1: Le coup de sifflet final
2: La fin d' une époque .
3: Celle des « Bleus » , celle des slogans unanimes , celle des victoires .
4: La fin d' une France où le football gommait toutes les différences , et nous faisait croire , dans le consensus des supporters , en l' unité fraternelle de la nation .
5: Ce n' était pas un rêve bien sûr - et , pour se consoler , les belles fêtes de juillet 98 nous restent en mémoire , comme ces coupes d' autrefois qu' on aligne sur des étagères .
6: Mais le football a pour loi celle des tragédies anciennes , où les dieux finissent toujours par punir les simples mortels qui commettent le pêché de démesure .
7: Et , précisément , dieu sait sur quel pavois nous avions hissé ces Bleus .
8: Des idoles comme rarement le sport en a commis .
9: Des idoles surprotégées , médiatisées à outrance , vues et revues en boucle parce que la publicité adore les vainqueurs .
10: Sans doute est -ce sévère pour tous les gamins de France qui rêvaient d' impossible .
11: Mais le football français redescend dans une division qui lui était , depuis quatre ans , inconnue .
12: Celle des bonnes équipes qui ne gagnent pas forcément .
13: La France « d' en haut » a été humiliée par des footballeurs « d' en bas » .
14: Les spécialistes diront que nos Bleus étaient émoussés , qu' il leur manquait les forces et les tripes , la « faim » et la foi des amateurs , cette fraîcheur morale et physique indispensable , cette vitesse au centième de seconde qui font les grands buteurs .
15: Ils ajouteront que tous ces joueurs professionnels se sont usés durant la saison dans des clubs prestigieux , multipliant les matchs , les efforts et les exploits - mais ce régime d' enfer fut aussi le lot des joueurs danois ou sénéglais .
16: En reconnaissant que ses stars n' ont pas été « à la hauteur » , le sélectionneur Roger Lemerre admet implicitement son propre échec , sans en tirer pour l' heure les mêmes conclusions qu' un ancien premier ministre qui , dans la défaite , a su raccrocher les crampons .
17: Lui aussi , Lemerre , doit partir , comme ces cadres supérieurs coupables de mauvais choix .
18: Il est bien sûr injuste de brûler dorénavant ceux -là mêmes que nous adorions avant-hier .
19: Zidane demeure le soleil du monde , et Barthez l' un des meilleurs gardiens .
20: Nos buteurs , malgré leur terrifiante impuissance , sont faits du bois dont on fait les buteurs .
21: Et pourtant , ce football bleu , qui nous a tant de fois mis le feu , ne peut désormais échapper au feu des critiques .
22: La défaite libère les « non-dits » .
23: Nous savions qu' à la malchance d' avoir perdu Pirès , puis Zidane ( sacrifié six jours avant le Mondial lors d' un inutile match amical ) , s' ajoutaient des mauvais choix tactiques .
24: Nous savions , depuis quelques matchs déjà , que cette « génération Jacquet / Lemerre » arrivait à épuisement - mais qui pouvait le dire haut et fort sans aussitôt être fusillé pour défaitisme ?
25: Le sport n' échappe pas à cette loi naturelle qui frappe toutes les activités humaines - et sape les meilleures constitutions physiques .
26: L' avoir à ce point ignorer est une faute grave .
27: Ainsi , nos « Bleus » vivaient dans une bulle , intouchables , parce qu' ils étaient le symbole de ce que nous aimons :
28: la France qui gagne .
29: Aujourd'hui , la France doit savoir perdre .
30: Comme le Brésil de 98 .
31: C' est d' ailleurs , dans cette posture d' humilité , qu' elle retrouvera ses couleurs de football ( les nouveaux talents ne manquent pas dans l' équipe Espoirs qui est parvenue , voici un mois , en finale de sa Coupe d' Europe ) .
32: Enfin , ce n' est qu' un jeu .
33: Et cet enterrement n' est pas vraiment très grave .
34: Comme dans les tournois d' antan , choisissons -nous un autre favori .
35: Tiens !
36: Parce que ses joueurs fréquentent notre championnat et parce que le chauvinisme n' est jamais très loin des terrains de sports , vive le Sénégal !