_: La paix selon Chirac Jacques Chirac prix Nobel de la paix . N' exagérons rien , ce n' est pas dans la poche , mais c' est possible dans la mesure où son nom figure en bonne place sur l' impressionnante liste des célébrités oeuvrant ou ayant oeuvré pour la paix , telle qu' elle a été dressée par l' Institut Nobel de Norvège . Une liste de 150 noms & 226;& 128;& 148; ce qui relativise notre enthousiasme chiraquien & 226;& 128;& 148; parmi lesquels on note la présence de Jean-Paul II , un sacré concurrent . N' empêche ! « Il » y est . Cette nomination , qui pourrait irriter quelques pacifistes ronchons se souvenant qu' à peine élu notre homme fit exploser sa bombe du côté de Mururoa , mérite tout de même les honneurs de la chronique tant elle rejaillit , en cette période incertaine , sur notre politique internationale . Chirac 2003 n' est plus Chirac de l' autre siècle , le voilà désormais qui discourt sur la paix , en tout cas s' épuise à retarder la guerre annoncée , et cet effort , louable pour peu qu' il soit soutenu , vaut d' être couronné . Jusqu'ici , ses propos sont justement pesés , rien à y retrancher , ils flattent sans doute notre ego tricolore , et redonnent à la France un rang qui fut parfois le sien . D' autant plus que résonnent encore les belles paroles de son ministre des Affaires étrangères rappelant sous les applaudissements des Nations-Unies que ce vieux pays de France et cette vieille Europe , malgré guerres et barbarie , sont toujours debout . Et que résonnent aussi les manifestations du dernier week-end de paix consacrant chez nous la popularité de ce Chirac « frondeur » et rassembleur & 226;& 128;& 148; quatre Français sur cinq , droite et gauche confondue comme au beau temps du printemps dernier ! En la circonstance , le Nobel serait une apothéose ... Mais entre nomination et couronnement , en octobre prochain , le monde pourrait connaître des soubresauts et notre diplomatie des revers indépendants de sa bonne volonté . Car l' embellie de notre Quai d' Orsay n' est fondée que sur un lyrisme de résistance , une posture de sagesse dans une période étale qui n' est plus tout à fait la paix ni encore la guerre . Qu' en sera -t-il à l' heure du véritable engagement , lorsqu' il faudra , par le coeur ou l' intérêt , nous ranger aux côtés d' un camp ? Retiendra -t-on aussi l' intercession française en Côte d' Ivoire qui , pour constestée qu' elle soit , partait de la volonté de protéger les civils , de séparer les clans , alors qu' il y avait urgence ? Par la suite , le traitement de l' affaire ivoirienne est demeuré brouillon , imparfait et , sur place , froisse toujours des susceptibilités . Dans ce bourbier , les paroles ne suffisent pas , ni les 3.000 soldats français , ni les liens historiques que la France entretenait avec l' ancienne colonie qu' on citait en exemple . Le sommet « France-Afrique » arrive un peu tard dans une guerre civile qu' on retarde encore faute de mieux , mais qui témoigne d' une crise africaine plus générale , bien au-delà d' Abidjan , et que la France , seule , ne saurait conjurer . Moins spectaculaire que la crise irakienne , car les regards du monde s' y font plus distraits , la trêve armée de Côte d' Ivoire reste un piège pour le « nobélisable » et surtout pour notre volonté de reprendre rang dans le monde . Il est toujours difficile , lorsqu' on est un chef d' État en exercice et qu' on refuse le neutralisme frileux , de satisfaire à toutes les exigences d' un héraut de la paix .