_: Pari à haut risque L' ennui avec les paris , c' est qu' on peut les perdre . Toujours à l' affût de la formule qui fait mouche , le Premier ministre pourrait méditer celle -ci à la veille de l' épreuve de force à laquelle il va être confronté . Sa volonté de passer en force sur le dossier des retraites , dont tout un chacun s' accordait à penser qu' il imposait un long dialogue social , relève bien du pari à haut risque . Soyons beaux joueurs et saluons l' artiste pour son audace . Quand tant de gouvernements ont reculé devant l' obstacle , lui , le modeste , le pragmatique , décide , au nom de l' intérêt de la maison France , de passer outre , en dépit des récriminations syndicales . Après tout , il aurait pu , toute honte bue , colmater à la hâte quelques brèches et passer la patate chaude à son successeur . Reste que Raffarin a lourdement sous-estimé les difficultés que sa gestion autoritaire et unilatérale de ce dossier , ô combien sensible , avait suscitées . Un peu comme un alpiniste qui , partant à l' assaut des Grandes Jorasses , se dispenserait de vérifier cordes et piolets , il a négligé d' assurer ses arrières en omettant de suspendre la mise en oeuvre de son projet à un consensus national et a basé sa stratégie sur une série de constats empiriques et erronés . Ainsi a -t-il , contre les évidences , tablé sur une faible mobilisation de la rue . A en juger par la paralysie sans pareil qu' on nous promet , dans le secteur public notamment , il a sous-estimé l' ampleur du mouvement . Raffarin a également misé sur les divisions syndicales . Pas sot , de prime abord . Mais si la CFDT et la CGC ne font guère chorus à la véhémence de la CGT et de FO , tous ont bien perçu l' enjeu de cette journée au delà même du seul dossier des retraites qui l' a inspirée . Celui d' un véritable réveil social d' un monde du travail longtemps tétanisé par les affres de la globalisation de l' économie . Enfin , Raffarin se trompe encore lorsqu' il table sur la résignation de l' opinion . Bien sûr , les actifs ont compris qu' ils n' échapperaient pas à un allongement de la durée de cotisation et , sans doute , à une baisse du niveau des pensions mais , quand six Français sur dix jugent que la politique du gouvernement en matière de retraites « va dans le mauvais sens » , comme le révèlent les derniers sondages publiés par nos confrères de la presse parisienne , la preuve est faite de la défiance de l' opinion vis-à-vis de Matignon sur le terrain social et , en corollaire , de la bienveillance de celle -ci , à tout le moins , envers les acteurs de la mobilisation . Le Premier ministre aurait donc de bonnes raisons d' avoir une peur bleue de ce mardi noir . S' il ne s' agit que de ce baroud d' honneur syndical , dont il veut encore se convaincre , il sortira renforcé et grandi de l' épreuve de la rue . Si , en revanche , la grande journée de contestation de demain constitue le point de départ de ce réveil social printanier si souvent annoncé , il n' aura que deux solutions , tout aussi funestes pour lui , l' une que l' autre : passer en force ou reculer . Avec les conséquences que l' on imagine et qui ont précipité tant de ses prédécesseurs hors de Matignon .