1: 16 octobre 2003
2: Institut Français des Relations Internationales
3: Pour une relance du cycle du développement :
4: refonder le consensus multilatéral après Cancun
5: Jean-Marie Paugam
6: Jean-Marie Paugam , chercheur à l' IFRI
7: Résumé
8: Le programme de développement de Doha conjuguait trois demandes divergentes des membres de l' OMC :
9: les pays en développement voulaient rééquilibrer en leur faveur les accords existants ;
10: les Etats-Unis voulaient un nouveau cycle de libéralisation ;
11: l' Europe le voulait aussi mais en l' équilibrant par un enrichissement des règles économiques mondiales sur les « sujets de Singapour » .
12: Cancun a fait éclater ces ambiguïtés et l' échec de la conférence pourrait engendrer une panne durable de l' OMC .
13: Cette dernière doit affronter deux grands défis .
14: Un défi systémique est lié aux limites de la « méthode de fabrication » du consensus international , que l' OMC avait de facto héritée du GATT .
15: L' approche mercantiliste de la négociation a échoué à équilibrer enjeux de libéralisation et de régulation .
16: Le « consensus censitaire » qui privilégiait le pouvoir des grandes puissances commerciales affronte les rapports de force nouveaux créés par des stratégies d' alliance inattendues .
17: La « diplomatie non-gouvernementale » s' est professionnalisée - de Johannesburg à Cancun - et occupe les vides laissés par l' assistance du Nord au commerce des pays les plus pauvres .
18: Un défi stratégique est lié au doute sur la pertinence même de la libéralisation multilatérale comme paradigme de croissance .
19: A Cancun , la géographie des peurs opposait :
20: l' agriculture du Nord à la paysannerie du sud ;
21: les industries du sud au géant chinois ;
22: la doctrine libre-échangiste des institutions multilatérales aux attentes concrètes des pays en développement sur le terrain de l' aide .
23: Ce doute est profond et , au-delà de Cancun , pourrait se figer dans une préférence collective pour le statu quo actuel à l' OMC .
24: Ce statu quo serait porteur de menaces .
25: Une multiplication des contentieux emporterait un transfert de responsabilité du « législateur » vers le « juge » commercial international et pourrait engendre des tensions politiques et économiques minant le système d' échange ouvert .
26: La prise de distance américaine vis à vis du multilatéralisme et la montée de la tentation protectionniste , notamment contre la Chine , accroît la portée d' une telle menace .
27: Dans ce contexte , l' alternative d' accords commerciaux régionaux de libéralisation a de quoi séduire , mais pourrait accentuer la marginalisation économique des pays les plus pauvres .
28: Un effort de relance des négociations de Doha est donc nécessaire .
29: Les diplomates peuvent y contribuer en recherchant de nouvelles méthodes permettant d' atteindre plus souplement le consensus :
30: la piste des schémas de « coopération renforcée » ou « accords plurilatéraux » offre une piste sans doute plus féconde que celles d' une renégociation des thèmes de l' agenda de Doha , ou de l' engagement de l' OMC dans une réforme institutionnelle d' envergure .
31: Mais l' effort de relance n' aboutira pas sans remise en chantier d' un consensus politique multilatéral sur le fond .
32: Pour espérer surmonter les ambiguïtés du programme de Doha , une mise à jour du partage des responsabilités globales entre acteurs du Nord et du Sud sera nécessaire .
33: Répartir équitablement le poids des efforts de libéralisation suppose :
34: de simplifier les équations mercantilistes de la négociation à l' OMC ;
35: d' introduire des bases objectives de différenciation de chaque niveau de développement ;
36: de systématiser l' effort d' aide indispensable à l' accompagnement des processus d' ouverture au Sud .
37: Liesse des ONG , communiqués officiels de victoire ou d' amertume , interrogations des opinions , doutes sur le sens de l' échec .
38: Rien ne s' est passé à Cancun comme anticipé .
39: Il n' y a pas eu réellement de négociations :
40: le débat n' a démarré que tardivement , pour avorter très rapidement .
41: Les alliances ne sont plus ce qu' elles étaient :
42: la fracture agricole a eu lieu , mais autour de coalitions nouvelles , opposant les anciens rivaux transatlantiques aux pays émergents réunis par le très jeune " G21 " qu' emmenait le Brésil .
43: L' échec a été formellement constaté sur un enjeu de règles :
44: celui qui opposait les pays les plus pauvres du " G90 " , aux partisans du lancement de négociations nouvelles sur les " sujets de Singapour " .
45: Comble d' " imprévu " , les comportements contestataires s' invitaient formellement dans l' enceinte de l' OMC par des manifestations jusqu'ici inconnues de ce club à l' ambiance traditionnellement feutrée , loué par ses habitués pour l' esprit d' efficacité et la " mentalité d' affaires " qui préside d' ordinaire à ses travaux :
46: des négociateurs expérimentés ont été choqués par les applaudissements de discours officiels parfumés d' un tiers-mondisme que l' on croyait suranné , qui , dénonçant la " rhétorique de résistance " , qui , la " dérive onusienne " , qui ,
47: - maléfice suprême ?
48: - , la " CNUCEDisation " de l' OMC .
49: Echec pour tous ou succès de certains ?
50: Cancun marque certainement un tournant dans la gouvernance de l' organisation car les rapports de force nouvellement établis resteront dans les mémoires , sinon dans la forme des nouvelles alliances .
51: L' échec , déjà provoqué à Seattle par les pays en développement , pouvait avoir des allures accidentelles .
52: Mais leur démonstration de force était voulue et assumée à Cancun , y compris au prix du résultat atteint .
53: Coup d' arrêt au programme de développement de Doha ?
54: Peu évidentes sont les voies d' une relance du cycle de négociation et , plus globalement , du système commercial multilatéral créé depuis l' instauration de l' OMC .
55: Tenter d' éclairer ces voies de relance suppose , comme toujours , de revenir préalablement sur les causes de l' échec .
56: I. Le jeu de " qui perd-perd " :
57: retour sur les causes de l' échec de Cancun
58: Les auspices initiaux de la conférence de Cancun étaient plutôt favorables .
59: Le travail préparatoire était bien avancé .
60: Un accord d' étape paraissait d' autant plus atteignable que l' on avait significativement vidé son projet de l' essentiel de ses ambitions de substance , en prévoyant de reporter à plus tard les échéances délicates du chiffrage des concessions économiques réciproques .
61: Surtout , un compromis avait été atteint , avant Cancun , sur la douloureuse question de l' articulation entre droit des brevets - protégé par l' OMC- et l' assouplissement de l' accès aux médicaments génériques essentiels pour permettre aux pays en développement d' affronter les grandes crises sanitaires qui les frappent .
62: Devenue test de la capacité de l' OMC à intégrer les préoccupations du développement et les considérations humaines élémentaires , la question n' avait pu être résolue qu' au prix d' un ralliement , tardif et conditionnel , des Etats-Unis , du fait de la résistance de leur industrie pharmaceutique au projet de compromis depuis longtemps accepté par les autres membres de l' OMC .
63: Juridiquement , cet accord demeure le seul résultat concret et attendu de Cancun , avec l' adhésion à l' OMC de deux nouveaux membres , pays moins avancés , le Cambodge et le Népal .
64: Trois grands thèmes du programme de Doha formaient le c ?
65: ur des discussions et conditionnaient l' accord sur le futur du cycle .
66: Il s' agissait d' adopter une " approche-cadre " , pour préparer les futures " modalités " ( i ) de libéralisation du commerce agricole , ( ii ) de réduction des barrières aux échanges industriels , ( iii ) de négociations de règles internationales nouvelles sur les sujets dits " de Singapour " , regroupant la facilitation des échanges , la transparence des marchés publics , l' investissement et la concurrence .
67: Enfin , la question du coton devait se révéler primordiale dans la relation Nord-Sud , bien que non abordée explicitement par le programme de Doha .
68: Elle avait été introduite quelque mois plus tôt dans l' ordre du jour par le Président Blaise Compaoré , portant à Genève la parole de quatre pays d' Afrique de l' Ouest -Bénin , Burkina-Faso , Mali , Tchad- :
69: ces derniers demandaient l' élimination en trois ans des subventions à la production de coton pratiquées par les pays développés et l' instauration d' un mécanisme de compensation financière des dommages subis par les producteurs africains , durant la période transitoire .
70: Le traitement de ces sujets devait mettre aux prises des alliances de pays relativement classiques et bien repérées :
71: les grands exportateurs agricoles contre l' Union Européenne et ses quelques alliés , dont la Corée et le Japon ;
72: en matière industrielle , les pays développés contre les pays en développement - à l' exception des pays les moins avancés - ;
73: sur les sujets de Singapour , essentiellement l' Europe et toujours ses alliés de l' Asie développée - Japon , Corée - , contre plusieurs grands pays en développement , au premier rang desquels l' Inde , la Malaisie et les Philippines , emmenant dans leurs sillages la plupart des pays africains .
74: Le scénario escompté pour produire un accord ne s' est pas réalisé :
75: des raisons tactiques , systémiques et stratégiques expliquent une spirale d' échec .
76: " L' entreprise d' une génération " s' arrête à 15 heures :
77: erreurs tactiques , recherche des coupables , théories du complot
78: La conférence de Cancun s' est ouverte sur fond de désaccord , portant essentiellement sur la partie agricole du document devant servir de base aux conclusions des ministres .
79: Le texte préparé par le Président du Conseil Général de l' OMC s' inspirait largement d' un projet d' accord , proposé conjointement par les Etats-Unis et l' Union Européenne , qui étaient parvenus , in extremis , à un rapprochement de leurs positions , ce que les PED souhaitaient depuis longtemps .
80: Paradoxalement , ce rapprochement a provoqué un rejet de la part d' un groupe de pays en développement , le " G21 " ou " G 20 + " .
81: Hâtivement formé avant Cancun , à l' initiative du Brésil , rejoint par l' Inde , la Chine et l' Afrique du Sud et soutenu par plusieurs pays en développement , le G21 proposait un texte alternatif sur l' agriculture .
82: Simultanément , les pays africains ont raidi l' ensemble de leurs positions - notamment sur l' accès au marché et les questions de Singapour - mais surtout , indiqué faire d' un progrès sur la question du coton la condition sine qua non d' un succès à Cancun .
83: Dès lors , les trois premiers jours ont été consacrés à des discussions procédurales informelles sur la manière de concilier les textes devant servir de base de travail , sur fond de menaces d' échec formulées par les plus hautes autorités brésiliennes , en cas de non prise en compte des positions du " G21 " .
84: Un compromis a été proposé par les organes dirigeants de l' OMC , permettant à la négociation de démarrer , pour échouer 24 heures plus tard .
85: Le Président de la Conférence , M. Derbez , Ministre des Affaires Etrangères Mexicain , décidait de clôturer les débats , après avoir constaté un blocage sur le premier thème qu' il avait mis à l' ordre du jour :
86: les questions de Singapour .
87: A qui la faute ?
88: Les explications tactiques abondent sur les responsabilités de l' échec .
89: Nombre comportent des éléments plausibles , d' autres sont fausses , certains faits sont troublants .
90: Trois " théories du complot " ont ainsi été esquissées faisant alternativement porter la responsabilité de l' échec à l' Europe , au G21 et aux Etats-Unis .
91: Qui s' en tient aux faits connus doit constater que les conditions de clôture de la conférence de Cancun étaient surprenantes , voire anormales .
92: L' ordre du jour des débats prévoyait en effet de discuter des " sujets de Singapour " et de l' agriculture :
93: la conférence a été interrompue après discussion du premier sujet , avant que le second n' ait pu être abordé .
94: Après deux ans d' enlisement des négociations de Doha , l' agriculture représentait clairement le sujet central du cycle , conditionnant aux yeux de tous les participants les possibilités d' accord sur les autres .
95: Les questions de Singapour n' apparaissaient que comme " variable dépendante " , conditionnée par l' agriculture .
96: L' interruption de la conférence sur ce sujet fut choquante :
97: la capacité à surmonter le blocage ne pouvait être totalement appréciée avant discussion de la question agricole .
98: Par ailleurs , le blocage n' opposait pas les grands acteurs du débat :
99: l' Europe , principal proposant des quatre sujets de Singapour , l' Inde , principal opposant .
100: L' Europe avait accepté d' abandonner les deux sujets considérés comme les plus contentieux - concurrence et investissement -. Cette proposition se révélait inacceptable pour le " groupe des 90 " - qui réunissait les pays africains et les PMA - et raidissait la Corée .
101: Formellement donc , alors que le c ?
102: ur du débat opposait les partenaires transatlantiques au G21 sur l' agriculture , la conférence de Cancun aurait échoué sur un conflit Corée - Afrique concernant les sujets de Singapour .
103: Enfin , le temps ne pressait pas , la plupart des délégations ayant prévu de pouvoir prolonger le séjour à Cancun .
104: Quelques mois plus tôt , un Ministre appelait ses collègues de l' OCDE à réussir le cycle de Doha en y reconnaissant " l' entreprise d' une génération " .
105: L' entreprise a été interrompue à 15 heures ...
106: A qui profite le crime ?
107: A personne , si l' on admet que le programme de Doha est porteur de bénéfices potentiels importants pour l' économie mondiale .
108: A court-terme , le succès diplomatique revendiqué par certains pays du Sud est à rapporter à leur échec économique :
109: les politiques agricoles des grands pays développés n' ont trouvé à Cancun aucune raison de se réformer .
110: Les producteurs de coton africain n' ont emporté du Mexique aucun motif d' espoir .
111: Le système GATT ne répond plus :
112: limites du mercantilisme , évolution des rapports de force , nouveaux acteurs
113: Doit -on " payer " les règles de droit ?
114: La méthode mercantiliste à l' épreuve .
115: Depuis l' instauration du GATT , le libre-échange progressait aux rythmes de cycles de négociations , paradoxalement mus par le mercantilisme de l' échange de concessions réciproques d' une valeur commerciale équivalente .
116: Relativement naturelle pour échanger des baisses de protection douanière sur les biens industriels , cette méthode est devenue plus complexe lorsque l' Uruguay Round en a élargi le champ aux secteurs de l' agriculture et des services , auxquels venaient s' ajouter des règles :
117: l' équivalence des concessions inter-sectorielles devenant plus complexe à apprécier , le principe d' " engagement unique " a été posé pour garantir la capacité de chacun à apprécier l' équilibre du résultat final .
118: La mise en oeuvre des résultats du cycle d' Uruguay a toutefois engendré une profonde frustration des PED .
119: Pour eux , les grands acquis théoriques demeuraient pratiquement inexistants dans le domaine des services , faibles en termes de libéralisation agricole et lointains ( 2005 ) en termes de démantèlement des quotas textiles .
120: Par contre , les nouvelles disciplines élaborées en matière de propriété intellectuelle , évaluation en douane , mesures sur l' investissement liées au commerce , devaient trouver une application plus rapide .
121: Le cycle de Doha a repris la méthode d' Uruguay , en engageant , dans un grand marchandage global , les questions d' accès au marché , qui impliquent des sacrifices économiques immédiats et les questions de règles , qui recèlent un potentiel d' amélioration du bien-être à long terme , mais exigent des efforts administratifs coûteux .
122: A la lueur de l' expérience d' Uruguay , les PED ont logiquement conclu que la négociation des règles des sujets de Singapour , devrait être préalablement " payée " , en espèces sonnantes et trébuchantes , d' abord agricole .
123: Les pays développés approchaient les sujets de Singapour de manière différente .
124: Au-delà de ses seuls intérêts mercantiles , l' UE portait les quatre sujets en y voyant les ingrédients nécessaires à l' affirmation du rôle de l' OMC comme centre de gouvernance économique mondiale , producteur de bien commun par le droit .
125: Grand investisseur et commerçant , le Japon avait une approche plus mercantile et pratique , en privilégiant l' investissement et la facilitation des échanges .
126: Les Etats-Unis retenaient une approche plus pragmatique encore , se concentrant sur les résultats qui leur paraissaient atteignables et utiles - transparence des marchés publics et facilitation des échanges - et préférant poursuivre hors de l' OMC , par accords bilatéraux , les deux autres objectifs de régulation .
127: Tous les pays développés avaient , par contre , un point commun :
128: celui de refuser de " payer " par davantage de libéralisation agricole ( impliquant des ajustements à coût politique immédiat élevé ) l' élaboration de règles de droits ( dont le bénéfice économique potentiel se diffuse à moyen ou long terme ) .
129: La méthode mercantiliste , issue des négociations du GATT , a rencontré à Cancun ses limites , pour traiter simultanément des enjeux de libéralisation et de régulation .
130: Certains deviendraient -ils aussi égaux que d' autres ?
131: Le " consensus censitaire " à l' épreuve
132: Lors de la création de l' OMC , les négociateurs pouvaient se référer à deux modèles de gouvernance .
133: Celui de l' ONU , fondé globalement sur le " suffrage universel " et l' égalité des Etats à l' assemblée générale - sous réserve du Conseil de Sécurité - était aussi celui de l' ancien GATT .
134: Celui des institutions économiques et financières de Bretton Woods était par contre fondé sur le " suffrage censitaire " , lié au stock de capital détenu .
135: Issus du GATT , qui était resté essentiellement un " club de riches " aux intérêts économiques comparables , la plupart de ces négociateurs admirait l' efficacité du deuxième système .
136: Mais , malgré son caractère économique , la mission de l' OMC reposait sur un fondement différent de celle de Bretton Woods :
137: si par construction les pays riches peuvent seuls mobiliser les capacités de financement des déséquilibres macro-économiques et du développement des pays pauvres , le commerce est censé être un bien commun accessible à tous , pour peu que ses conditions soient libres .
138: Tout l' enjeu de l' OMC est donc de définir les règles qui permettront à chacun de mieux intégrer le système mondial d' échange , en réduisant le protectionnisme qu' il subit de la part des autres .
139: Confier aux grandes puissances le pouvoir " censitaire " de définir les règles reviendrait à leur demander d' auto-évaluer leur niveau de protection .
140: Le système n' aurait aucun intérêt pour les autres participants .
141: La règle de l' égalité était donc inévitable .
142: L' OMC a hérité des défauts des deux systèmes :
143: formellement instituée sur un modèle ONUSIEN , dotant chaque Etat d' une voix et d' une prise de décision majoritaire , elle fonctionne en réalité par consensus , mais ne possède ni " conseil de sécurité " ni de système de pondération reflétant l' importance économique des acteurs .
144: Dès lors , la pratique de la négociation à l' OMC s' est informellement inspirée d' un modèle censitaire :
145: une entente entre les plus grands acteurs du commerce mondial , les partenaires transatlantiques d' abord , " Quad " ensuite , était , jusqu'ici , suffisante pour aligner tous les membres sur un consensus .
146: L' adhésion massive des PED , à partir des années 1980 et après la création de l' OMC , a doublement changé la donne .
147: D' abord au plan politique :
148: sur 148 membres de l' OMC , une vaste majorité est formée par des PED disposant chacun d' une voix , dont ils ont découvert le pouvoir à Seattle , avant de l' utiliser à Cancun .
149: Qu' en est -il du rapport de force économique ?
150: On peut penser que l' affirmation du G21 reflète la montée en puissance des économies émergentes dans le commerce mondial .
151: Au début du cycle d' Uruguay ( 1986 ) , les pays aujourd'hui groupés par le G21 représentaient quelques 6 % des exportations mondiales de biens et services ;
152: à la veille du cycle de Doha ( 2000 ) leur part relative avait pratiquement doublé pour atteindre plus de 11 % du commerce total , proportion à comparer au poids individuel des Etats-Unis ( 12 , 1 % ) , du Japon ( 6 , 4 % ) du Canada ( 5 , 5 % ) et de l' UE ( 39 % ) :
153: ces quatre membres de la " Quad " pèsent ensemble pour près des deux tiers du commerce total .
154: Mais ces indicateurs sont trompeurs si on n' isole pas le cas de la Chine , qui n' est entrée à l' OMC qu' en 2001 , à Doha .
155: Il est frappant de constater que , sans la Chine , le rapport des forces commerciales entre les pays de la Quad et le G21 est resté pratiquement inchangé depuis le cycle d' Uruguay :
156: si politiquement le Brésil a été identifié comme le leader du G21 , économiquement la crédibilité de ce nouveau groupement dépend largement de la participation de la Chine .
157: Petits pays pauvres et grandes ONG riches :
158: l' influence de la " diplomatie non gouvernementale " .
159: Celles des ONG qui ne refusaient pas en bloc l' existence de l' OMC , particulièrement dans le monde anglo-saxon , revendiquaient depuis plusieurs années des moyens d' influence sur une institution qui ne leur reconnaissait pas de statut .
160: Avant le cycle de Doha , cette revendication se concentrait sur le mécanisme de règlement des différends .
161: Depuis le lancement du cycle , elle porte également sur les négociations .
162: Cancun a manifesté l' évolution des méthodes d' intervention de certaines grandes ONG , évolution déjà très perceptible , dans la sphère de l' ONU , lors du sommet de Johannesburg :
163: celles -ci assistent ou influencent des petits états , dépourvus de capacités suffisantes de négociation , pour orienter l' agenda .
164: Oxfam revendique ainsi d' avoir contribué à l' élaboration du dossier du coton , qui a eu une influence psychologique décisive sur le sort de la conférence de Cancun .
165: A cette assistance technique , les ONG de terrain ajoutent leur capacité de sensibilisation politique des populations .
166: A Cancun , plusieurs ministres africains ont indiqué sans voile qu' ils se trouveraient politiquement le dos au mur si aucun mouvement n' était fait sur le dossier du coton , apportant avec eux des pétitions de dizaine de milliers de producteurs , ou , comme la Ministre du Sénégal , une résolution votée à l' unanimité de son parlement .
167: Le Commissaire européen à l' agriculture , M. Fischler , ne s' est pas trompé sur le rôle de ces nouveaux acteurs :
168: il imputait une partie de la responsabilité de l' échec de Cancun à certaines ONG , avant d' estimer que la redéfinition des relations entre membres de l' OMC et ONG devait être la première priorité de réforme de l' organisation .
169: Le libre-échange ne suffit plus :
170: géographie des doutes face à la globalisation
171: La question stratégique posée par Cancun est de savoir si les membres de l' OMC estiment encore avoir un intérêt à promouvoir une libéralisation multilatérale globale .
172: L' échec de Cancun a révélé les doutes fondamentaux des participants à la négociation .
173: L' agriculture du nord a peur du Sud
174: La première nouveauté de Cancun a été l' alliance transatlantique sur l' agriculture .
175: Loin d' être dérisoire par rapport aux attentes des PED et notamment des PMA , la proposition euro-américaine n' en consacrait pas moins une approche globalement conservatrice , pérennisant les politiques agricoles menées dans les pays les plus riches .
176: Les partenaires transatlantiques n' étaient peut-être pas les plus défensifs et certainement pas les plus immobiles .
177: Leur entente stratégique représentait donc un élément profondément nouveau dans le système d' alliance traditionnel .
178: Le Japon et la Corée avaient mal accepté ce rapprochement - " trahison " - de l' Europe avec les Etats-Unis .
179: L' alliance agricole transatlantique avait été rendue possible après l' accord de Luxembourg de juin 2003 qui , en réformant la PAC , permettait de trouver un point d' intersection aux trajectoires inversées des politiques agricoles européennes et américaines depuis l' Uruguay Round .
180: Depuis 1992 et avec " agenda 2000 " les subventions européennes s' étaient considérablement " américanisées " en progressant régulièrement sur deux axes :
181: la réduction du niveau de soutien aux prix et , surtout , le " découplage " progressif des aides .
182: Inversement , depuis le Fair Act de 1996 et le Farm Bill de 2002 , le régime de soutien américain s' était considérablement " européanisé " , d' une part du fait de l' augmentation massive des concours publics au revenu agricole , d' autre part du fait de la tendance au " recouplage " partiel des aides américaines , en particulier via le nouveau mécanisme des " marketing loans " .
183: L' " approche-cadre " , c' est à dire une approche non chiffrée , proposée par l' Europe et les Etats-Unis comme base de négociation agricole consacrait donc globalement l' état de fait atteint des deux côtés de l' Atlantique .
184: Elle prévoyait un effort de réduction des soutiens internes les plus directement liés aux quantités produites , dans des limites des marges de manoeuvres disponibles après le " Farm Bill " et la réforme de la PAC .
185: Elle ne retenait pas l' objectif d' élimination globale des subventions à l' exportation , mais traitait pour la première fois avec parallélisme les objectifs de réduction des subventions à l' exportation américaines ( aide alimentaire , crédits à l' exportation ) et européennes ( restitutions aux exportations ) et en admettait l' élimination pour les productions " sensibles " des PED .
186: Elle proposait une formule mixte de réduction des droits de douane agricole , distinguant les efforts à réaliser entre " produits sensibles " des " produits normaux " et " non sensibles " , pour donner des flexibilités à chaque participant .
187: Le texte soumis par l' OMC comme base de discussion s' inspirait largement de l' approche transatlantique , mais renforçait ses exigences dans le sens souhaité par les PED , en particulier sur les ambitions de réduction des subventions internes et l' élimination des subventions aux exportations .
188: Il fut radicalement rejeté par le " G 21 " , qui ne parvenait à réaliser une synthèse entre les intérêts de ses membres offensifs et défensifs sur la protection douanière , qu' en réclamant de faire porter l' intégralité des efforts de réforme agricole aux pays développés .
189: Les négociateurs américain et européen ont eu beau jeu de prophétiser l' implosion de ce groupe hétéroclite , " mariage de la carpe et du lapin " , le G21 a montré à Cancun que son ciment n' était pas de plus mauvaise qualité que celui qui avait permis aux partenaires transatlantiques de s' entendre sur les subventions et de surmonter , optiquement , la profonde divergence de leurs intérêts en matière d' accès au marché .
190: Les deux côtés partageant leur ambiguïté sur le niveau de libéralisation à atteindre en matière de droits de douane agricoles , la question des subventions devenait logiquement centrale .
191: Elle était radicale pour les pays du G21 .
192: Ces derniers représentent une majorité de la population mondiale , dont une forte proportion , voire une majorité pour la plupart , vit en milieu rural .
193: Leur structure d' exportation révèle une sur-proportion des produits agricoles bruts et des denrées alimentaires par rapport au poids de ces produits dans le commerce mondial .
194: Dans ces conditions , comme le relève D. Cohen à propos des soutiens dans les pays développés , " quel que soit le canal par lequel transitent les aides , ces subventions sont une mauvaise nouvelle pour les autres paysans du monde , qu' ils aient vocation à être exportateurs ou pas " .
195: Enfin , les partenaires transatlantiques convergeaient objectivement pour cantonner le dossier des subventions au coton dans le cadre global de la négociation agricole , sans le distinguer des autres produits , pour ne pas risquer de créer un précédent ouvrant la voie à d' autres négociations sectorielles .
196: L' Europe donnait quelques signaux d' ouverture et indiquait qu' elle s' apprêtait à réformer son régime de subvention dans ce secteur , l' un des absents de la réforme de l' été 2003 .
197: Les Etats-Unis proposaient de globaliser le sujet en traitant l' ensemble des problèmes de la filière , allant de la fibre au vêtement .
198: Intellectuellement intéressant et habile , cet argumentaire apparaissait trop grossièrement comme un simple contre-feu tactique , visant à " noyer " la demande africaine dans une négociation plus complexe .
199: La proposition américaine fut néanmoins reprise dans son intégralité par les autorités de l' OMC , entraînant une radicalisation irréversible des pays africains , qui voyaient ainsi disparaître leur seul intérêt à négocier pour un succès à Cancun .
200: En accompagnement de cette fin de non recevoir , le projet de déclaration suggérait benoîtement d' encourager " la diversification des économies dans lesquelles le coton représente une majorité du PIB " .
201: L' industrie du Sud a peur de la de la Chine :
202: le rôle des préférences
203: La deuxième nouveauté fondamentale de Cancun a été la volonté d' une grande partie des pays du Sud , en particulier d' Afrique et de Méditerranée , de conserver les avantages liés aux préférences douanières accordées par leurs grands partenaires du Nord .
204: Compte-tenu de leur part très faible dans le commerce mondial , la compétitivité globale et le potentiel de l' industrie chinoise leur apparaissent désormais comme une menace majeure pour leurs créneaux d' industrialisation naissante ou récente .
205: Le révélateur de cette menace a été le secteur du textile et de l' habillement .
206: Le grand acquis de l' Uruguay Round , pour les industriels du Sud , avait été l' engagement de démantèlement du système de quotas commerciaux issus de l' ancien " accord multi-fibre " .
207: Trop longtemps attendue , la disparition de ces quotas limitant leur capacité d' exportation est , paradoxalement , devenue la hantise de nombre de petits pays producteurs , à mesure que se profilait l' échéance de leur suppression totale au 1er janvier 2005 .
208: Face à la montée en puissance très rapide de la Chine dans ce secteur , les quotas sont devenus des garanties de débouché plutôt que des obstacles à leurs exportations .
209: Une fois ces quotas disparus , seule une préférence douanière leur apparaît de nature à compenser le différentiel de compétitivité avec la Chine .
210: Or , le niveau des préférences douanières dont ils bénéficient dans le cadre des accords passés avec les pays de la " Quad " serait mécaniquement réduit par une réduction générale des droits de douanes à l' OMC .
211: En extrapolant sur la compétitivité de leurs autres industries face à " l' atelier global " , ces pays concluent à la menace d' une réduction tarifaire multilatérale .
212: Paradoxalement , c' est donc , en partie , du fait des préférences qu' ils leurs accordent , que les pays du Nord ont perdu " leur " Sud à Cancun .
213: Aucun des grands réseaux naturels de solidarité économique - Europe et pays ACP ;
214: Etats-Unis et pays latino-américains - n' a fonctionné :
215: le G90 , qui s' opposait à l' Europe sur les " sujets de Singapour " , réunissait majoritairement les pays ACP ;
216: les membres du G21 étaient majoritairement latino-américains et liés par des accords préférentiels ou engagés dans des négociations de libre-échange avec les Etats-Unis .
217: Bretton-Woods arrive en retard
218: Le droit de l' OMC dispose théoriquement de tous les outils et garde-fous permettant de gérer avec souplesse l' intensité et le rythme des politiques d' ouverture entre pays de niveaux de développement différents :
219: ces éléments sont d' ailleurs des objets de négociation majeurs dans le cadre du programme de Doha , tant au titre de la " mise en oeuvre " - ajustement des conditions d' application des accords précédents - que du " traitement spécial et différencié " -prise en compte des contraintes particulières des PED dans les négociations -.
220: Mais la doctrine sur laquelle repose l' organisation se limite fondamentalement à professer les bienfaits du libre-échange sur la croissance , tout en admettant la nécessité d' en ajuster le rythme en fonction des situations particulières .
221: Les institutions de Bretton Woods ont également fondé une partie de leur argumentaire pour le développement sur la libéralisation commerciale .
222: Cancun a montré les limites du pouvoir de conviction cette seule doctrine .
223: En 2002 , la Conférence de Monterrey avait formulé un nouveau consensus international sur les stratégies de développement .
224: Ce consensus de Monterrey mettait globalement à jour l' ancien " consensus de Washington " en lui ajoutant deux éléments nouveaux :
225: une affirmation de la responsabilité des pays en développement dans l' amélioration de leur gouvernance et performances institutionnelles , un engagement de contrepartie des pays du Nord à accroître leur aide au développement .
226: Dans la sphère commerciale ce consensus trouve des points d' application très naturels et concrets :
227: la participation à l' effort de libéralisation et de renforcement des règles contribue à l' amélioration des systèmes institutionnels locaux , si elle est préparée et accompagnée par l' aide au développement .
228: Faute d' aide , les pays demeurent dépourvus de capacités administratives à négocier et mettre en oeuvre leurs engagements juridiques .
229: Les conditions concurrentielles demeurent inégales sans d' investissement dans l' infrastructure productive nécessaire à l' essor de leur compétitivité .
230: Le lien entre politique commerciale et politique d' aide n' a pourtant pas encore été correctement investi par les grands bailleurs d' aide .
231: Si ce lien est théoriquement établi dans les politiques régionales de l' UE , il demeure pratiquement inexistant dans sa politique multilatérale .
232: Un effort de systématisation a été entrepris à l' OMC , depuis les conférences de Singapour et Doha ( 1996 - 2001 ) , relayées par la Conférence des Nations-Unies sur le commerce des PMA ( 2000 ) , mais demeure principalement cantonné au terrain de l' assistance technique .
233: Or cette forme d' aide ne permet guère d' aborder les problèmes fondamentaux des pays les plus pauvres face à la libéralisation :
234: la capacité à exporter est différente de la capacité à négocier en ce qu' elle relève globalement de la défaillance des infrastructures , de la formation de la main d' oeuvre , de l' absence de systèmes de contrôle sanitaire ...
235: Les institutions de Bretton-Woods ont commencé à intégrer la problématique du commerce dans leurs programmes .
236: Mais les efforts engagés par la Banque Mondiale se sont jusqu'ici plutôt traduits par des études - visant essentiellement à démonter les gains potentiels de la libéralisation multilatérale , en particulier dans l' agriculture - que sur des programmes concrets de constructions de capacités exportatrices .
237: Le FMI est resté très longtemps réticent à contribuer à la recherche de solutions spécifiques au problème de l' impact sur les finances publiques de la perte de recettes douanières pour les pays en développement réalisant des efforts de désarmement tarifaire multilatéral .
238: FMI et Banque Mondiale ont annoncé à Cancun de nouvelles propositions , intéressantes mais encore vagues , sur ces terrains :
239: sans doute trop peu trop tard .
240: Les pays en développement ne perçoivent donc pas encore les manifestations concrètes des efforts d' assistance qui les aideraient à s' engager en confiance dans de nouvelles entreprises de libéralisation .
241: II . Faire de Cancun un acte fondateur :
242: pour une relance politique du cycle du développement
243: Il est à peu près acquis que Cancun a enterré l' espoir d' une conclusion du cycle de Doha dans les délais fixés , au 1er janvier 2005 .
244: Deux grandes échéances officielles sont aujourd'hui prévues :
245: une réunion du Conseil Général de l' OMC , en décembre 2003 , une conférence ministérielle qui devrait se tenir , en principe à Hong-Kong , vers fin 2004 .
246: Entre les deux , l' élection présidentielle américaine risque de figer toute dynamique de négociation .
247: Une reprise rapide est d' autant moins vraisemblable qu' américains et européens ont indiqué rester pour l' instant sur l' expectative .
248: Face aux menaces du statu quo et aux limites des idées de relance technique , la réflexion s' impose sur les conditions de relance politique du cycle .
249: Les menaces du statu quo
250: Le gouvernement des juges :
251: un test politique à venir pour l' ORD
252: L' interruption du cycle de Doha à Cancun emporte une menace immédiate pour l' OMC :
253: celle du transfert de responsabilité du " législateur " vers " le juge " , de la négociation de règles vers le mécanisme de règlement des différends , en particulier en matière agricole .
254: Au 31 décembre 2003 expirera la " clause de paix " , adoptée avec la conclusion de l' Uruguay Round , qui protégeait temporairement les membres de l' OMC du risque de contentieux contre leurs régimes de subvention à l' agriculture .
255: En cas d' accord à Cancun , cette clause aurait du logiquement être prolongée pour garantir un climat serein de négociation .
256: Du fait de l' échec de Cancun , on peut s' attendre à ce que les membres de l' OMC cherchent à obtenir , par le contentieux , les objectifs de réforme agricole non atteints par la négociation .
257: D' ores et déjà , deux panels ont été constitués en 2003 à l' initiative du Brésil , l' un contre le régime de subventions aux exportations de sucre de l' UE , l' autre contre le régime de subvention au coton des Etats-Unis .
258: Indépendamment de la clause de paix , les tensions liées aux contentieux sont déjà fortes .
259: Les Etats-Unis ont lancé une dispute très sensible pour l' opinion publique , contre le régime communautaire d' autorisation de mise sur le marché des OGM .
260: De son côté , l' Europe se dirige vers la mise en oeuvre de sanctions commerciales contre les Etats-Unis , faute de mise en conformité de ces derniers avec les décisions de l' ORD ( organe de règlement des différends de l' OMC ) dans l' affaire du FSC / ETI , ou , du fait de la vraisemblable prochaine confirmation en appel de la condamnation de la mesure de sauvegarde adoptée en 2002 par le Président Bush dans le secteur de l' acier .
261: Compte-tenu de l' importance des enjeux politiques en cause , une multiplication des contentieux commerciaux , en alternative aux négociations , pourrait achever d' affaiblir ce qui reste de l' OMC :
262: la crédibilité du système de règlement des différends serait minée par une multiplication des cas de non-respect de ses décisions ;
263: les objectifs mêmes de l' organisation seraient minés par la montée en puissance de rétorsions commerciales croisées liés à ce non-respect .
264: La recherche d' une forme de pacte de " modération " , sinon de " non-agression " , apparaît donc comme un préalable à tout espoir de reprise des négociations multilatérales .
265: L' inconnue américaine , le risque protectionniste
266: Ce risque apparaît d' autant plus réel que l' administration Bush a adressé plusieurs signaux de défiance vis à vis du multilatéralisme commercial .
267: Le forum de l' OMC ne se voit pas reconnaître de prééminence sur les autres forums de négociation dans la politique commerciale américaine ;
268: les Etats-Unis se sont affranchis de ses règles en 2002 pour protéger leur secteur de l' acier et se montrent extrêmement réticents à mettre en oeuvre les décisions de l' ORD les condamnant :
269: une mise en conformité est aujourd'hui attendue dans 5 affaires importantes gagnées par l' Union Européenne .
270: Les facteurs de tensions s' accumulent également dans les relations commerciales sino-américaines :
271: depuis longtemps formulées par le secteur du textile-habillement , les demandes de protection pourraient se multiplier dans l' industrie américaine , sous l' influence notamment du facteur monétaire ( sous-évaluation estimée par les autorités américaines de la parité du Yuan contre dollar ) .
272: Le déficit des paiements courants des Etats-Unis , nourri par le déficit commercial , apparaît de moins en moins soutenable au niveau atteint en 2003 ( plus de 5 % du PIB ) .
273: Alors que les Etats-Unis demeurent le principal facteur de croissance mondiale , le risque d' une montée du protectionnisme américain apparaît très réel .
274: La conjugaison d' une UE contrainte de mettre en oeuvre des sanctions commerciales contre les Etats-Unis pour faire respecter les décisions de l' ORD et d' une montée du protectionnisme américain , représenterait une menace pour l' économie mondiale .
275: Les risques de la tentation régionale :
276: l' Afrique à la trappe
277: Faute d' accord multilatéral , les puissances commerciales peuvent privilégier la voie bilatérale ou régionale pour promouvoir leurs objectifs de libéralisation .
278: De fait , les premières déclarations des autorités américaines tendent déjà à privilégier cette seconde voie après l' échec de Cancun :
279: M. Zoellick a indiqué qu' il choisirait ses pays interlocuteurs entre " can do " et " won't do " .
280: L' Union Européene avait choisi de renoncer au lancement de nouvelles initiatives de négociation de libre-échange , bilatérale ou régionale , pendant la durée du cycle de Doha .
281: Après Cancun , la Commission a également fait savoir qu' elle souhaitait prendre le temps de la réflexion et du débat interne pour examiner toutes les options et envisager de réorienter éventuellement dans ce sens la politique commerciale de l' Union Européenne .
282: La théorie économique reste divisée sur les mérites respectifs du régionalisme et du multilatéralisme .
283: Les gains potentiels de la libéralisation multilatérale apparaissent supérieurs à ceux de la libéralisation sur une base régionale .
284: Ces derniers se partagent traditionnellement entre " effets de création " - qui débouchent sur un accroissement du commerce global - , et " effets de détournement " de la richesse - qui se matérialisent par une simple substitution de sources d' approvisionnement .
285: L' enjeu de l' articulation entre multilatéralisme et régionalisme est donc de maximiser les effets de création et limiter les effets de détournement .
286: Le droit de l' OMC prévoit des dispositions pour garantir la complémentarité des deux dynamiques .
287: Sous cette réserve , il n' y a en soi rien de choquant à l' idée de poursuivre une option régionale ou bilatérale .
288: L' Union Européenne en incarne elle-même le meilleur exemple historique et son réseau d' accord avec les pays tiers régit d' ores et déjà près de 80 % de ses échanges extérieurs , par un régime de libre-échange ou d' ouverture préférentielle de son marché .
289: Economiquement , l' Union Européenne aurait probablement intérêt à progresser , au-delà des engagements de l' OMC , par de nouvelles initiatives régionales :
290: en effet , seules échappent aujourd'hui à son réseau de préférences réciproques , ses relations avec les deux zones les plus dynamiques du monde , l' Asie de l' Est ( " ASEAN + 3 " ) et l' Amérique du Nord .
291: Les pays les plus pauvres et en particulier l' Afrique pourraient être les principales victimes d' un nouvel essor du régionalisme de la part des grandes puissances commerciales .
292: D' abord , parce qu' un tel mouvement contribuerait vraisemblablement à intensifier la tendance à la structuration de l' économie mondiale autour du triangle Chine / Asie de l' Est - Union Européenne - Etats-Unis , risquant de confiner l' Afrique subsaharienne , qui représente moins de 1 % des échanges commerciaux globaux , dans le " syndrome du chômeur de longue durée " , suivant le mot du Premier Ministre Ethiopien , M. Zenawi .
293: L' affirmation d' une alternative régionaliste crédible au multilatéralisme signerait de facto une forme de " Yalta institutionnel " dans la globalisation :
294: aux pays commerçants de négocier entre eux des accords de commerce , aux institutions de Bretton Woods de s' occuper du " traitement social " des pays les plus pauvres .
295: Ensuite , parce qu' en cas d' initiatives dans leur direction , le rapport de force bilatéral serait naturellement peu favorable aux économies les plus pauvres .
296: Cette réalité est évidente dans le rapport Nord-Sud , comme l' ont montré , immédiatement après Cancun , les pressions américaines sur les pays d' Amérique Centrale et andine pour qu' ils sortent du G21 :
297: le Costa-Rica , la Colombie et le Pérou ont annoncé leur retrait du groupement , après avoir entendu les menaces du Président de la Commission des Finances du Sénat américain .
298: Mais cette menace existe de manière tout aussi évidente du fait de l' apparition de nouveau rapports de force et de stratégies protectionnistes " Sud-Sud " .
299: Un indicateur révèle ce nouvel état de fait :
300: une majorité des enquêtes d' antidumping initiées dans le monde , oppose aujourd'hui des pays en développement entre eux .
301: Le parlement européen ne s' est pas trompé sur cette menace en réaffirmant clairement sa priorité au multilatéralisme dans sa résolution sur les résultats de Cancun .
302: Surmonter les obstacles au consensus :
303: les voies d' une relance technique de l' OMC
304: L' échec de Cancun a ouvert trois débats sur les moyens de relancer les négociations commerciales en trouvant de nouvelles méthodes pour parvenir à forger un consensus .
305: Un agenda allégé ?
306: On pourrait estimer que les sujets de Singapour ayant formellement provoqué l' échec , leur suppression de l' ordre du jour permettrait de le surmonter .
307: La tentation pourrait être la même sur l' ensemble des sujets sur lesquels aucun progrès n' a été constaté depuis le lancement du programme de Doha :
308: commerce et environnement , indications géographiques , questions de mise en oeuvre , certains groupe de travail .
309: L' idée de recentrer l' OMC sur son " c ? ur de métier " , la libéralisation de l' accès aux marchés , est récurrente chez les négociateurs .
310: Elle répond fondamentalement à la vision américaine du cycle de négociation à laquelle s' opposait initialement une " conception européenne de la mondialisation " marquée par la recherche d' un équilibre entre libéralisation et régulation des échanges mondiaux .
311: Il paraît douteux qu' une telle approche suffise à relancer les débats :
312: d' une part , parce que malgré leur rôle formel dans l' échec , les sujets de régulation n' étaient pas au c ?
313: ur des enjeux de Cancun ;
314: d' autre part , parce que la proposition d' abandon des deux sujets les plus difficiles ( investissement , concurrence ) n' avait pas permis de débloquer la négociation sur place .
315: En réalité , les ambiguïtés de l' agenda de Doha reflétaient un équilibre entre trois grandes approches :
316: celle d' une majorité de PED qui souhaitaient limiter les discussions à l' existant , à travers les thèmes de la mise en oeuvre des accords d' Uruguay et les questions de développement ;
317: celles des tenants d' un pur cycle de libéralisation ;
318: celles des partisans d' un renforcement du rôle de l' OMC dans la gouvernance multilatérale .
319: Il est à craindre que toute altération de cet équilibre ne revienne à ouvrir une boîte de pandore et éloigne d' autant la perspective d' une reprise des négociations de substance .
320: La pondération de l' importance des sujets de l' ordre du jour pour chaque participant ne pourra évoluer réellement qu' au regard des perspectives de progression des différents sujets par la voie régionale ou bilatérale .
321: C' est déjà l' approche américaine , qui privilégie les accords bilatéraux pour traiter de l' investissement .
322: C' est déjà largement l' approche européenne , qui s' efforce de faire reconnaître la protection de ses indications géographiques via ses négociations bilatérales ou régionales :
323: si celles -ci lui permettent d' atteindre ses objectifs , la pression pour des progrès à l' OMC se réduira en la matière .
324: Une OMC à deux vitesses ?
325: De fait , l' OMC se reconnaît déjà à deux vitesses par le jeu du principe de traitement spécial et différencié qui autorise une asymétrie d' engagements de la part des pays en développement face aux pays développés .
326: Le consensus était également globalement atteint à Cancun sur l' idée d' exonérer les pays les moins avancés de tout engagement contraignant en matière de libéralisation de l' accès au marché industriel .
327: Le Président de la République française a également proposé à ses partenaires du G8 l' idée d' un " régime commercial spécifique pour l' Afrique " , idée reprise à son compte par l' Union Européenne au sommet d' Evian , mais qui avait rencontré l' opposition des Etats-Unis .
328: Après l' échec de Cancun , la France a relancé cette idée .
329: L' idée est donc présente et le droit de l' OMC offre d' autres techniques que le traitement spécial et différencié pour différencier le niveau d' obligation entre membres .
330: La principale est celle des accords dits " plurilatéraux " , dont les obligations ne lient que ceux des membres qui l' acceptent , sous réserve du consensus de tous pour recourir à cette technique dérogatoire ;
331: une possibilité équivalente consisterait à prévoir des clauses d' entrée ou de sortie ( " opt-in " ou " opt-out " ) de la négociation de certains accords , par dérogation au principe " d' engagement unique " .
332: Le recours à ces techniques pourrait être fécond pour contribuer à une relance de la négociation , et surmonter en particulier l' impasse mercantiliste liant les sujets de Singapour aux questions d' accès au marché .
333: S' agissant de règles sur l' investissement et la concurrence , ayant vocation à représenter un bien collectif , il serait intellectuellement justifiable de les développer par une stratégie incitative , fondée sur le volontariat , sachant que les pays en développement nourrissent de grands doutes sur l' intérêt de telles règles pour leurs stratégies de croissance .
334: De fait , l' intérêt économique d' un régime multilatéral de l' investissement pour les pays en développement reste par exemple controversé :
335: sa mise en place , à l' OMC , sur une base volontaire , par certains pays , permettrait d' en mieux évaluer les effets .
336: On peut alors faire le pari que si ces règles révèlent leur intérêt , les effets de concurrence et d' émulation joueraient à plein si certains PED décidaient d' y souscrire :
337: l' Inde s' imaginerait -elle pouvoir rester hors d' un accord auquel souscrirait la Chine ?
338: Pour créer une dynamique de confiance et d' incitation , les pays développés pourraient s' engager à faire bénéficier l' ensemble des membres de l' OMC des engagements qu' ils prendraient dans ce cadre .
339: Enfin , une approche volontaire répondrait à la contestation des sujets de Singapour par la plupart des mouvements de la société civile , dénonçant la volonté d' imposition de nouvelles normes aux pays en développement .
340: Le principal risque d' une telle approche serait politique en ce qu' elle pourrait accentuer la bipolarisation Nord-Sud et un désengagement des pays développés de l' OMC , pour lui préférer d' autres cadres , par exemple celui de l' OCDE .
341: Le risque paraît réduit compte-tenu de l' échec fracassant de l' AMI en 1998 .
342: En tout état de cause , l' enceinte de l' OMC offrirait plus de chances de succès à une telle démarche que celle de l' OCDE , parce qu' elle offre davantage de garanties procédurales aux pays en développement .
343: Ceux -ci auraient d' abord à accepter le principe d' ouvrir ou non de telles négociations " plurilatérales " , de décider s' ils souhaitent ou non y participer , de souscrire ou non des engagements à la conclusion .
344: Une réforme institutionnelle ?
345: L' Union Européenne a ouvert le débat sur la modernisation de l' OMC , qualifiée de " médiévale " par le Commissaire Lamy .
346: Les Etats-Unis ont d' emblée indiqué qu' un tel débat serait une perte de temps .
347: Bis repetita placent , la question de la réforme de l' organisation avait été mise à l' ordre du jour après Seattle .
348: Des progrès ont d' ailleurs été réalisés depuis en matière de transparence interne et externe des débats .
349: A la lueur de l' échec de Cancun , de nouvelles questions sont ouvertes , sur lesquelles un progrès paraît souhaitable , en particulier concernant les pouvoirs respectifs du Président des conférences ministérielles et du Directeur Général de l' Organisation , dans l' organisation des débats et des procédures de consultation .
350: Mais la question centrale reste celle de la méthode de production d' un consensus entre 148 pays sur plus de 20 sujets de négociation .
351: De facto , malgré la contestation ouverte à Seattle , l' OMC n' a jamais pu se passer de l' ancienne pratique du GATT , dite des " green room " , réunions informelles , restreintes aux principaux membres de l' organisation , pour élaborer les projets de consensus .
352: C' est d' ailleurs en " green room " qu' à été décidé l' arrêt de la conférence de Cancun , avant officialisation en réunion plénière .
353: L' institutionnalisation de cette pratique , la définition de ses règles , procédures , garanties de transparence du résultat des débats représenterait le principal enjeu pour surmonter les contradictions du " consensus censitaire " et améliorer le fonctionnement institutionnel .
354: Mais les chances de parvenir à l' élaboration d' un tel " conseil restreint " à l' OMC apparaissent extrêmement limitées .
355: Techniquement , elle supposerait de s' accorder sur la représentativité des grandes catégories de pays et d' intérêts , impliquant de figer les alliances et sur l' établissement de procédures de consultation interne aux groupes de pays représentés par un mandataire .
356: Le débat sur les voies d' une relance technique du cycle reproduit donc très largement ceux qu' avait engendré l' échec de Seattle , sans réelle traduction concrète depuis .
357: Il comporte des éléments utiles , mais ne pourra occulter les préalables politiques à la relance du cycle du développement .
358: Faire de Cancun un acte fondateur :
359: les conditions de relance politique du programme de Doha
360: Les ambiguïtés politiques qui avaient permis de construire l' agenda de Doha ont fonctionné comme " deal breaker " à Cancun , révélant les divergences de conception Nord-Sud sur le partage des responsabilités commerciales globales , la priorité économique de l' agriculture , l' apport de la libéralisation au développement .
361: Aucun progrès vers un consensus ne paraît désormais possible sans affronter ces grandes questions politiques et éliminer les ambiguïtés .
362: Compte-tenu de l' asymétrie des niveaux de développement , le sens moral voudrait sans doute que les pays développés assument la responsabilité d' une relance du cycle de Doha , en offrant de nouvelles concessions sur le terrain agricole .
363: Indépendamment des résultats de Cancun , la Commission européenne s' est d' ores et déjà engagée dans une proposition de réforme des organisations communes des marchés du sucre , du coton , du tabac et des produits méditerranéens .
364: Si ces propositions aboutissent , elles lui confèreront une marge de manoeuvre nouvelle .
365: La proposition française au G8 d' un moratoire sur les subventions aux exportations déstabilisatrices pour les marchés africains pourrait également être utilement retravaillée .
366: Mais le sens commun suggère le réalisme .
367: Les Etats-Unis ont voté en 2002 une loi agricole et vont entrer en période électorale :
368: hormis la découverte d' un intérêt sécuritaire , rien ne paraît aujourd'hui susceptible de venir faire évoluer leurs positions de négociation .
369: L' UE vient de réformer la PAC et l' échec de Cancun pourrait affaiblir la stratégie réformatrice de la Commission , qui liait les négociations de l' OMC aux résultats des réformes agricoles internes .
370: Le Japon reste également en posture très défensive sur l' agriculture .
371: Aucun pays développé ne fera donc de nouvelle concession unilatérale .
372: Inversement , aucun pays en développement ne peut réalistement espérer obtenir satisfaction à l' OMC sans prendre le moindre engagement en contrepartie :
373: la stratégie agricole du G21 demandant tous les efforts aux pays développés ne peut déboucher que sur une impasse .
374: L' enjeu pour l' OMC est donc de forger de nouvelles bases d' accord politique permettant d' envisager une relance globale de ses travaux .
375: L' hypothèse de la convocation d' une réunion ministérielle extraordinaire de l' OMC début 2004 a été envisagée .
376: On voit mal comment une telle réunion pourrait parvenir à un accord technique sur les mêmes bases qu' à Cancun .
377: Une réunion de ministres , dans un forum à caractère purement politique , pourrait par contre être utile et les institutions de Bretton Woods devraient y être associées .
378: Trois débats doivent être affrontés pour tenter de reconstruire un consensus politique sur la libéralisation multilatérale
379: Simplifier les équations :
380: des accords partiels au sein du programme de Doha
381: Face à la difficulté des membres de l' OMC à évaluer l' équilibre des concessions globales à entreprendre au titre de l' agenda de Doha , un accord politique pourrait être recherché sur la définition d' équilibres intermédiaires , demeurant unis entre eux par le principe d' engagement unique .
382: Les subventions agricoles du Nord et le protectionnisme industriel au Sud sont en accusation :
383: Cancun a donc montré qu' il n' y aurait pas d' accord agricole possible sans accord industriel .
384: Or , la plupart des membres de l' OMC expriment un niveau d' ambition inversement proportionnel , entre l' agriculture et l' industrie .
385: Le premier enjeu d' un nouveau compromis politique doit donc être d' admettre que les efforts de libéralisation devront être proportionnels dans les deux secteurs , sur la base la plus ambitieuse possible .
386: Ces champs de négociations sont suffisamment balisés et le travail technique de préparation de Cancun était suffisamment avancé pour que soit éclairé l' équilibre commercial des concessions réciproques .
387: Les négociations relatives aux services peuvent alors relever d' une logique sectorielle propre dans laquelle le compromis Nord-Sud devra être essentiellement recherché entre progrès de l' ouverture aux investissements et aux mouvements temporaires de main d' oeuvre .
388: Sur les sujets de Singapour , l' option d' accords plurilatéraux devrait être examinée et la négociation de ces sujets de Singapour mise en balance avec celle des autres règles :
389: les pays en développement ont un intérêt direct au renforcement des disciplines sur l' antidumping , aux questions de mise en oeuvre et de traitement spécial et différencié ;
390: les Etats-Unis réclament l' élimination des subventions aux pêcheries et s' intéressent à deux sujets de Singapour ;
391: le Japon et l' UE demeurent motivés par les quatre sujets , ainsi que , pour cette dernière par l' environnement .
392: Mise à jour des responsabilités globales :
393: un nord mais plusieurs Suds
394: L' OMC vit sur un modèle hybride et dépassé , en ne reconnaissant que trois catégories de pays :
395: pays développés , pays en développement et pays les moins avancés :
396: la catégorie des pays en développement est subjective puisqu' elle relève purement d' une " auto-déclaration " ;
397: la catégorie des PMA est objective et relève de critères précisément définis au sein de l' ONU .
398: Ces catégories ne permettent pas de différencier le niveau de responsabilité économique que doivent prendre les pays émergents dans leurs engagements à l' OMC :
399: Singapour , Chine , Cameroun , Côte d' Ivoire et Thaïlande sont par exemple dans la même catégorie ;
400: le Mexique et la Corée du Sud sont simultanément membres de l' OCDE et pays en développement à l' OMC .
401: Les pays en développement les plus riches partagent avec les plus pauvres l' intégralité des bénéfices du traitement spécial et différencié des pays en développement .
402: Les pays développés voudraient dès lors introduire des mécanismes de " différenciation " pour tenir compte des évolutions intervenues au sein du groupe des pays en développement .
403: Ces derniers refusent radicalement toute évocation directe et indirecte du sujet .
404: Ce conflit porte une responsabilité majeure dans l' échec de Cancun :
405: il empêche tout avancée forte sur la question du traitement spécial et différencié de la libéralisation , particulièrement en matière agricole .
406: Or , aucun pays développé n' envisagera d' accorder les mêmes concessions et flexibilités au Cameroun qu' au Brésil ou à l' Inde .
407: Inversement , les pays émergents ont beau jeu de faire porter l' ensemble de la responsabilité de la libéralisation aux pays développés .
408: Le cas du coton est révélateur :
409: Brésil et Inde soutiennent - à juste titre - la demande africaine d' élimination des subventions américaine et européenne mais entretiennent simultanément des droits de douanes très élevés sur leurs propres importations de coton , brut ou transformé .
410: Cette question est aujourd'hui " explosive " parce que politiquement centrale .
411: Faute de réussir à engager un débat constructif , les ambiguïtés structurelles du programme de Doha ne pourront , au mieux , être surmonté que via des compromis globaux " Nord-Sud " fondés sur des concessions minimales :
412: c' était l' approche tentée à Cancun .
413: Accompagnement de la libéralisation :
414: pas de commerce sans aide accrue
415: Renforcer l' intérêt des PED à participer aux négociations commerciales et leur fournir plus de " confort " face aux coûts de l' ouverture suppose de développer des stratégies d' aide liant beaucoup plus directement les programmes d' assistance aux pays aux efforts de libéralisation entrepris .
416: La Banque Mondiale a commencé à intégrer cette dimension , en particulier dans sa stratégie envers les pays méditerranéens unis à l' UE par un accord d' association et en systématisant l' intégration de la dimension commerciale dans la formulation de ses stratégies pays .
417: Le FMI a par ailleurs annoncé à Cancun une approche cadre pour aider les pays en développement à affronter les déséquilibres de balance des paiements liés à l' ouverture commerciale .
418: L' amplification de cet effort et la systématisation du lien entre commerce et aide passe d' une part , par l' affirmation politique d' une véritable coresponsabilité de l' OMC et des institutions dans la poursuite de l' agenda de libéralisation multilatérale des pays en développement , d' autre part , par la mise en place de nouveaux moyens de financement du développement .
419: C' est le sens de l' engagement de principe exprimé en septembre 2003 par le Directeur Général du FMI et le Président de la Banque Mondiale pour développer un programme global de réponse aux besoins d' ajustement et d' investissement résultant de la libéralisation entreprise par les pays en développement .
420: Il importe que cet engagement trouve une matérialisation rapide dans des programmes-cadres , précis , concrets et visibles .
421: L' Europe et les Etats-Unis , qui avaient su converger à Monterrey dans l' annonce d' un accroissement de leur effort d' aide au développement , ou au G8 d' Evian dans l' annonce de moyens supplémentaires pour la lutte contre le Sida , devraient exercer ensemble un " leadership " sur ce terrain :
422: la question mériterait d' être inscrite à l' ordre du jour de leur coopération , dans le cadre des structures de dialogue économique et commercial bilatéral mise en place par le " nouvel agenda transatlantique " de 1995 .
423: Enfin , peut -on prendre au sérieux l' idée de " compensation financière " temporaire des effets du protectionnisme , deuxième volet de la demande des pays d' Afrique de l' Ouest pour traiter le dossier du coton .
424: Intellectuellement l' idée relève de la problématique classique du principe " pollueur-payeur " :
425: le protectionnisme des uns produit des externalités négatives pour les autres , susceptibles d' être réduites par un mécanisme de désincitation financière .
426: Sur cette base , la recherche de ressources financières nouvelles liant enjeux commerciaux et aide au développement pourrait concrètement être envisagée à court-terme à partir d' un mécanisme " d' amende " ou de " compensation financière négociée " , en cas de refus de mise en conformité après une condamnation à l' OMC .
427: Face au risque de multiplication des contentieux et au déséquilibre des rapports de force entre économies riches et pauvres dans la mécanique des rétorsions commerciales , cette piste alternative des sanctions financières mériterait d' être mieux explorée .
428: C' est aussi parce qu' il n' a pas suffisamment investi le champ de l' aide liée à la libéralisation commerciale que le système commercial a perdu le " Sud " à Cancun et que les ONG caritatives ont occupé la place laissée vide .