les cimetières et que l' édification de mosquées ne soit pas l' objet de polémiques xénophobes . Normal enfin que , dans l' expression générale « musulmans de France » , le mot « France » soit essentiel . Car , on est d' abord « de France » - et ensuite musulman , juif , chrétien . Ou encore agnostique , libre penseur ou athée . Même si on la respecte , la religion n' a jamais fait le citoyen .