_: Paradoxes d' avant guerre La guerre à tout moment . C' est-à-dire le feu du ciel et l' enfer sur la terre . La guerre , dans la minute qui vient . Les diplomates ont définitivement rangé leurs cartables , plié leur petit traité de droit international . Le monde est désormais aux mains des militaires & 226;& 128;& 148; et même pire : aux mains de l' administration Bush . Nous vivons des heures paradoxales , dans l' attente d' une vague imminente , où chacun semble éviter le regard des autres . Les commerçants de Bagdad baissent le rideau , les enfants n' iront plus à l' école , le président des États-Unis d' Amérique va donner l' ordre à ses bombardiers d' en finir avec l' Irak , ce petit pays épuisé qui menacerait la planète , il nous semble entendre déjà le sinistre vrombissement de ces grands oiseaux de fer survolant le désert , alors même qu' hier , à des milliers de kilomètres de là , dans l' enceinte du Conseil de sécurité des Nations Unies , le chef des fameux inspecteurs en désarmement nous a rappelé une nouvelle fois que , bon gré mal gré , et sous la menace qui gronde , l' Irak effectivement n' en finissait pas de désarmer , qu' il y fallait encore du temps et sans doute de la bonne volonté . Paradoxales en effet , ces ultimes palabres à l' ONU où le mot paix résonnait encore par la voix de la France et de l' Allemagne , deux voix courageuses assurément que recouvraient déjà le bruit et la fureur des armées qui s' ébranlent . Puisque sa mission est inachevée au bout de cent dix jours , Hans Blix , ayant oeuvré de tout son possible et gardé toute sérénité face aux camouflets des Américains , Hans Blix le diplomate devenu inutile peut désormais regarder sur CNN la suite des événements . « Coupable » de n' avoir pas légitimé la guerre , d' avoir opposé le droit à la force , l' ONU n' est plus aujourd'hui le centre du monde . Les B- 52 , chargés jusqu'à la gueule , sont en bout de piste , alors même que , ce jeudi , tous les leaders de l' Union européenne vont sacrifier aux rites d' un « sommet » réuni à Bruxelles pour prouver que le vieux continent bouge encore , que son unité n' est lézardée qu' en façade . Mais , puisque la crise est là , profonde , qui divise notre Europe , ce « sommet » un peu ridicule , en tout cas très surréaliste , ne vaudra en définitive que pour le regard glacial de Chirac croisant celui de Blair , et les rancoeurs effrayantes accumulées par deux hommes que la politesse ne retient plus . L' Europe cacophonique , dans ce conflit , n' a servi à rien . Fallait -il alors qu' en ces ultimes moments de paix , l' Union européenne expose ainsi ses divisions , et l' ONU ses impuissances ? Sans doute ces deux institutions & 226;& 128;& 148; qui portent des valeurs à nos yeux essentielles et , à ce titre , sont indispensables pour éviter que le monde ne tourne en sens unique selon le bon vouloir du plus fort & 226;& 128;& 148; connaissent aujourd'hui un déboire inévitable face à une logique de guerre qui leur est imposée . Mais , pour l' ONU comme pour l' Europe , il s' agit , désormais , puisque le pire est là , de prendre date . On parle déjà de « reconstruire l' Irak » , de redonner espoir à toute une région , d' imaginer enfin une autre gestion du monde , où le pouvoir ne serait plus au bout du missile . Bien sûr , là encore , avec cette morale très diplomatique , nous baignons dans le paradoxe , certains diraient dans le cynisme . Car d' abord , il y a la guerre que le monde n' a pu éviter . La guerre à tout moment . Le feu du ciel et l' enfer sur la terre .