_: Laïcité , notre seule religion Il y aurait , paraît -il , urgence à revoir notre vieux principe de laïcité . Pourquoi ? Est -ce à dire qu' il sentirait le renfermé , qu' il ferait trop " IIIè République " , qu' il faudrait en quelque sorte le mettre au goût du jour , sous prétexte qu' il ne prendrait plus en compte la réalité civile ? Des voix s' expriment pour réclamer une extension des libertés fondamentales , comme , par exemple , le droit inaliénable de porter foulard en toutes occasions jusque sur la carte nationale d' identité - faudrait -il désormais y mentionner l' obédience de chaque citoyen ? - , ou encore l' obligation faite aux piscines publiques d' ouvrir à heures fixes selon le sexe des baigneurs , On imagine le monde étrange qu' on nous préparerait s' il fallait de la sorte nous plier aux exigences de quelque communauté , sous prétexte que le Bon Dieu ou Allah veulent qu' il en soit ainsi . Il ne s' agit pourtant pas ici d' ouvrir une nouvelle guerre de religion . Ainsi , le développement de la pratique musulmane , deuxième religion de France , est une réalité qui ne doit choquer personne , car elle nous vient d' un voisinage historique . Bien au contraire , mieux vaudrait apprendre , dès l' école , l' histoire de l' Islam comme des autres religions , approcher scientifiquement le fait religieux qui sert de ciment à des millions d' hommes , comprendre pourquoi les musulmans , souvent issus de sociétés non-laïques , ont du mal à percevoir le sens de notre laïcité . Écouter sans méfiance , apprendre , réfléchir sans a priori : ce sont précisément les bases de la tolérance , autant dire les véritables valeurs laïques . Nous sommes loin du débat anecdotique qui voudrait une loi , une de plus , sur le port du voile à l' école . Par contre , il serait dangereux de toucher au principe de laïcité tel que nous le connaissons et qui demeure , au moins depuis un siècle , le fondement et la spécificité de notre République . Ce principe garantit à tout citoyen français , quelles que soient ses origines et ses croyances , la liberté de penser , l' égalité en droits et en devoirs , l' appartenance à un sol , et ne reconnaît qu' une seule communauté , celle de la nation . Cette exigence politique a été arrachée à tous ceux qui voulaient assujettir les âmes et donc les hommes , notamment à l' Église qui revendiquait alors la mission d' éduquer les jeunes Français . Après des années de farouche bataille , il fut admis que , si l' Etat refusait à exercer un quelconque pouvoir religieux , l' Église , elle , abandonnait toute prétention politique , toute ingérence dans l' administration de la société . Le débat ressurgit désormais avec l' Islam qui , lui aussi , a mission de convertir les hommes et de régenter la vie civile . La liberté de culte - et , entre autres , la possibilité d' ériger sereinement des mosquées - exige de sa part un engagement extrêmement clair : les convictions religieuses ne peuvent en aucun cas être au-dessus des lois de la République . Or , ces lois existent déjà et doivent être appliquées , en tous lieux , et notamment dans les lieux publics . Y a -t-il donc vraiment urgence à légiférer ? La Commission sur " la laïcité dans la République " que vient d' installer Jacques Chirac doit en conséquence réaffirmer ces principes de 1905 . Sinon , ce serait encourager un communautarisme " à l' américaine " , introduire d' inadmissibles différences parmi les citoyens - autant dire nous y perdrions notre âme .