_: L' arme fatale Aux Etats-Unis , pays de la démesure , les criminels semblent toujours plus fous , plus excessifs qu' ailleurs , au point qu' on les croirait de fiction , sortis tout droit de l' écran noir d' un film policier . Un « sniper » -traduisez un tireur isolé-sévit en ce moment dans la région de Washington . Il a tué la nuit dernière sa septième victime dans le faubourg d' une ville qui , à première vue , et contrairement à New York , a pourtant gardé une dimension humaine . La poursuite du criminel , dont les motifs sont aussi mystérieux qu' il est lui-même insaisissable , donne lieu à un déploiement de forces inusité . Le FBI est sur le terrain , le président des Etats-Unis lui ayant donné mission de venir à bout d' un homme qui semble prêt à récidiver . Il aurait laissé sur les lieux de ses meurtres à répétition une carte de tarot représentant la mort avec ces mots : « Cher policier , je suis Dieu » . On aura compris qu' il s' agit d' un Dieu vengeur , car la miséricorde divine semble avoir déserté le bras aveugle de ce tireur expérimenté . Parce que les Etats-Unis sont , en ce moment précis , au centre même du monde , les arbitres de la paix , l' onde de choc de leur violence interne nous atteint de plein fouet comme la face obscure de leur puissance . Cette société puritaine et manichéenne génère des criminels d' un genre particulier qui invoquent le Bien et le Mal selon une théologie toute personnelle , comme pour mieux la contourner . Car pour les criminologues , le « plaisir aphrodisiaque du meurtre » est bien le ressort du carnage qui a frappé en quelques jours et de manière indifférente des hommes et des femmes , des blancs et des gens de couleur , bref tout ce qui constitue le melting-pot américain , autrement métissé que le creuset européen . Ce n' est pas la première fois qu' un criminel s' en remet au pur hasard . Son gibier n' est pas celui du chasseur mais sa méthode est la même . Ce qui veut dire qu' il tire à vue , qu' il a perdu tous ses repères sociaux et qu' il est redevenu un loup pour l' homme . Il n' y a pas de prévention possible dans ce pays d' anciens et de nouveaux cow-boys , pourtant féru d' institutions démocratiques , mais où l' industrie de l' armement et la constitution coïncident à faire de chaque citoyen un tireur en liberté . Combien faudra -t-il de crimes accumulés pour que cesse la puissance du lobby qui défend le port d' armes ? Il ne faut pas rêver de voir cette influence cesser sous la législature républicaine .