_: La peste Les dictatures sont -elles les hivers des démocraties ? Gide disait qu' il fallait accepter ses hivers , mais il le disait au plan personnel et ce qui est supportable individuellement ne l' est plus collectivement . Et pourtant les dictatures existent et ce , depuis la république romaine , si l' on en croit l' Histoire et les dictionnaires . Elles ne sont pas pour autant à ranger au rayon des antiquités . Nous sommes bien placés , de ce côté -ci de l' Europe , pour savoir qu' elles ont meurtri , il n' y a pas si longtemps encore , nos territoires et nos consciences en nous privant des libertés essentielles . Les noms d' Hitler , ( il rêvait d' un Reich millénaire ) de Mussolini , de Franco , de Salazar , de Ceauscescu , nous rappellent que leur doctrine du pouvoir fort a grandi dans le lit des révolutions sociales avortées , dans des pays en crise d' identité profonde . A ceux qui croyaient qu' une injustice vaut mieux mieux qu' un désordre , Péguy le chrétien répondait : « Il faut tout de même voir qu' il y a des ordres apparents qui recouvrent , qui sont les pires désordres » . Les dictatures sont de cet ordre -là ; elles règnent par la force et la terreur et le goût de la grandeur , infantilisent les esprits qu' elles dominent , appauvrissent , affament , bâillonnent . Les dictatures tirent leur force non pas de la faiblesse des peuples , mais de leurs antagonismes secrets qui les livrent pieds et poings liés à ces stratèges du pouvoir absolu , ces despotes qui prennent parfois abusivement le masque des libérateurs . Pendant longtemps on a entendu parler de la pauvre Espagne et du pauvre Portugal comme des pays asservis parce que peu portés à la liberté ! Ils étaient malheureux les démocrates qui subissaient ce discours humiliant . Nous savons aujourd'hui ce qu' il en est et que les dictateurs les plus tartuffes tiennent tête au temps et meurent dans leur lit à baldaquin pour peu qu' ils sachent jeter le voile pudique de la ruse et du secret sur leurs méfaits . A regarder la carte du monde aujourd'hui , on voit bien que la partie reste rude et que les dictatures , en désertant l' Europe , sont parties faire des petits ailleurs , autour de Méditerranée , en Afrique , en Amérique latine , en Asie . Pas de frontières à cette peste brune . Que dirait le Montesquieu du Siècle des Lumières s' il revenait sur notre terre , lui qui croyait que « les nations libres sont superbes » et qui pensait que tous les hommes , sans distinction de race et de couleur méritaient le doux nom de citoyens ?