_: Structuration du lexique et principe d' économie : le cas des ethniques Michel Roché Michel Roché , CLLE-ERSS ( Axe DUMAL ) , CNRS et Université de Toulouse-Le Mirail I. Introduction Les noms et les adjectifs que nous regrouperons sous l' étiquette commune d' « ethniques » posent à la morphologie constructionnelle des problèmes qui passent généralement inaperçus dans la mesure où ils n' affectent pas la forme des unités concernées . Comment construire l' un par rapport à l' autre Français et français , Russe et russe ? Comment relier ces lexèmes à un nom de pays qui est tantôt en amont ( France ) tantôt en aval ( Russie ) ? Comment rendre compte du fait que , quelle que soit sa forme , l' adjectif renvoie aussi bien au pays ( les paysages français , la plaine russe ) qu' à ses habitants ( le caractère français , l' à& 194;& 162;me russe ) ? Dans une publication antérieure ( Roché , 2005 ) , nous avons ébauché une description d' ensemble du système et évoqué le rôle qu' y joue la conversion . Après avoir rappelé ces données , on se propose de poursuivre ici cette exploration en observant , dans un premier temps , la double « dimension paradigmatique » ( van Marle , 1985 ) dans laquelle s' intègrent ces formations : celle du paradigme lexical que constituent les ethniques dans leur ensemble et celle du paradigme dérivationnel qui regroupe chacun d' entre eux avec le nom de pays , le nom de langue et les adjectifs correspondants . On s' intéressera ensuite à deux séries de dérivés construits sur les ethniques - préfixés en anti- et suffixés en -isme et en -iste - qui héritent de certaines caractéristiques du système et manifestent à leur tour le rôle de la marque morphologique dans la structuration du lexique . II . Le système des ethniques en français On appellera « ethniques » les noms de peuples ( Russe , Tzigane ) , les gentilés construits sur un nom de pays ou de région historique ou géographique ( Italien , Piémontais ) et les adjectifs correspondants ( russe , tzigane , italien , piémontais ) , à l' exclusion des gentilés construits sur un nom de ville ou de circonscription administrative . Le corpus constitué pour ce travail rassemble 1090 dénominations , dont 830 suffixales . Pour simplifier les notations , les noms de personnes et les adjectifs seront donnés uniquement sous leur forme de citation ( masculin singulier ) . Il va de soi que , sauf à être épicènes , ils sont systématiquement variables en genre . Le système que constituent ces lexèmes peut se présenter morphologiquement , en français contemporain , sous quatre formes : ( 1 ) Tzigane N : tzigane Adj " de Tzigane " ( 2 ) Russe N : russe Adj " de Russe " Russie : russe Adj " de Russie " ( 3 ) France : français Adj " de France " Français N : français Adj " de Français " ( 4 ) Hongrois N : hongrois Adj " de Hongrois " Hongrie : hongrois Adj " de Hongrie " Dans le type ( 1 ) , il n' y a pas de nom de pays ( ou il n' est pas usuel ) . Dans le type ( 2 ) , le nom de pays est formé sur le nom de peuple , par suffixation ( Russie , Arabie , Birmanie , Turquie ... ) ou par composition ( Angleterre , Pays Basque , Thaïlande , Kurdistan ... ) . Dans le type ( 3 ) , le noms des habitants est formé , par suffixation , sur le nom de pays ( Français , Zaïrois , Tunisien , Andorran , Chypriote , Emirati ... ) . Dans le type ( 4 ) , les finales de l' un et de l' autre ne permettent pas d' orienter la relation constructionnelle . Formellement , les deux dénominations peuvent être identiques ( Corse / Corse , Suisse / Suisse ... ) , prendre les apparences d' une alternance flexionnelle ( Lorrain / Lorraine , Argentin / Argentine ... ) , faire alterner deux suffixes par troncation réciproque ( Hongrois / Hongrie , Albanais / Albanie ... ) , opposer une finale quelconque à une finale suffixoïde ( Breton / Bretagne , Catalan / Catalogne ... ) , etc. Le plus familier est le type ( 3 ) , parce qu' il est commun aux gentilés formés sur les noms de villes et qu' il correspond à la vision contemporaine du monde , structuré en Etats bien délimités . Mais le type ( 1 ) et le type ( 2 ) sont plus fondamentaux , et ils ont longtemps été majoritaires . Le type ( 4 ) résulte de divers aléas historiques sur lesquels nous reviendrons . Dans tous les cas , on observe un certain nombre de points communs que nous présenterons schématiquement ( pour une argumentation plus détaillée , voir Roché ( 2005 ) ) : Quelle que soit la relation génétique entre le nom de personne et le nom de pays , quand il existe , les deux dénominations sont , d' un point de vue fonctionnel , réciproquement motivées , comme dans le type ( 4 ) . La perception qu' en ont les locuteurs , reflétée par les dictionnaires , est la même dans tous les cas de figure . Russe est défini par le Grand Robert comme " de Russie " , malgré une relation constructionnelle inverse . ( 5 ) Hongrois " habitant de la Hongrie " : Hongrie " pays des Hongrois " Russe " habitant de la Russie " : Russie " pays des Russes " Français " habitant de la France " : France " pays des Français " Les adjectifs sont des adjectifs de relation et , pour cette raison , ne peuvent pas constituer le primitif . C' est le nom de personne qui est premier , non seulement dans les types ( 1 ) et ( 2 ) où les adjectifs sont formés par conversion mais aussi dans le type ( 3 ) où Français N n' est pas une nominalisation de français Adj mais construit parallèlement sur France . Dans tous les cas , les adjectifs ont la même forme que le nom de personne : Français N / français Adj , Russe N / russe Adj , etc. Les exceptions ( germanique , hispanique , helvétique ... ) sont des emprunts au latin utilisés dans des conditions très particulières ( infra , § 2.3 ) . l' adjectif qui renvoie au nom de personne ( français dans le caractère français , russe dans l' âme russe ) et celui qui renvoie au nom de pays ( français dans les paysages français , russe dans la plaine russe ) ont systématiquement la même forme . Aussi apparaissent -ils , lexicalement , comme un seul « mot » . Mais dans la mesure où il s' agit d' adjectifs de relation , qui n' ont de raison d' être que par rapport au nom , ils constituent bien , d' un point de vue constructionnel , deux unités distinctes . C' est la raison pour laquelle , dans les schémas ( 2 ) et ( 3 ) , on a posé Russie : russe Adj " de Russie " et Français N : français Adj " de Français " comme des relations constructionnelles . Le nom de langue , quand il existe , est presque toujours une nominalisation par conversion de l' un de ces deux adjectifs - français Adj " de Français " : français N " langue des Français " - et l' adjectif de relation qui y renvoie - français " du français " ( le vocalisme français ) - est formé lui aussi par conversion . Ainsi , en dépit des différences entre les divers types et des multiples variantes de détail , le système contemporain des ethniques et des noms de langues est remarquablement unifié et cohérent . Cette structure est le résultat de la pression lexicale qui s' exerce sur le lexème construit du fait de son appartenance à deux paradigmes : un paradigme dérivationnel ( Bauer , 1997 ) , équivalent synchronique de la « famille de mots » , qui regroupe les mots construits sur une même base , directement ou indirectement ( France , Français , français , franciser , francophone ... ) ; un paradigme lexical qui tend à être , plus précisément , un paradigme lexico-morphologique quand les lexèmes appartenant à une même classe sémantico-référentielle ont en commun une même marque formelle ( français , irlandais , congolais , javanais ... ) . Nous verrons successivement comment ces deux types de paradigmes se sont constitués pour les ethniques , et comment ils peuvent entrer en conflit . II.1 . Des paradigmes dérivationnels économes Même quand il est complet et qu' il comporte un nom de pays et un nom de langue , le paradigme dérivationnel dans lequel s' inscrit un ethnique est , en français comme dans les autres langues romanes , particulièrement économe . Six lexèmes ( nom de peuple ou d' habitants , nom de pays , nom de langue , plus les trois adjectifs de relation correspondants ) partagent deux formes seulement , voire une seule ( Corse / corse ) . Comment en est -on arrivé là ? Au départ , il y a le fait que les principaux suffixes spécialisés ( -ais , - ois ) et privilégiés ( -ien , - ain ) sont sous-spécifiés quant à l' opposition Nom / Adjectif . Cela ne va pas de soi a priori . L' allemand oppose systématiquement un suffixe - er nominal à un suffixe -isch adjectival ( österreicher N " Autrichien " / Österreichisch Adj " autrichien " ) . En latin , si les dérivés en -anus sont à la fois nom et adjectif , ceux en -icus sont seulement adjectifs ; et lorsque les deux sont en concurrence sur une même base , ils ont tendance à de spécialiser ( asianus comme nom désignant une personne , par exemple , et asiaticus comme adjectif ) . En français donc , formés avec le même suffixe , Français N " habitant de la France " et français Adj " de la de la France " ont la même forme . C' est sans doute cette caractéristique qui a entraîné la deuxième : la formation d' un adjectif de relation par conversion quand le primitif est le nom de peuple : Russe N : russe Adj " de Russe " . Ceci non plus n' était pas évident . Le recours à la conversion , pour ce type de formations , est généralement soumis à des conditions qui ne sont pas toutes réunies ici . Ce qui nous fait dire que la conversion est en l' occurrence un moyen de sauvegarder le parallélisme avec le type Français N / français Adj . L' allemand ( Russe N " Russe " : russisch Adj " de Russe " ) , le latin ( Gallus N " Gaulois " : gallicus Adj " de Gaulois " ) recourent systématiquement , dans ce cas , à la suffixation . Troisième caractéristique : une fois posé ce premier adjectif de relation , il est réinvesti , ou plutôt sa forme est réinvestie pour l' autre adjectif de relation . Dans le type ( 3 ) , la forme construite- par suffixation- pour français " de France " va être réutilisée pour français " de Français " . Dans le type ( 2 ) , la forme construite- par conversion- pour russe " de Russe " va être réutilisée pour russe " de Russie " . Ce phénomène , à la différence des précédents , semble assez général . Il y a quelques exemples de suffixation en chaîne quand la base est un nom de ville- it . Roma : Romano N " Romain " : romanesco Adj " de Romain " ( distinct de romano Adj " de Rome " , mais réservé à certains emplois ) , al . Berlin : Berliner N " Berlinois " : Quand le nom de personne est construit ( österreicher " Autrichien " ) , l' adjectif construit sur le nom de pays ( Österreichisch " d' Autriche " ) renvoie aussi au nom de personne ( Österreichisch " d' Autrichien " ) . Quand c' est le nom de pays qui est construit ( Russland " Russie " ) , l' adjectif construit sur le nom de personne ( russisch " de Russe " ) renvoie aussi au nom de pays ( russisch " de Russie " ) . österreicherisch est attesté ( à propos de la langue autrichienne ) , russländisch également , mais ils ne sont pas usuels . En néerlandais , où le nom d' habitant est également tantôt construit ( Amerikaan " Américain " , Israeliet " Isrélien " ) , tantôt non construit ( Noor " Norvégien " , Belg " Belge " ) , l' adjectif construit sur ce nom ( Amerikaans , Israelietisch , Noors , Belgisch ) est repris systématiquement pour renvoyer au nom de pays ( resp . Amerika , Israel , Noorwegen , Belgià ... ) . En latin enfin , gallicus pourrait , formellement , être construit sur Gallia aussi bien que sur Gallus mais l' antériorité de Gallus invite à y voir le même processus : formé d' abord sur Gallus , gallicus est réinvesti pour renvoyer à Gallia . Symétriquement , asiaticus construit sur Asia renvoie également à Asianus . Dernière étape : le nom de langue et l' adjectif qui y renvoie . L' un et l' autre , on l' a dit , ont la même forme que les autres adjectifs de relation , quelle que soit la façon dont ils sont construits . Les rares exceptions ( hébraïque ) sont des restes du système latin sur lequel nous reviendrons . Ainsi , à plusieurs niveaux , se manifeste un « principe d' économie » de portée plus générale , qui fait que la langue , plutôt que de construire une forme nouvelle , réutilise une forme déjà existante . L' adjectif de relation électoral , par exemple , formé sur électeur , renvoie normalement à ce nom ( les listes électorales sont des " listes d' électeurs' ) , mais il sert également d' adjectif de relation à élection ( le droit électoral traite de tout ce qui concerne les élections ) à la place de °électionnel , qui devrait logiquement prendre place dans l' abondante série des dérivés en -el construits sur un nom en -ion . ( 6 ) élire : électeur : électoral " qui concerne les électeurs " ( listes électorales ) : " " qui concerne les élections " ( droit électoral ) élire : élection : °électionnel Résultat : une discordance entre la compositionnalité formelle et la compositionnalité sémantique du mot construit . Ce décalage peut en entraîner un autre par rapport à l' instruction propre au suffixe . Hors contexte , débats éducatifs serait compris comme " ( débats ) qui éduquent " . Mais dans la phrase « En France , les débats éducatifs sont trop souvent réduits aux débats sur l' école. » ( Le Monde , 23.03.2007 : 23 ) , il s' agit de débats " qui concernent l' éducation " . ( 7 ) éduquer : éducatif " qui éduque " ( jeux éducatifs ) : " " qui concerne l' éducation " ( débats éducatifs ) éduquer : éducation °éducationnel Le dérivé en -if construit sur la base verbale est réutilisé comme adjectif de relation pour renvoyer au dérivé en -ion appartenant au même paradigme . Autre exemple : les « problèmes érectiles » évoqués par un sexologue sur France-Inter ( 06.01.2005 ) ne sont pas les problèmes susceptibles de surgir mais ceux qui concernent l' érection . A côté de ces manifestations ponctuelles , les adjectifs en -iste donnent un exemple d' application systématique du principe d' économie comparable à celui des ethniques . Leur valeur propre est identique à celle des noms en -iste : axiologique ( esclavagiste " favorable à l' esclavage " ) ou agentive ( récidiviste " qui récidive " ) . Mais ils servent également d' adjectif de relation pour renvoyer tantôt à la base ( l' époque tsariste ) , tantôt au dérivé en -isme ( les théories tsaristes ) , tantôt au dérivé nominal en -iste ( les milieux tsaristes ) . Vérification indirecte : il n' y a pratiquement pas d' adjectifs de relation en -al ou en -ique construits sur des dérivés en -isme ou en -iste . Sauf exception , les adjectifs en -ismal ou en -ismique sont construits sur des bases démotivées ( rhumatismal , cataclysmique ... ) . Quant aux finales en -istique , elles ne sont pas le résultat d' une dérivation en chaîne ( linguistique renvoie à langue , pas à linguiste ) , - istique est simplement une variante de -ique . Mais- autre manifestration du principe d' économie- s' il y a déjà , dans le même paradigme , un adjectif de relation construit sur le primitif , il pourra être réutilisé pour renvoyer au dérivé en -isme . C' est ainsi que les adjectifs alcoolique , palustre ou gigantesque , qui , normalement , renvoient respectivement à alcool , marais et géant , peuvent servir d' adjectif de relation à alcoolisme , paludisme et gigantisme : « [ des ] excès alcooliques répétés » ( Robida , in Rob . ) « des accès palustres courts et rapprochés » ( Quillet , in TLF ) « Gigantisme et acromégalie sont en effet une seule et même affection [ ... ] elle donne naissance au type gigantesque lorsqu' elle se développe avant la soudure des épiphyses ; elle évolue au contraire vers le type acromégalique quand elle apparaît plus tard. » ( TLF s . v. acromégalie ) . Les adjectifs , logiquement , sont plus souvent concernés par le principe d' économie : dénués de capacité référentielle directe , ils ont davantage de plasticité sémantique . Le développement récent d' assistanat au sens de " condition d' assisté " , " système d' assistance " , est sans doute une « récupération » de assistanat " fonction d' assistant " . Dans la série des noms de sportifs construits sur le nom de l' arme avec laquelle ils pratiquent l' escrime ( épée , fleuret , sabre ) , à côté de épéiste et de fleurettiste on trouve sabreur , qui reprend une dénomination antérieure construite ( avec un autre sens ) sur le verbe sabrer . Échappant au paradigme des dérivés en -iste , elle rejoint celui des noms de sportifs construits avec le suffixe -eur sur un verbe ou un nom d' activité . Application systématique de ce principe dans la série des dérivés en -isme et en -iste : l' existence , dans le même paradigme dérivationnel , d' un adjectif de relation en -ien bloque la formation d' un dérivé en -iste ( la forme en -ien en tient lieu ) et réciproquement l' existence d' un dérivés en -iste bloque généralement la formation d' un adjectif de relation en -ien ( la forme en -iste en tient lieu ) , alors que les deux suffixes ne sont pas équivalents ( cf. Roché , 2007 ) . ( 8a ) Staline : stalinien Adj " de Staline " : " N Adj " partisan de Staline " , " favorable à Staline " Staline : °staliniste ( 8b ) Lénine : léniniste N Adj " partisan de Lénine " , " favorable à Lénine " : " Adj " de Lénine " Lénine : léninien Ici encore , la dimension lexicale - l' influence du paradigme dérivationnel - l' emporte sur la logique constructionnelle . II.2 . Un paradigme lexical unifié Revenons aux ethniques pour observer maintenant le paradigme lexical qu' ils constituent . Lorsqu' ils sont formés sur le nom de pays , ils sont marqués comme tels soit par un suffixe spécifique - - ou -ois le plus souvent ( Congolais , Béninois ) , - ( i ) ote ( Chypriote ) , - ite ( Yéménite ) , - i ( Emirati ) , etc . - , soit par un suffixe dont c' est un emploi privilégié - - et -ain principalement ( Canadien , Cubain ) . Lorsque le nom de peuple est le primitif , en revanche , sa forme est imprévisible ( Russe , Turc , Arabe ... ) et ne permet pas de le caractériser . D' où la tendance à doter le nom de peuple originel d' une finale suffixale qui va l' intégrer dans le paradigme : Anglais se substitue à Angle , Danois à Dane , Finnois à Finn , Hongrois à Hongre , etc. Il s' agit là du phénomène d' « hypercaractérisation diachronique » depuis longtemps mis en évidence ( cf. Malkiel , 1957 - 1958 ) : un lexème déjà caractérisé par son sens tend à l' être également par sa forme , si les deux se sont pas conjointement marqués d' emblée . Ou , en d' autres termes , d' une « intégration paradigmatique » ( Corbin , 1987 ) . Cette forme très particulière de suffixation- sémantiquement tautologique- est exactement semblable à l' exemple classique des noms d' arbres du type peuplier ( formé sur l' afr . peuple , qui avait déjà le même sens ) . Dans certains cas , le suffixe sert directement d' habillage à un emprunt ( Malais , Iroquois , Illinois ) , comme pour le non moins classique palétuvier . D' autres dénominations ( Gascon , Breton ) sélectionnent un ancien cas régime de préférence au cas sujet ( Gasc , Bret sont également attestés ) parce qu' il leur donne une apparence suffixale et les agrège à un paradigme en -on ( Wallon , Frison , Saxon , Teuton ) qui s' étend lui aussi par intégration paradigmatique ( Lapon , Letton ) . Une variante consiste à construire par suffixation un nouvel ethnique sur le nom de pays construit lui-même sur le primitif : Malais : Malaisie : Malaisien . D' où les nombreux doublets : Finnois / Finlandais , Somali / Somalien , Azéri / Azerbaïdjanais , Thaï / Thaïlandais , etc. Ils peuvent servir à distinguer le groupe ethnique proprement dit , d' un côté , et les citoyens d' un Etat , de l' autre : tous les Azéris ne sont pas Azerbaïdjanais et tous les Malaisiens ne sont pas Malais . Mais dans la pratique ils tendent à être interchangeables , avant que l' un chasse l' autre . On trouve sur la Toile de nombreuses attestations de « gouvernement thaï » , « gouvernement malais » , « gouvernement azéri » alors qu' on attendrait normalement « thaïlandais » , « malaisien » , « azerbaïdjanais » . Ainsi se continue sous nos yeux le processus historique qui a fait passer les ethniques du type ( 1 ) au type ( 2 ) puis au type ( 3 ) . Un peuple sans territoire attitré ( type ( 1 ) ) s' installe dans un « pays » auquel il faut donner un nom ( type ( 2 ) ) ; et quand ce pays devient un Etat au sens moderne du terme les individus ne sont plus perçus comme les membres d' un peuple mais comme les habitants de cet Etat ( type ( 3 ) ) . Si les Espagnols sont aujourd'hui les habitants de l' Espagne , l' Espagne ( Hispania ) a d' abord été le pays des Hispani . Et ainsi de l' Italie , de la de la France , etc . La place manque pour étudier le rôle des différents suffixes dans ce double mouvement . D' une façon générale , leur distribution dépend en grande partie de critères phonologiques . Les bases en / i / donnent à 88 % des dérivés en -ien ( italien , estonien , bolivien , tanzanien , fidgien ... ) . Que ces dénominations soient , souvent , empruntées à d' autres langues européennes n' y change rien : il est vraisemblable que les mêmes conditionnements y sont à l' oeuvre . Proprement française , la répartition des deux variantes qu' étaient , à l' origine , - ais et -ois est identique à celle qu' a observée Plénat ( à paraître ) pour les gentilés construits sur un nom de commune française . Dans notre corpus , sur 152 dénominations en -ais ou en -ois , un radical dont la dernière voyelle est une voyelle d' avant donne 31 % de dérivés en -ais et 69 % de dérivés en -ois tandis qu' un radical dont la dernière voyelle est une voyelle d' arrière donne 76 % de dérivés en -ais et 24 % de dérivés en -ois . Ainsi en Afrique , face à soudanais , gabonais , congolais , burundais , sénégalais , etc. les seuls ethniques en -ois sont béninois et zaïrois . En Asie orientale , chinois et tonkinois s' opposent de façon prévisible à japonais et taïwanais . Mais balinais a suivi sans doute le modèle de javanais , comme atjehnais et sumatranais ( même consonne épenthétique ) . Pour l' Allemagne , seul -ois est présent , quelle que soit la voyelle qui précède ( badois , hessois , brandebourgeois ... ) . Parce que des bases en -bourg ne pouvaient donner que des dérivés en -bourgeois et que ceux -ci ont entraîné les autres ? Pour des raisons historiques , si tous ces ethniques sont apparus au même moment dans l' évolution phonétique de -ais / -ois ? Quoi qu' il en soit , ces exemples font apparaître un « effet de série » , voire un simple effet de rime , une diffusion de proche en proche où l' histoire se mêle à la géographie . Les dénominations en -on énumérées plus haut dessinent un arc de cercle qui va des Pyrénées à la Baltique , dans lequel s' insèrent parfaitement percheron , augeron , beauceron et brabançon ( et en s' écartant un peu berrichon et bourguignon ) . Toutes les bases en -land ( e ) donnent des dérivés en -ais ( hollandais , irlandais , finlandais , thaïlandais , groenlandais ... ) , alors que séparément des radicaux en -an ( e ) ou en -ad ( e ) peuvent être suivis d' un autre suffixe ( iranien , tchadien ) . II.3 . Conflits au croisement des paradigmes Dans certains cas , le mouvement qui s' était amorcé selon l' un des deux schémas précédents n' a pas abouti mais a laissé des traces dans des expressions complexes ( feu grégeois , poulet basquaise ... ) , des nominalisations démotivées ( mongolien " trisomique " , turquoise " pierre fine " , persiennes " contrevents " ... ) , des emplois particuliers ( slavon comme nom de langue ) . Pendant un certain temps , une dénomination suffixale , construite sur le nom de peuple ou le nom de pays , a concurrencé la dénomination originelle . Elle avait vocation à la supplanter dans tous ses emplois , y compris nominal . Mongolien s' est dit des habitants de la Mongolie et Russien de ceux de la Russie . Basquaise , d' après les dictionnaires , sert de féminin à Basque comme Suissesse à Suisse . Mais le nom de peuple primitif a résisté , la nouvelle dénomination ne s' est pas imposée et ce qu' il en reste est tombé ou tombe en désuétude . Les Russes sont toujours des Russes et les Basques ( des deux sexes ) sont restés ( ou redevenus ) des Basques . Cas particulier : persien ne s' est pas imposé mais son concurrent persan a eu plus de chance , jusqu'à ce qu' iranien le relègue dans un rôle historique ou comme nom de langue tandis que perse subsistait pour la Perse antique . D' autres dénominations ( gomme arabique , Golfe Persique , acide prussique , italiques ... ) représentent , avec les doublets néo-classiques déjà mentionnés ( germanique , hispanique , helvétique ... ) , un cas de figure nettement différent . Le suffixe -ique n' est pas , à la différence des précédents , un suffixe spécialisé , il forme des adjectifs de relation en général . Conséquence essentielle : ces dénominations sont restées , sauf exception , cantonnées à un usage adjectival . La plupart sont des formations grecques ou latines utilisées pour des référents anciens ou antiquisants ( guerres médiques , limes germanique , colonnes doriques ) , comme formes supplétives ( Confédération Helvétique , relations germano-polonaises ) ou pour des emplois particuliers ( dans pays germaniques , études hispaniques , par exemple , l' adjectif a une portée plus large que celle d' allemand ou espagnol et sert en quelque sorte de collectif ) . Les dénominations figées ou démotivées citées plus haut témoignent , jusqu'en français classique , d' un usage plus large de certains de ces adjectifs hérités ( arabique , indique , persique ... ) . Italique , par exemple , est dans ( lettres ) italiques un équivalent d' italien . D' autres sont des formations modernes , via le latin scientifique en général , mais ne se sont implantées plus ou moins durablement que dans des expressions complexes du vocabulaire savant : acide prussique en chimie , selle turcique en anatomie , mer Baltique ... Seul , semble , balkanique reste d' un emploi libre mais il constitue un cas particulier dans la mesure où il réfère non à un Etat ou à un peuple mais à une région géographique . A côté du suffixe « savant » -ique , le suffixe « populaire » -esque a joué un temps le même rôle . Arabesque , barbaresque , grecquesque , mauresque , sarrasinesque , tartaresque , tudesque , turquesque sont attestés et s' étaient un temps plus ou moins diffusés . Il n' en reste que des traces infimes , mais ils sont intéressants à la fois par leur existence et par leur échec . Malgré quelques emplois nominaux ( les Barbaresques , Mauresque comme féminin de Maure ) , ils sont comme les dérivés en -ique essentiellement adjectivaux . Ils témoignent donc que la tendance à construire des ethniques spécifiquement adjectivaux n' est pas seulement une subsistance néo-classique , une continuation du système latin dans le registre savant . Elle répond , sous une autre forme , au même besoin de caractérisation , d' « intégration paradigmatique » que la formation de dérivés en -ais , - ois , -on à partir d' un nom de peuple ( supra , § 2.2 ) . L' adjectif est « marqué » comme tel par son appartenance aux vastes paradigmes des adjectifs de relation en -ique ou en -esque . Mais cette logique d' intégration de l' adjectif dans un paradigme lexical typiquement adjectival entre en conflit avec celle du paradigme dérivationnel qui tend à imposer dans chaque famille une forme identique pour l' adjectif et pour le nom de personne ( supra , § 2.1 ) . Arabique et arabesque ont vocation à remplacer arabe comme adjectif , mais ils ne peuvent pas s' imposer si Arabe subsiste comme nom , parce que leur coexistence donnerait un paradigme dérivationnel hétérogène . Pour la même raison , grégeois et turquois , qui avaient commencé à se diffuser comme adjectifs , n' ont pas pu se maintenir parce que Grec et à Turc avaient résisté comme noms . Il n' y a pas de place pour arabesque et grégeois à côté d' arabe Adj et de grec Adj , et ils ne peuvent pas les éliminer si Arabe N et Grec N subsistent . III . Les dérivés en anti- construits sur un ethnique Les dérivés en anti- qui expriment une idée d' opposition ( médicament antigrippe / antigrippal " contre la grippe " ) , essentiellement adjectivaux mais souvent nominalisés , sont caractérisés , comme les dérivés en pré- ou en post- , par un « principe de copie » ( Dell , 1970 ; Corbin , 1987 ; Levkovych , 2004 ) qu' on peut schématiser ainsi : s' il existe déjà un adjectif formé sur la base , le dérivé lui emprunte son suffixe ( antiparlementaire " contre le parlement " , antigouvernemental " contre le gouvernement " , etc. ) ; s' il n' y en a pas , le préfixe est la seule marque ( antihalo " contre l' effet de halo " , antipuces " contre les puces " ) . Les nombreux doublets ( antigrippe / antigrippal ) attestent que le suffixe est ( généralement ) facultatif et que la base de antiparlementaire , par exemple , est bien le nom parlement et pas l' adjectif parlementaire . Le principe de copie est une manifestation exemplaire de la double dimension paradigmatique de la dérivation et de la tendance à l' hypercaractérisation . Tous les dérivés en anti- sont marqués sémantiquement par le préfixe . Sur le plan catégoriel , la marque n' est pas indispensable : ( brigade ) antigang , ( centre ) antipoison ( s ) sont clairement des adjectifs . Mais quand il est présent , le suffixe traduit la composante catégorielle de la dérivation et intègre le résultat dans un paradigme lexical homogène . Que cette marque catégorielle soit obligatoirement empruntée à un autre membre du paradigme dérivationnel illustre d' une autre façon le principe d' économie énoncé plus haut . Y compris au détriment de l' instruction sémantique du suffixe mobilisé . Il s' agit , le plus souvent , d' un suffixe formateur d' adjectifs de relation , donc sémantiquement neutre , mais antidépresseur " contre la dépression " , par exemple , reprend le suffixe instrumental de dépresseur " qui abaisse " , anti-fermentescible " contre la fermentation " le suffixe modalisateur de fermentescible " susceptible de fermenter " , etc . La dérivation en anti- est une des plus productives et les dictionnaires ne recueillent qu' une petite partie des dérivés construits à partir d' un ethnique ou d' un nom de pays qu' ont peut relever sur la Toile . Ils partagent les caractéristiques qu' on vient de résumer . Formellement , ils sont généralement construits sur l' adjectif . Anti-allemand , anti-russe , anti-américain sont beaucoup plus fréquents que anti-Allemagne , anti-Russie , anti- Etats-Unis ou anti-Allemands , anti-Russes , anti-Américains . Mais comme l' adjectif qui renvoie au nom de pays est formellement identique à celui qui renvoie au nom de personne , anti-américain , par exemple , signifie à la fois " contre les Etats-Unis " et " contre les Américains " . Il y a des contextes où la distinction ne serait pas pertinente , mais ailleurs l' ambiguïté de ces dérivés oblige à expliquer , par exemple , si l' on est taxé d' anti-américanisme , qu' on peut être contre les Etats-Unis , en tant qu' Etat représenté par son gouvernement , sans être contre les Américains . IV . Les dérivés en -isme et en -iste construits sur un ethnique Comme la préfixation en anti- , la suffixation en -isme ou en -iste à partir d' un ethnique , d' un nom de pays ou d' un nom de langue ( italianisme , japonisme , angliciste ... ) est particulièrement féconde . Et tout autant la combinaison des deux ( anti-américanisme ) . Dans ces formations , les confusions formelles et sémantiques propres au système des ethniques sont encore accrues du fait de la polyvalence de ces deux suffixes , auxquels plusieurs modèles constructionnels sont attachés ( cf. Roché , en préparation ) . C' est cette imbrication que nous voudrions maintenant essayer de démêler . IV.1 . Les données : paramètres sémantiques et catégoriels Un premier modèle de dérivation en -isme instaure une relation axiologique par rapport à la base et nominalise cette relation ( l' esclavagisme est " le fait d' être favorable à l' esclavage " ) , tandis que la dérivation en -iste correspondante construit le nom de la personne qui y est impliquée ( l' esclavagiste est " celui qui est favorable à l' esclavage " ) . Conformément à ce modèle , le dérivé en -isme peut désigner un mouvement politi-que , culturel ou d' opinion en relation avec le pays ou ses habitants , et le dérivé en -iste ses partisans ( ou , en tant qu' adjectif , qualifier ce qui le concerne ) : ( 9 ) catalanisme " autonomisme catalan " / catalaniste " partisan du catalanisme " scandinavisme " système politique qui s' inspire de la communauté ethnique et linguistique des pays scandinaves " italianisme " goût pour ce qui vient d' Italie " Un deuxième modèle sert à construire des noms d' action ou d' activité en -isme ( exorcisme , alpinisme ) et , parallèlement ou isolément , des noms d' agent en -iste ( exorciste , alpiniste , pianiste ) . Dans le domaine qui nous intéresse , le dérivé en -isme désignera l' étude de la langue et de la civilisation concernées et le dérivé en -iste ceux qui s' y adonnent : ( 10 ) indianisme " étude des langues et des civilisations de l' Inde " océaniste " spécialiste des langues et civilisations océaniennes " germaniste " linguiste spécialisé dans l' étude des langues germaniques " Le troisième modèle construit , à partir d' un adjectif ou d' un nom de personne , un nom de qualité en -isme ( parallélisme , dilettantisme ) sans correspondant en -iste . A partir d' un ethnique , le dérivé , comme ceux en -ité ( ivoirité ) ou en -itude ( belgitude ) , désignera le caractère de ce qui est propre au pays et à ses habitants : ( 11 ) germanisme " caractère germanique et plus particulièrement allemand de quelque chose ou de quelqu' un " italianisme " caractère semblable à celui qui est propre à l' Italie et aux Italiens " celtisme " ensemble des caractères particuliers aux Celtes " Ou bien , à partir de l' adjectif correspondant au nom de langue , il désignera un idiotisme ou un emprunt : ( 12 ) américanisme : " idiotisme américain ( par rapport à l' anglais ) " italianisme " expression italienne empruntée par une autre langue " provençalisme " particularité propre au provençal " . La base - le lexème qui sert de point de départ à la dérivation - est logiquement , suivant le cas , tantôt le nom de pays ou celui des habitants , tantôt le nom de langue , tantôt l' un ou l' autre des adjectifs correspondants . Compte tenu des nombreuses homonymies qui caractérisent le système et de divers accidents morphophonologiques , le résultat formel , cependant , est souvent le même . Un latiniste , par exemple , étudie le latin ( N ) tandis qu' un latinisme est une tournure typiquement latine ( Adj ) . Mais le radical - la forme à laquelle est concaténé le suffixe - est identique dans les deux cas . A cause de l' haplologie , scandinavisme peut être construit sur Scandinavie aussi bien que sue scandinave . Il n' en reste pas moins que , le plus souvent , le nom de pays est différent du nom de personne , du nom de langue et des adjectifs . Des dérivations sur Italie et italien , sur Japon et japonais devraient donner respectivement italisme et italianisme , japonisme et °japonaisisme . Or deux faits massifs caractérisent les dérivés construits sur les uns et les autres : Quelle que soit la nature de la base et le sens du dérivé , et bien que les différentes dérivations énumérées ci-dessus soient nettement distinctes quant à leur contenu sémantique et catégoriel , la forme du dérivé est toujours la même . Italisme est attesté , mais il n' est pas usuel et c' est italianisme qu' on retrouve dans tous les emplois répertoriés ci-dessus . De sorte que l' usager de la langue les perçoit comme des acceptions d' un seul et même « mot » alors que , constructionnellement , il s' agit de lexèmes distincts . La forme du dérivé est , ou semble être , tantôt construite sur celle de l' adjectif , du nom de personne ou du nom de langue ( italianisme , américanisme , provençalisme , indianiste ... ) , tantôt sur celle du nom de pays ( japonisme , belgicisme , sénégalisme , océaniste ... ) . Or ces différences de traitement ne dépendent pas du contenu sémantique et catégoriel des dérivations puisque , dans chaque famille , les diverses acceptions sont regroupées sur une même forme . Toutes choses égales par ailleurs , on devrait avoir logiquement , par exemple , soit indianiste et °océanianiste , construits sur l' adjectif , si l' on comprend ces dénominations comme désignant respectivement un " spécialiste des langues et civilisations indiennes " et un " spécialiste des langues et civilisations océaniennes " ; soit °indiste et océaniste , construits sur le nom , si on les comprend comme " spécialiste des langues et civilisations de l' Inde / de l' Océanie " . Pourquoi ces différences de traitement ? Est -ce océanien qui a été tronqué pour former océaniste , ou indien qui s' est substitué à Inde pour servir de base à indianiste ? IV.2 . Les données : paramètres morphophonologiques Si l' on y regarde de plus près , on constate que la forme du dérivé dépend principalement de celle de l' adjectif ( qui est aussi , rappelons -le , celles du nom de personne et du nom de langue ) . Trois ensembles se dessinent ( on laissera de côté les finales rarement représentées et les exceptions , qui ne remettent pas en cause le classement proposé ) : Si l' adjectif a une finale en -- ( provençal ) , -- ( andorran ) , - ain ( américain ) , - in ( latin ) , - on ( gascon ) ou une finale non suffixoïde ( arabe , berbère , corse ... ) , la concaténa-tion se fait , sauf exception , sur cette forme : provençalisme , andorranisme , américanisme , latinisme , gasconnisme , arabisme , berbérisme , corsisme ... Si l' adjectif a une finale suffixale ou suffixoïde en -ien ( italien , autrichien , palestinien ) , - éen ( européen ) , - ique ( attique , gaélique ) , -- ( allemand , romand ) , - ard ( picard ) , -- ( espagnol ) , la concaténation se fait tantôt sur cette forme , moyennant le cas échéant une allo-morphie ( italianisme , européanisme , atticisme , roman-disme , picardisme , espagnolisme ... ) , tantôt sur une forme amputée de sa dernière rime ( palestinisme , européisme , gaélisme ... ) , tantôt sur une base supplétive ( éventuellement tronquée ) ( austriacisme , germanisme , hispanisme ... ) . Les doublets sont relativement nombreux , plusieurs solutions pouvant être exploitées pour une même base . Si l' adjectif a une finale suffixale ou suffixoïde en -ais ( anglais , japonais , libanais , portugais ... ) ou en -ois ( hongrois , chinois , québécois ... ) , la concaténation est exceptionnelle . Les dérivations se font sur une base tronquée ou sur le nom de pays ( japonisme , libanisme , québécisme ... ) , ou bien sur une base supplétive ( anglicisme , lusita-nisme , magyarisme ... ) . Les hésitations entre plusieurs formes , ici encore , sont nombreuses . Pour Chine / chinois , on en trouve quatre- ( anti- ) chinoisisme , ( anti- ) chinisme , sinisme , sinicisme- dont aucune n' est réellement usuelle , ce qui traduit sans doute une situation de blocage . D' un point de vue morphologique , l' élimination des segments -ais- et -ois- est logique : ces suffixes « populaires » sont incompatibles avec la suffixation « savante » que sont les dérivations en -isme et en -iste . Le phénomène est le même devant -ité et -itude ( Dal & Namer , 2005 ) . Devant -isme et -iste , il se double d' une difficulté phonologique : une finale en -aisisme ferait se succéder deux sifflantes trop rapprochées . Pour les mêmes raisons , le traitement de ces bases est identique devant -iser : japonais donne japoniser et non °japonaisiser . La troncation de -ien- s' il s' agit bien d' une troncation- est plus paradoxale . Son yod est certes indésirable à peu de distance du / i / du suffixe , mais ailleurs , au contraire , c' est une base en -ien ~ -ian qui se substitue à la base attendue ( dans le type Hegel : hégélianisme vs Kant : kantisme , cf. Roché , 2007 ) . Le traitement de -ique est encore plus déroutant . D' un point de vue phonologique , sa tronca-tion est logique et attendue : favorisée par l' identité de la voyelle ( pour ce qui la concerne , on pourrait parler d' haplologie ) , elle évite la rencontre des deux sifflantes due à la spirantisation . En dehors de la présente série , le type romantique : roman-tisme est beaucoup plus fréquent que le type catholique : catholicisme . Mais parallèlement le segment -ic- est maintenu là où il pourrait être facilement évité ( celticisme , doublet de celtisme ) ou introduit via une base supplétive latine ou latinisante ( gallicisme , anglicisme , belgicisme , flandricisme , sinicisme , basquicisme ... ) , comme le segment - ( t ) ( a ) c- dans la série rhotacisme , lambdacisme , iotacisme ( ibid. ) . Sur le plan prosodique , certaines différences de traitement semblent logiques . Méditer-ranéen ( 6 syllabes ) a plus de chances d' être tronqué que coréen ( 3 syllabes ) . D' où méditerra-né-isme face à coréaniste , tandis qu' européen , de longueur intermédiaire , donne aussi bien européisme qu' européanisme . Parmi les bases supplétives en -ique ~ -ic- , les trisyllabes germanic- , hispanic- , helvetic- sont tronquées ( d' où germanisme , hispanisme , helvétisme ) tandis que les dissyllabes anglic- , gallic- , nordic- ne le sont pas ( d' où anglicisme , gallicisme , nordicisme ) . Tous aboutissent ainsi au même calibre , qui est aussi celui de latinisme ou d' hellénisme et qui est obtenu dans flandricisme et basquicisme par l' introduction d' un segment parasite , dans belgicisme par le choix de la base Belgique plutôt que belge . A partir d' une base en -ien , en revanche , si l' on s' attend à trouver lacédémonisme plutôt que °lacédémonianisme , pourquoi dorisme , par exemple , plutôt que °dorianisme , alors qu' italianisme , algérianisme , canadianisme ont des bases plus longues ? D' une façon générale , un examen systématique des bases en -ien montre que , pour elles , le facteur prosodique n' est pas pertinent . S' il intervient , c' est en renfort d' autre éléments . Il faut tenir compte , en effet , en amont de la finale adjectivale , de la forme qui subsiste lorsque l' adjectif est tronqué ou qu' il est remplacé par le nom de pays . Et revenir , par exemple , sur le couple Inde / indien : indianiste vs Océanie / océanien : océaniste . Indianiste et océaniste sont plus proches du gabarit optimal , pour un dérivé , que ne le seraient °indiste et °océanianiste : base dissyllabique , dérivé trisyllabique ( cf. Plénat & Roché , 2003 ) . Mais aussi , et surtout , océaniste a deux avantages déterminants sur son compétiteur °océanianiste : Il évite la consécution des segments / anj / et / ani / , qui se heurte à une contrainte dissimilative ( c f . Plénat , à paraître ) . Devant -ité et -itude , cette même contrainte fait que -ien est tronqué s' il suit / n / ( estonitude et non °estonianitude ) et qu' il ne l' est pas s' il suit une autre consonne ( italianité et non °italité ) ( Dal & Namer , 2005 ) . Il permet d' accrocher le suffixe au segment -an- , dont plusieurs indices montrent qu' il constitue une finale privilégiée lorsqu' il suit une consonne . On a vu que , dans ce cas , une finale en -an- n' est jamais tronquée ( types andorranisme , américanisme ) . Comme dans océaniste , la troncation d' autres finales le met souvent au contact du suffixe ( germanisme , hispanisme , lusitanisme ... , iranisme , libanisme , pakistanisme ... ) . Dans antillanisme , il s' insère comme un interfixe pour éviter °antillaisisme et °antillisme , indésirables l' un et l' autre . Dans maghrébanisme , qui concurrence maghrébinisme , il se substitue à -in- , qui est pourtant lui-même un bonne accroche . Comme si , pour renforcer la cohérence du paradigme lexical , la rime riche -anisme était préférable à la rime « suffisante » que constitue le suffixe seul . Les facteurs phonologiques , par conséquent , ne sont pas seuls en cause , puisque sur ce plan on relève un certain nombre d' incohérences , mais ils sont souvent déterminants . Et ils le sont d' autant plus s' ils tendent à renforcer certaines séries lexicales . IV.3 . Interprétation : les « effets de série » Cette observation invite à se tourner vers les ensembles qu' on voit se dessiner en parcourant le corpus , dans lesquels une identité formelle correspond à une parenté géographique ou culturelle : dorisme , ionisme , éolisme , sur des bases tronquées en -ien ( ou en -i-que ) désignant ( ou qualifiant ) des dialectes grecs ; hébraïsme , aramaïsme , chaldaïsme pour le Proche Orient ancien ; gallicisme , belgicisme , flandricisme ... Mais on butte immédiatement sur atticisme , par exemple , qui appartient à la troisième série pour la forme , à la première pour le sens . A y regarder de plus près , cependant , le paradoxe n' est qu' apparent . Hérité du grec , atticisme a été introduit très tôt en français ( 16e s . ) et a servi de modèle immédiat à gallicisme , au moment où sont forgés également francisme , latinisme et italianisme . Anglicisme ( 17e s . ) , hispanisme et germanisme ( 18e s . ) ont suivi . Tous ces dérivés utilisent les bases latines ou latinisantes disponibles , comme il est logique pour ce type de formation , avec pour les bases en -ic- une différence de traitement ( tronca-tion ou spirantisation ) conditionnée par le facteur prosodique mentionné plus haut . Les séries de dérivés en -icisme , - ianisme , -anisme sont ainsi en germe . Les érudits qui forgent flandri-cisme et belgicisme , à la fin du 18e siècle et au début du 19e , ne font que transposer un des modèles . Sur la lancée , wallonicisme et bruxellicisme viendront même concurrencer wallonisme et bruxel-lisme . Parallèlement , les hellénistes , qui ont trouvé en grec Î'Ï& 194;& 137;Ï& 194;& 129;Î& 194;& 185;Ï& 194;& 131;Î& 194;& 188;Ï& 194;& 140;Ï& 194;& 130; " langage dorien , prononciation dorienne " , l' adaptent directement en dorisme et sur ce modèle forgent ionisme et éolisme . Quant à aramaïsme et chaldaïsme , ils sélectionnent comme base arama-ïque et chadaïque plutôt qu' araméen et chaldéen à cause d' hébraïsme ( 16e s . ) , qui suit lui-même le modèle de judaïsme , emprunt médiéval , via le latin , au grec Î& 194;& 185;Î ¿ Ï Î'Î& 194;& 177;Ï& 194;& 138;Ï& 194;& 131;Î& 194;& 188;Ï& 194;& 140;Ï& 194;& 130;. Ainsi une même cause produit des effets différents . Trois dérivés- Î& 194;& 177;Ï& 194;& 132;Ï& 194;& 132;Î& 194;& 185;κÎ& 194;& 185;Ï& 194;& 131;Î& 194;& 188;Ï& 194;& 140;Ï& 194;& 130; , Î'Ï& 194;& 137;Ï& 194;& 129;Î& 194;& 185;Ï& 194;& 131;Î& 194;& 188;Ï& 194;& 140;Ï& 194;& 130; , Î& 194;& 185;Î ¿ Ï Î'Î& 194;& 177;Ï& 194;& 138;Ï& 194;& 131;Î& 194;& 188;Ï& 194;& 140;Ï& 194;& 130;- construits régulièrement en grec et empruntés à des époques et dans des conditions différentes servent de leader words pour amorcer des séries lexicales dans lesquelles une parenté formelle renforce la cohérence sémantique ou culturelle . Ce rôle de leader word n' est pas réservé , d' ailleurs , au prototype historique de la série : si atticisme est à l' origine de celle des idiotismes en -icisme , le relais a été pris par gallicisme et anglicisme , dont la diffusion contribue largement à l' étendre . A cet effet de série sont liées les quelques différenciations sémantiques qu' on peut observer entre formes concurrentes , dans les doublets ou les triplets mentionnés plus haut . Les dérivés en -icisme désignent plutôt des idiotismes , tandis que les noms de mouvements d' opinion privilégient une forme directement associée à l' adjectif ethnique ou au nom de pays . Mais la répartition est loin d' être systématique . Francisme , qui a désigné un mouvement politique fascisant dans les années 1930 , a été employé dès l' origine pour " gallicisme " et est encore abondamment attesté dans ce sens . Inversement , belgicisme , par exemple , pourra être employé pour un nom de qualité renvoyant à belge ( « Qu' ils [ les écrivains belges ] écrivent la langue de leur éducation , mais qu' ils ne rougissent pas si elle est parfois teintée de belgicisme , trempée dans les originalités locales. » ( Gourmont , in TLF s . v. ) ) ou pour un courant d' opinion ( « La défense des francophones et de la langue française , en dehors du belgicisme unilingue , commence dès la fin de ce cadre . Divers organismes le représentent , comme la Ligue contre la flamandisation de Bruxelles dans les années 30 . » ( fr.wikipedia.org ) ) . L' effet de série sélectionne une forme liée à une acception ( -icisme pour un idiotisme , par exemple ) , mais cette forme est ensuite disponible pour les autres acceptions . En fait , le choix des formes , quand plusieurs sont possibles , ou leur distribution , dans les doublets , dépendent surtout du niveau de langue . Les bases supplétives ou allomorphisées sont privilégiées dans le discours « savant » et le niveau soutenu tandis que des locuteurs plus frustes ou d' autres contextes utiliseront des formes plus proches de la base- québéquisme et turquisme plutôt que québécisme et turcisme , autrichianisme plutôt que austriacisme , allemandisme et francisme ( voire françaisisme ) à la place de germanisme et gallicisme . Si les formes en -ianiste sont fréquentes parmi les noms de spécialistes , y compris sur des bases longues ( indonésianiste , calédonianiste , polynésianiste ... ) ce n' est pas que ces dérivés sélec-tion-neraient spécialement la base adjectivale alors que les autres péfèreraient la base nomi-nale , mais simplement parce que ces lexèmes apparaissent dans des contextes « savants » tandis que les formations en anti- , par exemple , sont fréquentes dans des contextes journalistiques ou des forums de discussion . L' effet de série peut aussi s' exercer de l' extérieur , à partir d' un autre paradigme spécialisé de dérivés en -isme . A côté de macédonisme " mouvement politique " , qui adopte la forme- attendue compte tenu de la longueur de la base et du segment qui précède le suffixe , macédonianisme , qui désigne spécifiquement un courant religieux , viole les contraintes d' euphonie pour rejoindre la série des dérivés en -ianisme construits sur un anthroponyme et appartenant au même domaine ( arianisme , nestorianisme , pélagia-nisme ... ) . D' une façon générale , dans les deux ensembles , très vastes et diversifiés , que constituent les dérivés en -isme et en -iste , la dimension paradigmatique de la dérivation se manifeste par une tendance à élargir la marque formelle en amont du suffixe pour constituer des séries spécialisées . Plus la rime est riche , mieux le dérivé est perçu comme appartenant à un paradigme donné . De la même façon qu' une finale en -ianisme est privilégiée pour une doctrine philosophique ou religieuse , une finale en -anisme ( après consonne ) ou en -icisme le sera pour un dérivé construit sur un ethnique ou sur un nom de langue . Reste à déterminer par quelle manipulation morphophonologique ce résultat est obtenu . IV.4 . Interprétation : troncation ou substitution paradigmatique ? L' intégration du dérivé dans une des séries que nous venons d' évoquer , à l' intérieur du paradigme lexical , peut être réalisée de deux manières : en jouant sur le choix de la base ( nom de pays plutôt qu' adjectif ou l' inverse ) ou grà& 194;& 162;ce à une manipulation morphophonologique ( ajout d' un segment parasite ou , beaucoup plus souvent , troncation ) . Nous avons jusqu'à maintenant évoqué cette question avec prudence à cause de l' ambiguïté du type japonisme , palestinisme , etc. : une dérivation sur le nom de pays ( Japon , Palestine ) donne le même résultat qu' une dérivation sur l' adjectif ( japonais , palestinien ) amputé de sa dernière rime , comme dans la suffixation substitutive ( les types valise : valoche , bà& 194;& 162;tonnier : bà& 194;& 162;tonnat , ( Saint ) Thomas ( d' Aquin ) : thomisme , etc. ) . Quelques cas particuliers , cependant , permettent de distinguer les deux solutions . Européisme et asiatisme ne peuvent pas être construits formel-lement sur Europe et Asie : une dérivation directe aurait donné °europisme et °asisme . Ils ne peuvent être construits que sur européen et asiatique , moyennant une troncation de la dernière rime . Britannisme et gaélisme , hébraïsme et finnisme , peuvent difficilement être construits sur d' autres bases que britannique et gaélique , hébraïque et- finnois . La troncation , là aussi , est évi-dente . Mais elle ne suffit pas à expliquer hébraïste , par exemple . Si un hébraïsme est une tournure typiquement hébraïque , un hébraïste est quelqu' un qui étudie l' hébreu . Sémantiquement , lexicalement , la base est ici le nom . Il y a donc eu à la fois , dans ce cas , substitution de hébraïque à hébreu puis troncation pour former le radical de hébraïste . Le processus est le même dans un dérivé comme européiste lorsqu' il désigne- dans la bouche de leurs adversaires- les partisans de l' Europe intégrée . La base lexicale est le nom Europe , auquel l' adjectif européen- tronqué- a été substitué . Inversement , baviérisme , champagnisme , flandrisme , guatémalisme , monacoïsme , périgordisme ne peuvent être construits que sur Bavière , Champagne , Flandres , Guatemala , Monaco , Périgord et pas sur une troncation de bavarois , champenois , flamand , guatémaltèque , monégasque , périgourdin . Mais en passant d' une province à l' autre , c' est bourguignonisme qu' on trouvera et pas °bourgo-gnisme , catalanisme et pas °catalognisme , provençalisme et pas °provencisme , même quand il s' agit d' un mouvement politique lié à la région et non d' un idiotisme lié à la langue . Toutes choses égales par ailleurs , le dérivé est construit tantôt sur la base nominale , tantôt sur la base adjectivale sans qu' on puisse rendre compte de ce chassé-croisé par l' effet d' une troncation . D' une façon générale , les phénomènes de troncation sont incontestablement attestés dans notre corpus mais ils ne suffisent pas à expliquer les faits observés . Il faut revenir à l' autre type de paradigmes , les paradigmes dérivationnels , et admettre , suivant les cas , tantôt que la base nominale ( nom de pays ou nom de langue ) s' est substituée à la base adjectivale , tantôt que la base adjectivale s' est substituée à la base nominale . Des exemples comparables peuvent être observés dans d' autres secteurs de la dérivation en -isme et en -iste . Dans le type hégélianisme déjà mentionné , le dérivé est construit lexicalement sur le noms de personne Hegel et non sur l' adjectif hégélien , même nominalisé ( l' hégélianisme est la philosophie de Hegel , comme le kantisme est celle de Kant , et pas celle des hégéliens ) . De nombreux dérivés en -alisme et en -arisme ne peuvent pas être construits , sémantiquement , sur l' adjectif en -al ou en -aire qui semble être leur base : le personnalisme est une philosophie fondée sur la personne et non sur ce qui est personnel ( cf. Roché , en préparation ) . Dans tous ces exemples , comme dans l' exemple néerlandais analysé par Booij ( 1997 : 50 ) , où l' adjectif de relation Chomskyaans " de Chomsky " est construit non sur ce nom mais sur Chomskyaan " partisan de Chomsky " , c' est à une « substitution paradigmatique » qu' on assiste : un membre du paradigme dérivationnel s' est substitué à un autre comme base du dérivé à former . Substitution paradigmatique et troncation aboutissent au même résultat dans les cas où un mot comme japonisme ne peut être construit que sur japonais ( s' il désigne une particularité de la langue , par exemple ) . Mais les deux phénomènes ne se situent pas sur le même plan . La troncation est d' ordre morphophonologique et obéit à des conditionnements principalement phonologiques ( prosodiques ou segmentaux ) . La substitution paradigmatique est d' ordre lexical et rejoint le principe d' économie mis en évidence plus haut : là où l' on attendrait deux dérivés , construits l' un sur le nom de pays et l' autre sur l' adjectif ou le nom de langue , une même forme sert pour les deux . Les notions de troncation et de substitution paradigmatique sont donc séparément nécessaires puisque , on l' a vu , certains cas de figure ne relèvent que de l' une ou de l' autre . Et celle de substitution paradigmatique est plus « généralisante » puisqu' elle se traduit par diverses manifestations formelles ( dont un allongement de la base dans le type hégélianisme , par exemple ) et pas seulement par un accourcissement . V. Conclusion Si le conditionnement de la construction des lexèmes était uniquement affaire de règles morphologiques , et commandé par les seules caractéristiques catégorielles et sémantiques de chaque dérivation , il serait identique pour tous les dérivés . On constate au contraire , dès qu' on observe un corpus un peu étendu , que le choix du procédé , celui de l' affixe , le traitement morphophonologique de sa concaténation à la base dépendent aussi de deux séries de facteurs : les contraintes phonologiques de « bonne formation » , que l' on n' a fait qu' entrevoir ici sans approfondir leurs effets faute de place , et les contraintes lexicales qui tendent à renforcer l' insertion du mot construit dans les deux paradigmes auxquels il est destiné à appartenir . Une finale en -icisme , par exemple , ne devrait résulter que d' une base en / ik / spirantisée . On a vu cependant qu' elle pouvait être à la fois attractive , pour des raisons lexicales , au point de se trouver dans des dérivés dont la base ne comportait pas elle-même une finale en -ique ( le type flandricisme ) ; et répulsive , pour des raisons phonologiques , si bien que la finale de la majorité des bases en -ique est tronquée ( le type germanisme ) . Dans la formation des ethniques et des dérivés auxquels ils servent de base , la dimension lexicale se traduit par une même tendance à la structuration dans chacun des paradigmes concernés , mais selon des modalités différentes . Les paradigmes dérivationnels tendent à adopter la même structure , dans laquelle le principe d' économie joue un rôle déterminant : même forme , dans les ethniques , pour le nom de personne , le nom de langue et les trois adjectifs de relation , dont seul se distingue le nom de pays ; même forme pour les dérivés en anti- et les dérivés en -isme , qu' ils soient construits sur le nom de pays ou sur l' ethnique . Dans les paradigmes lexicaux , la marque morphologique renforce la cohérence sémantique et un même effet de série , à partir de leader words , se traduit par un effet de rime qui contribue tantôt au choix de l' affixe tantôt à son renforcement par une homophonie du segment qui précède . Mettre en évidence le rôle des leader words revient à souligner le poids de l' histoire , mais la vision diachronique n' est pas la seule à devoir en tenir compte . La trace de l' histoire est présente dans le lexique existant à un moment donné , donc dans la synchronie actuelle , qui façonne la créativité lexicale et ses modalités morphophonologiques . VI . Références bibliographiques Bauer , L. ( 1997 ) . " Derivational paradigms " , in G. Booij & J. van Marle ( eds . ) , Yearbook of Morphology 1996 . Dordrecht : Kluwer , 243 - 256 . Booij , G. ( 1997 ) . " Autonomous morphology and paradigmatic relations " , i-n G. Booij & J. van Marle ( eds . ) , Yearbook of Morphology 1996 . Dordrecht : Kluwer , 35 - 54 . Corbin , D . ( 1987 ) . Morphologie dérivationnelle et structuration du lexique . Tübingen : Niemayer . Crocco Galèas , G. ( 1991 ) . Gli etnici italiani : Studio di morfologia naturale . Padova : Unipress . Dal , G. & Namer , F . 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