_: | ifri GÉOÉCONOMIE DU BASSIN CASPIEN Gaël Raballand Chercheur en économie lesballand@noos.fr Document de travail Le pourtour Caspien est capital pour le développement des pays d' Asie centrale et du Caucase . Pourtant , si on exclut l' Iran et la Russie ( dont le centre de gravité économique ne se trouve pas autour de la mer Caspienne ) , les économies de la région sont de petite taille . Evalué à parité de pouvoir d' achat , le Produit Intérieur Brut des cinq pays d' Asie centrale est inférieur à 200 milliards de dollars . Ce chiffre ne souffre d' aucune comparaison avec les grands pays asiatiques . Ainsi , le poids de la région est inférieur à celui de la Malaisie , il représente moins du tiers du PIB de l' Indonésie , moins du quart de celui de la Corée et plus de 20 fois inférieure à la Chine ou au Japon . L' exploitation des hydrocarbures doit renforcer considérablement le poids économique de ces Etats . On peut surtout penser à quatre orientations . En outre , comme elles ont choisi des politiques économiques parfois totalement opposées , il est pertinent de s' interroger sur les différences de trajectoires . Pour avoir une approche comparative cohérente , l' étude se consacrera essentiellement aux pays de Transcaucasie et d' Asie centrale en se consacrant sur les pays riverains de la Caspienne et de facto en excluant l' Iran et la Russie . En analysant les économies de la région , il s' avère que les économies du bassin Caspien sont confrontées à trois handicaps communs ( I ) , et même si les trajectoires économiques se sont révélées bien différentes ( II ) , le système économique soviétique reste très présent dans le bassin ( III ) . 1 . Les économies du bassin Caspien sont confrontées à trois handicaps communs A ) Le handicap géographique : Quelles sont les spécificités des économies de la région par rapport aux autres pays en transition ou par rapport aux autres pays riches en hydrocarbures ? Les pays du bassin Caspien sont les seuls Etats du monde enclavés avec des ressources importantes en hydrocarbures si on excepte le cas du Tchad . Comme l' a résumé Gian Maria Gros-Pietro , président d' ENI , " étant donné que le transport maritime est le mode de transport le moins onéreux , la principale question ( pour le bassin Caspien ) revient à déterminer quel est le port le plus intéressant économiquement . Géographiquement , le Golfe Persique possède le plus d' attrait mais , dans ce cas , le pétrole Caspien sera en concurrence avec celui du Moyen-Orient " . L' Asie centrale est la région au monde la plus éloignée de la mer . Effectivement , le Golfe Persique est le plus proche débouché sur la mer mais il se trouve , tout de même , à plus de 2000 kilomètres à vol d' oiseau . Or , Tachkent se trouve à 4000 kilomètres de Pékin , à 5000 kilomètres de Séoul , à plus de 5500 kilomètres de Singapour et à près de 5000 kilomètres de la mer Noire . L' absence d' accès à la mer a un impact économique négatif . L' enclavement provoque un déficit de croissance très important par rapport à un Etat côtier . L' étude empirique la plus large et la plus récente prouve que les Etats enclavés souffrent par rapport aux Etats côtiers d' un déficit de 1 , 5 % par an pour les pays à revenu faible et moyen . L' impact est tout aussi négatif sur le commerce , par rapport à un Etat côtier , un pays enclavé commerce en moyenne 70 % de moins à niveau de développement et à taille égaux . La principale explication réside dans le surcoût de transport lié à cette position géographique . Le transport maritime s' est considérablement développé depuis des siècles car étant le moyen de transport le moins onéreux . Il a été estimé que le transport continental est deux fois plus élevé que le transport maritime . D' après les calculs du FMI , les coûts de transport sont , pour un Etat enclavé en développement , deux fois supérieurs à ceux consacrés par un pays côtier en développement . Ce surcoût est , par exemple , lié au passage des frontières . Au sein des pays de la CEI , la corruption , la faiblesse de l' Etat , l' état des infrastructures , l' absence de routes alternatives confèrent une rente de situation aux Etats de transit et contribuent ainsi à l' appauvrissement des pays du bassin Caspien ( cf. figure pour les mécanismes de transmission de l' enclavement sur le développement économique ) . B ) Le handicap historique : des pays en transition L' analyse de l' héritage du système économique soviétique est capitale pour comprendre les économies de la région car , nonobstant des conditions initiales très différentes , elles ont atteint un stade de développement proche , notamment pour les pays du flanc sud de la Russie . 1 . L' héritage du système soviétique Même si les éléments négatifs prédominent , le soviétisme a eu des aspects positifs sur le développement économique de l' Asie centrale . Tout d' abord , cette région jouit d' un capital humain important : malgré des signes peu encourageants aujourd'hui , l' analphabétisme a toujours été inexistant dans la région : 1 à 3 % de la population alors que ce pourcentage est proche de 40 % dans le cas de pays à faible revenus ( ce que sont les pays d' Asie centrale ) . L' Asie centrale et le Caucase se sont développés moyennant des subventions directes ou indirectes , en grande majorité , en provenance de la Russie . Au sein de l' Union , les deux pays les plus bénéficiaires de cette aide étaient le Kazakhstan et l' Ouzbékistan . C' est ainsi que le premier a reçu des subventions équivalentes en moyenne à 14 , 7 % par an de son produit national utilisé et 5 , 3 % pour le second . En terme de montant , les subventions versées au Kirghizstan et au Tadjikistan étaient inférieures . Néanmoins , en pourcentage , celles -ci étaient très importantes tout du moins pour le Kirghizstan ( 15 , 5 % ) et un peu plus faibles pour le Tadjikistan ( 8 , 8 % ) . Ainsi , dans le cas du Kirghizstan , par exemple , près d' un sixième des biens consommés et des capitaux investis , chaque année , étaient , en fait , des dons en provenance des autres Républiques . Grâce à la distorsion de prix au sein de l' URSS , la fiction d' un commerce assez peu déséquilibré était entretenue . Or , avec des estimations aux prix mondiaux en 1988 , seul le Turkménistan et la Russie conservaient un commerce excédentaire tandis que le Kazakhstan , le Tadjikistan et le Kirghizstan accusaient un déficit commercial supérieur à 15 % du PIB . La conséquence de ce système était une inefficacité économique croissante . En 1970 , le revenu national produit par habitant équivalait à 83 % de la moyenne de l' URSS , en 1979 , ce pourcentage était tombé à 66 % et 51 % en 1989 . La contrepartie économique résidait dans une dépendance des Républiques du sud de l' Union vis-à-vis de Moscou notamment pour l' approvisionnement , la technologie et l' exportation . Granberg ( 1993 ) a calculé l' interdépendance existant entre Républiques de l' URSS . Il apparaît que , si les liens économiques avec les autres Républiques avaient été coupés à la fin des années 80 , le Kazakhstan et les autres Républiques d' Asie centrale auraient tout juste produit le quart de leur produit national . La part de la Russie était prépondérante puisque respectivement 42 , 5 % et 36 , 3 % du produit national du Kazakhstan et des autres Républiques d' Asie centrale étaient le fait de la Russie . L' Asie centrale ne pouvait se passer économiquement de la Russie . des économies enclavées L' héritage soviétique a produit des effets très importants dans la phase de transformation post-socialiste dans la dernière décennie . 2 . Les difficultés actuelles de la stabilisation macroéconomique Les exportations des pays de la région vers les autres Républiques d' URSS représentaient au minimum 90 % du total des exportations et 85 % des importations avec des records pour le Turkménistan ( avec 92 % pour les exportations ) . Malgré les spécificités de chaque pays , la transition peut être caractérisée par plusieurs étapes : baisse très importante des agrégats de production entre 1990 et 1992 ; éclatement de la zone rouble à l' automne 1993 ; hyperinflation au cours des années 1993 - 1994 ; reprise de la croissance en 1995 - 1996 ; impact de la crise russe ( 1998 - 1999 ) . Sur la décennie , le PIB a baissé en moyenne d' un tiers pour les Républiques de la CEI , le Kazakhstan ayant accusé une baisse de 30 % mais la chute étant de près de 50 % pour le Turkménistan . Encore aujourd'hui , la stabilisation macroéconomique est difficile . Ces pays sont confrontés à un déficit chronique de la balance commerciale . Dans un contexte d' érosion des ressources fiscales très rapide , l' endettement est structurellement croissant . L' endettement concerne aujourd'hui tous les pays de la région ( cf. tableau 1 ) . Les économies de la région peinent à sortir de l' héritage économique soviétique et sont , de plus en plus , en voie de tiers-mondisation . C ) Le handicap économique : des économies en voie de tiers-mondisation 1 ) La paupérisation de l' Etat et des populations A cause de la récession transitionnelle et l' érosion des recettes , la marge de manoeuvre des autorités économiques s' est réduite graduellement . Il est symptomatique de constater que l' illettrisme a notablement progressé dans la dernière décennie . C' est d' ailleurs la seule région au monde qui s' est trouvée dans ce cas . La scolarisation dans les écoles primaires est ainsi en baisse sensible . Alors que ce pourcentage était proche de 100 % durant l' époque soviétique , il est proche de 80 % aujourd'hui en Asie centrale selon l' UNICEF . Malgré les investissements du centre en périphérie au sein de l' URSS , l' Asie centrale était la région la plus pauvre de l' Union . Alors que le pourcentage de pauvres était en moyenne de 12 , 5 % au sein de l' URSS , cette moyenne était pour les cinq pays d' Asie centrale de 45 % . L' inégalité et la pauvreté étaient ainsi présentes en Asie centrale du temps de l' URSS , ces tendances ont été renforcées dans la dernière décennie . Hormis les deux grandes puissances régionales , Russie et Iran , tous les pays de la région sont des pays à faible revenu , si ce n' est le Kazakhstan qui est à revenu moyen ( cf. tableau 2 ) . La hausse de la démographie contribue encore au renforcement de la pauvreté . Hormis le cas du Kazakhstan et de l' Arménie , les pays de la région ont connu une expansion démographique très importante , atteignant presque 2 % par an dans le cas du Turkménistan et de l' Ouzbékistan . Les populations de la région sont ainsi de plus en plus jeunes et avec des ressources limitées . Aussi , l' économie parallèle , pour ne pas dire , criminelle , se développe . Même si la production de drogue en Asie centrale reste assez faible , limitée au Tadjikistan ( vallée de Pendjikent ) et à l' Est du Turkménistan pour l' opium et les régions d' Issyk-Koul et du sud-Kazakhstan pour le cannabis , la région est devenue la principale région de transit de l' opium afghan . Il a été estimé que de 30 à 50 % de l' activité économique au Tadjikistan est liée à la production ou au commerce de drogue . Ce commerce pourrait être plus ou moins institutionnalisé si on se reporte aux scandales des dernières années impliquant des gardes-frontières russes , des officiels en charge de la lutte contre le trafic de drogue voire même d' officiels proches du Président turkmène , S. Niyazov . Avec les problèmes d' autorité rencontrés par l' Etat et la pauvreté croissante des populations , la criminalisation des économies se renforce avec la multiplication des trafics ( contrebandes , drogue ) dans des régions fragilisées comme le Tadjikistan , le sud Kirghizstan ou la Géorgie . 2 . Une dépendance accrue vis-à-vis de l' extérieur Les économies de la région sont ainsi devenues de plus en plus dépendantes de l' aide et de l' investissement étrangers . L' IDE ( investissement direct étranger ) est nécessaire pour mettre en valeur les ressources de la région . Pourtant , il reste encore très faible . Parmi les pays en transition , l' Asie centrale est le parent pauvre du point de vue de l' IDE . La BERD a calculé , sur la période 1989 - 1999 , que l' IDE par habitant avait été de 668 dollars pour les pays d' Europe centrale et orientale . Pour les pays de la CEI , ce ratio était près de cinq fois inférieur , s' élevant à 140 dollars . Si on excepte le Kazakhstan qui a attiré près de 80 % de l' IDE en Asie centrale , l' IDE est inférieur à 50 dollars par habitant . Malgré les hydrocarbures et les métaux , l' Asie centrale n' a reçu que 0 , 3 % des IDE investis dans le monde sur la période 1998 - 2000 . Ce chiffre était nul dix ans plus tôt mais seuls les pays en développement du Pacifique sud ont attiré moins de capitaux que les pays d' Asie centrale sur cette période de trois années . L' investissement est faible . Les pays de la région ont ainsi recours à l' endettement extérieur . L' endettement total des pays du Caucase méridional et d' Asie centrale a dépassé les 25 milliards de dollars , ce qui représente en moyenne plus de 60 % du PIB de cette région ( voir tableau ) . Plus que le chiffre , c' est le rythme d' accroissement qui est inquiétant . En effet , partis sans dette en 1992 , ces Etats ont eu recours massivement à l' endettement à tel point que des pays de la région font déjà partie des pays les plus endettés au monde dix ans après l' indépendance , à l' instar du Kirghizstan et du Tadjikistan . La majorité des pays Africains ont été confrontés à ces mêmes problèmes dans les années 80 , à savoir trois décennies après l' indépendance . Tous les Etats du flanc sud de la Russie ont été confrontés aux mêmes phénomènes macroéconomiques . Les économies riches en hydrocarbures de la région , Azerbaïdjan , Kazakhstan et Turkménistan , deviennent ainsi de plus en plus des économies de rente . Le commerce des pays de la région se rapproche de plus en plus d' un pays en développement : ils exportent des matières premières et importent des biens à forte densité technologique . Ainsi , la part du coton et de l' or dans les exportations totales de l' Ouzbékistan est de 60 % , les métaux et le pétrole représentent 45 % des exportations totales du Kazakhstan et le gaz et pétrole , 50 % des exportations totales du Turkménistan . 3 . Des économies de rente : Les dernières études empiriques montrent que , depuis la fin de la seconde guerre mondiale , les pays avec d' importantes ressources naturelles ont connu des taux de croissance plus faibles que ceux qui n' en avaient pas . " La malédiction des ressources naturelles " est la règle et non l' exception . Comme le remarquent Sachs et Warner ( 2001 ) , aucune explication théorique de ce phénomène n' est pour lors reconnue universellement . Plusieurs canaux de transmission de cette relation négative entre ressources naturelles et croissance ont été avancés : ( 1 ) un faible investissement dans l' éducation ( 2 ) un comportement rentier de la part des dirigeants de ces pays ( 3 ) une confiance excessive dans l' avenir qui conduit à l' adoption de politiques économiques inappropriées ( 4 ) la théorie de la maladie hollandaise . Il est important de savoir si les pays du bassin Caspien semblent ou non échapper à la malédiction des ressources naturelles en étudiant la situation dans laquelle sont ces Etats pour ces différentes questions . Les pays du bassin Caspien sont , de toute façon , extrêmement dépendants des hydrocarbures comme le montre le tableau 3 . D' après Gylfason ( 2001 ) , un pays est moins enclin à investir dans le capital humain ( l' éducation ) lorsqu' il possède des revenus confortables tirés des ressources naturelles . Empiriquement , cette corrélation négative est vérifiée . Dans le cas des pays du bassin Caspien , il y a bien investissement plus faible dans l' éducation mais ce mouvement est général dans les pays de la CEI depuis l' indépendance . Cette baisse serait même moins faible pour l' Azerbaïdjan et le Kazakhstan ( mais plus forte pour le Turkménistan ) , cf. tableau 4 . En revanche , on peut redouter de plus en plus le comportement rentier de la part des dirigeants des pays du bassin Caspien . Ainsi , l' Azerbaïdjan et le Kazakhstan se sont dotés de fonds pétrole qui réunissent tout ou partie des revenus liés aux exportations d' hydrocarbures . Dans ce contexte de nécessité de commercialiser les ressources naturelles pour faire face aux problèmes de financement , l' exploitation des hydrocarbures revêt une importance capitale pour ces économies . En outre , dans ce dernier , ce fonds est extra-budgétaire ayant pour conséquence de siphonner une bonne partie du budget azéri accroissant ainsi l' opacité dans la gestion budgétaire . La confiance excessive dans l' avenir est présente dans les discours officiels puisque ces Etats se sont proclamés " Koweït de l' Asie centrale " comme l' Azerbaïdjan et le Turkménistan . Pourtant , on en peut nullement les comparer à un pays du Moyen-Orient . Comme démontré dans la seconde partie , cette confiance a sûrement conduit le Turkménistan à l' adoption d' une politique économique vouée à l' échec . L' une des questions récurrentes à propos de ces économies concerne la maladie ou plutôt le syndrome hollandais ( dutch disease ) . Ces pays connaissent -ils aujourd'hui ce syndrome ? Rosenberg et Saavalainen ( 1998 ) ont montré qu' une adaptation aux économies en transition était nécessaire pour appliquer les modèles de base de cette théorie . Les principaux symptômes de ce syndrome sont l' appréciation excessive du taux de change réel ( overshooting ) après la découverte massive d' hydrocarbures , un déséquilibre croissant des comptes courants et surtout une croissance sectorielle déséquilibrée . Dans le cas des économies en transition , le taux de change réel est considéré comme sous-évalué à l' équilibre . Le phénomène d' overshooting et ses conséquences sur l' économie réelle ( perte de compétitivité internationale et déséquilibre des comptes courants , inflation par exemple ... ) est donc plus limité . En outre , l' arrivée de capitaux est normale dans le cas des pays en transition , voire nécessaire , s' il est provoqué par des investisseurs étrangers qui renforcent la capacité productive du pays ( dans le pétrole , le raffinage ou autre secteur productif à moyenne ou forte densité technologique , par exemple ) . Le principal souci , pour ces économies , concerne le déséquilibre de la croissance . D' après la théorie , on doit assister à un accroissement du secteur des biens non-échangeables ( services ) ainsi que celui du secteur extractif au détriment des biens échangeables ( manufacturier et agricole ) . Avec l' appréciation du taux de change réel , la conséquence est la perte de compétitivité du secteur des biens échangeables hors pétrole et , à terme , une hypertrophie du secteur des hydrocarbures . Or , c' est ce qui se passe aujourd'hui dans la région . Ainsi , en Azerbaïdjan , c' est le secteur pétrolier et gazier qui a connu la plus faible baisse de sa production ( - 15 % entre 1992 et 1999 ) . En revanche , tous les autres pans de l' économie ont connu des baisses catastrophiques : - 68 % pour la chimie et la pétrochimie , - 71 % pour la production cotonnière , - 84 % pour l' industrie agroalimentaire , - 90 % pour l' industrie légère et même - 93 % pour la métallurgie . Le secteur pétrolier en Azerbaïdjan se développe en marge du reste de l' économie . Enfin , la manne pétrolière et gazière permet de faire perdurer le système de contrainte budgétaire molle en subventionnant des entreprises dans les secteurs hors pétrole et gaz et ainsi maintient les dysfonctionnements des entreprises ainsi que les phénomènes de gaspillage . La société pétrolière nationale azérie facture à ses clients un prix trois à quatre fois inférieur aux prix mondiaux . Avec les arriérés de paiement , on estime ainsi à 14 % du PIB azéri qui est versé aux entreprises sous forme de subventions indirectes en énergie . Aussi , il n' est pas étonnant de constater encore aujourd'hui que l' intensité énergétique est très forte dans les pays du bassin Caspien . L' Azerbaïdjan et surtout le Turkménistan ( ainsi que l' Ukraine et l' Ouzbékistan ) sont les pays au monde qui produisent le moins rapportés à un kilogramme d' équivalent pétrole d' après une étude de la Banque Mondiale . En effet , en 1997 , seulement 1 , 33 dollar étaient produits avec 1 kilogramme d' équivalent pétrole d' énergie consommée en Azerbaïdjan et ce chiffre n' était que de 0 , 98 pour le Turkménistan . En outre , en 1989 , ce chiffre était supérieur ( 1 , 39 dollar ) pour l' Azerbaïdjan , c' est à dire que l' on produisait plus avec la même quantité d' énergie consommée . Bien évidemment , dans les pays voisins , pauvres en ressources , l' énergie consommée est bien mieux utilisée . En Arménie , ce ratio était de 4 , 3 en 1997 et 7 , 7 en Géorgie , c' est à dire qu' on produisait près de 6 fois plus avec la même quantité d' énergie . Même si le modèle théorique de dutch disease ne s' applique pas in extenso dans le bassin Caspien , des symptômes apparaissent déjà tels que croissance sectorielle déséquilibrée . Les pays du bassin Caspien cumulent des handicaps liés à l' histoire ( avec la sortie du système économique soviétique ) , à la géographie ( avec l' enclavement ) et à la fatalité économique ( avec la sortie du sous-développement ) . Face à ces multiples défis , les Etats ont essayé de répondre de différentes manières . Mais , dans les deux cas , contrairement aux recommandations des organisations internationales , ces fonds sont placés sous l' autorité du président avec un droit de regard limité pour le parlement , voire nul dans le cas de l' Azerbaïdjan . Les politiques économiques menées dans la dernière décennie par le Kazakhstan et l' Azerbaïdjan , d' une part et par l' Ouzbékistan et le Turkménistan , d' autre part ont été diamétralement opposées . Pourtant , dix ans après l' indépendance , les résultats des deux voies sont mitigés . Plus que des choix voulus par les autorités en place , ils apparaissent plus comme des options imposées par les conditions économiques initiales dans lesquelles se trouvaient les Etats de la région . A ) La multiplicité des trajectoires 1 . Deux grandes approches : l' ouverture ou la substitution aux importations . Deux grandes approches de politique économique s' affrontent sur le flanc sud de la Russie . La première rassemble la majorité des Etats de la région . Il fut conforme aux souhaits de la communauté internationale avec une ouverture commerciale et du marché des taux de change avec la convertibilité de la monnaie nationale , un effort de privatisation des moyens de production pour attirer les capitaux étrangers . Le Kazakhstan et surtout l' Azerbaïdjan ont suivi très tôt cette voie . Tous les pays de la région sont , plus ou moins , se dirigent dans cette même direction . La seconde approche regroupe l' Ouzbékistan et le Turkménistan . Dans ce dernier pays , cette politique est menée à son paroxysme . Ces deux Etats s' appuient sur un modèle de développement autocentré avec une substitution des importations . L' économie reste très réglementée avec une absence d' ouverture commerciale et du marché des changes . Dans ces deux pays perdure l' Etat producteur . Ce système repose sur un taux de change artificiel surévalué qui facilite l' importation de machines ou de biens nécessaires à l' industrialisation du pays . Mais cette politique a un coût élevé qui explique les problèmes actuels de financement de ces pays . Par le biais de la surévaluation du taux de change officiel , un mécanisme d' incitation à l' importation a été mis en place au détriment des exportations . Le FMI a ainsi calculé que le transfert des exportateurs vers les importateurs était équivalent à 16 % du PIB . Les trois piliers de ce système sont la distorsion de prix , la ponction sur le secteur agricole ( notamment sur celui du coton ) et le mécanisme de redistribution au profit de secteurs classés comme stratégiques par le régime . Il est indispensable que le coton soit acheté aux producteurs à un prix inférieur aux prix mondiaux . Le profit engrangé par l' Etat ouzbek , par exemple , permet ainsi l' investissement industriel . En 1996 , le prix d' achat imposé aux producteurs ( qui s' impose à tout producteur ) était inférieur de 30 % aux prix mondiaux . Ce système se développe également au Turkménistan au détriment de l' agriculture et plus particulièrement des petits producteurs . Le FMI a calculé que l' Etat turkmène achète ( au taux de change officiel ) le coton et le blé entre 50 et 60 % des prix mondiaux , ce qui représente annuellement un transfert de l' agriculture au profit du reste de l' économie équivalent à 15 % du PIB . 2 . Des fortunes différentes En analysant le tableau sur la performance de la production entre 1989 et 1998 , il apparaît clairement que c' est l' Ouzbékistan qui sort vainqueur de cette confrontation avec le Kazakhstan et l' Azerbaïdjan . En effet , la baisse de la production cumulée n' a pas dépassé 15 % alors que la moyenne pour les douze pays de la CEI s' est établie à plus de 50 % sur la même période . Néanmoins , il serait réducteur de vouloir sacrifier le modèle d' ouverture prôné par les organisations internationales dans la région . En effet , le Turkménistan a connu des résultats bien plus mauvais que le Kazakhstan en pratiquant la politique inverse . Plus que la politique économique , c' est la structure même de l' économie à l' indépendance qui a largement conditionné le choix des politiques économiques suivies au cours de la dernière décennie . B ) L' importance décisive des conditions initiales 1 . L' importance de la politique économique Sans nul doute , les options de politique économique choisies ont eu un impact sur les dix années de transition . En effet , la non-ouverture de l' économie ouzbek et la subvention de nombreux combinats par différents biais comme les arriérés interentreprises ou le financement grâce à des banques publiques ont limité la baisse du PIB . La production est ainsi restée artificiellement élevée dans certaines entreprises . De même , les politiques kazakhe et azéries ont provoqué une paupérisation des populations d' autant que l' Etat joue de moins en moins le rôle de garant des politiques sociales . La politique économique est , pour une certaine part , responsable de la baisse des revenus et de la hausse du chômage . Néanmoins , elle a permis une reprise plus forte de la croissance dans la seconde moitié des années 90 . Alors que le Turkménistan et l' Ouzbékistan sont encore confrontés à des problèmes structurels de stabilisation macroéconomique , le coeur du problème au Kazakhstan et en Azerbaïdjan est désormais la gouvernance économique et la gestion de la rente . Ainsi , malgré l' importance des politiques , il semble que des raisons plus profondes expliquent les différences de trajectoires macroéconomiques dans les pays de la région . 2 . Pourtant la trajectoire macroéconomique résulte principalement des conditions initiales Plus qu' un choix , c' était un devoir pour le Kazakhstan et l' Azerbaïdjan d' ouvrir leurs économies . En effet , ces deux pays avaient cruellement besoin de capitaux . La capacité de financement domestique étant trop limitée , un système autarcique était impossible dans ces deux pays . Ils avaient besoin de capitaux pour reconvertir l' appareil de production et développer l' exploitation des hydrocarbures ou développer la production métallurgique . Le Kazakhstan a toujours été une économie fondée sur les industries extractives . Ainsi , en 1990 , plus des deux tiers de la production industrielle kazakh provenait de ces industries . En revanche , l' Ouzbékistan , est un pays agricole spécialisé dans l' industrie cotonnière . Ainsi , les industries extractives ne représentaient que 12 % de la production industrielle en 1990 . C' était aussi le pays le moins industrialisé de tous les pays de l' ex-bloc de l' Est . Grâce à ses ressources , ce pays avait la possibilité de devenir rapidement autosuffisant dans les domaines énergétique et alimentaire . Enfin , la garantie de posséder des revenus à l' exportation importants du fait du coton et de l' or ( 3 à 4 milliards de dollars annuels ) pouvait permettre à l' Ouzbékistan de mener une politique de substitution aux importations . Le Turkménistan s' est , quant à lui trompé de choix de politique . En effet , ce pays n' a pas les ressources suffisantes pour mener une politique de développement autocentré . L' autosuffisance alimentaire est quasiment impossible étant donné la croissance démographique et les facteurs climatiques ( son territoire est constitué à 85 % de désert ) si ce n' est au prix de graves dommages à l' environnement . Conséquemment , les politiques d' investissement et de construction publiques se font au détriment des cultures commercialisables comme le coton et en ayant recours massivement à l' endettement extérieur . La pérennité d' un tel système est ainsi en cause d' autant que la principale hypothèque réside dans la volatilité des revenus . En effet , encore aujourd'hui , ce pays est totalement dépendant de la de la Russie pour ses exportations de gaz qui représentent 80 % des exportations . Nonobstant les conditions initiales très différentes et les politiques économiques diamétralement opposées , les caractéristiques économiques des Etats de la région restent assez proches . Ceci s' explique par une rémanence du système économique soviétique encore aujourd'hui . La sortie totale du système n' a pas encore eu lieu et , sur de nombreux points , les économies de la région fonctionnent encore sensiblement de la même manière . 3 . Le système économique soviétique reste très présent dans le bassin Caspien Même parmi les pays de l' ex-URSS , les Etats du bassin Caspien sont en retard dans les réformes structurelles . Ainsi , aussi bien le Kazakhstan que l' Azerbaïdjan ou le Turkménistan possédaient des indices cumulés de libéralisation économique inférieurs aux pays de la CEI . De nombreuses caractéristiques héritées de la période soviétique ont perduré . A . Un fonctionnement soviétique de l' économie : la subordination de l' économique au politique Qu' on parle de jouzisme , de tribalisme ou de népotisme selon les Etats , la réalité reste peu différente . L' économie est subordonnée à la politique dans la région . Or , la pratique politique est , elle-même , le produit de plusieurs influences . 1 . Les interactions actuelles entre société , pouvoir et économie , résultat de nombreux héritages . Les sociétés centre-asiatiques se sont forgées au contact de nombreuses influences extérieures . Ces différents emprunts ont contribué , d' une manière générale , à la constitution d' un pouvoir fort , voire autocratique , ayant une mainmise sur tous les pans de la société y compris l' économie . Les présidents de la région ont repris une pratique autocratique du pouvoir . Ce qu' on appelle aujourd'hui la " mémoire de la démocratie " ( democracy memory ) est pour ainsi dire inexistante en Asie centrale . C' est pourtant un mythe relevé par Martha Brill Olcott ( 2001 ) que de penser que seuls les présidents dirigeant avec une main de fer peuvent se maintenir au pouvoir dans la région . Bien évidemment , le pouvoir préfère se référer à la pratique autocratique mongole ou aux khanats de la période pré-soviétique pour diriger sans compromis aujourd'hui . Pourtant , comme l' explique Olcott , la majorité des élites urbaines ( notamment dans les capitales ) voudraient une solution plus démocratique . Mais ces Etats sont majoritairement ruraux et , même au sein des villes , la mentalité est empruntée de cette conscience héritée des campagnes . Or , dans la majorité des campagnes centre-asiatiques , la conscience politique est très faible et la majorité des populations de la région considèrent que le pouvoir en place doit être symbolisé par un homme fort . Dans ces conditions , la société comme l' économie doivent être au service du pouvoir . Lié à cette conscience politique dans les campagnes , on peut se référer à l' influence du milieu naturel . A ce propos , la thèse de Wittfogel ( 1977 ) sur l' Etat hydraulique semble très pertinente en Asie centrale . D' après lui , l' économie hydraulique qui a pour but l' irrigation et le contrôle des eaux est nécessairement politique . Pour développer efficacement l' agriculture , elle requiert une forte hiérarchisation et une grande coopération entre les individus . Cette dernière développant ainsi un fort communautarisme . Dans ces conditions , " le caractère despotique du gouvernement hydraulique n' est pas sérieusement contesté " . Dans l' économie hydraulique , existerait même " une tendance cumulative au pouvoir incontrôlé " . C' est d' autant plus pertinent pour l' Asie centrale que le Turkménistan , l' Ouzbékistan ou le sud du Kazakhstan sont des pays d' oasis . Dans la région , l' eau a joué un rôle capital dans le développement des villes , régions et puis des Etats . En suivant le raisonnement de Wittfogel ( 1977 ) , on peut mieux comprendre pourquoi un pouvoir autocratique s' est développé dans la région . Cette influence de l' Etat hydraulique est probablement lointaine . Néanmoins , elle induisait une certaine pratique autocratique du pouvoir et une subordination de l' économique au politique . C' est exactement ce que le système soviétique a promu en Asie centrale et dans le Caucase méridional . Et c' est cette influence , qui s' appuie probablement sur de nombreux héritages , qui reste très vivace . Du temps de l' URSS , la culture , l' économie et tous les pans de la société devaient être , coûte que coûte , au service de l' idéal politique qui était la construction du premier Etat communiste de l' histoire . Bien évidemment , ce système politico-économique a eu des conséquences fâcheuses sur l' économie qui restent présentes même dans les entreprises . Par exemple , l' absence de responsabilisation des salariés dans les entreprises est largement héritée de cette époque . Le problème de la compétence au sommet de l' entreprise est un problème économique récurrent dans la région . 2 . Aujourd'hui , il apparaît que les trajectoires économiques se sont révélées bien différentes dans le bassin Caspien Ceci a des conséquences très importantes sur le fonctionnement actuel de ces économies . Cet effet pourrait même encore se renforcer si on se réfère aux phénomènes apparus dans les Etats riches en hydrocarbures . 2 . L' apparition de la maladie politique hollandaise dans le bassin Caspien Empiriquement , il a été montré qu' un afflux soudain de ressources financières lié à l' exploitation de matières premières renforce l' inégalité de revenus . Lam et Wantchekon ( 2000 ) ont essayé de démontrer quel était l' impact de cet afflux financier sur la gestion politique d' un pays . Dans ce cas , apparaît ce qu' ils ont appelé un phénomène de " political dutch disease " ou de maladie hollandaise politique . L' abondance des ressources provoque directement et indirectement une plus grande inégalité de revenus . L' effet direct s' explique par l' enrichissement de l' élite au pouvoir , l' effet indirect induit un appauvrissement de la population à cause des phénomènes de maladie hollandaise . En étant responsable de la distribution de la rente , l' élite au pouvoir consolide son pouvoir car elle peut créer des groupes de pression de poids à peu près égal mais concurrents et ainsi diviser pour mieux régner . Ainsi , si cette théorie était validée dans la Caspienne , le pouvoir des Présidents Aliev , Nazarbaev et Niyazov ne seraient pas véritablement menacés pour peu qu' ils sachent redistribuer une partie de leurs revenus à une partie de l' oligarchie dirigeante . Le type d' exploitation des hydrocarbures est intimement lié à la situation politique comme le montrent Luong et Weinthal ( 2001 ) dans le cas des pays du bassin Caspien . En effet , elles expliquent que les stratégies de développement des hydrocarbures sont fonction de deux éléments : la possibilité ou non de se procurer des ressources alternatives à l' exploitation des hydrocarbures et le niveau de la contestation politique . Ainsi , en Ouzbékistan et au Turkménistan , l' agriculture ( et notamment le coton ) fournit d' importants revenus aux budgets nationaux si bien que le pouvoir a préféré un engagement assez limité des entreprises étrangères et conserver aux mains de l' Etat le secteur pétrolier et gazier pour pérenniser le statu quo hérité de la période soviétique . L' Azerbaïdjan a hérité , à l' indépendance , d' un appareil économique dépendant économiquement des hydrocarbures et avec des ressources nationales de financement faibles . Aussi , a -t-elle dû faire appel aux entreprises étrangères tout en conservant la mainmise sur ce secteur en maintenant dans le secteur public la compagnie pétrolière nationale . En Russie , la privatisation du secteur a été " nationale " avec une faible participation étrangère pour accéder aux demandes des barons locaux et a , en conséquence , limité la contestation politique . Enfin , le Kazakhstan avait crucialement besoin de l' exploitation des hydrocarbures car ne possédant pas de source alternative de revenus sans investissement massif . Aussi , ce pays a eu recours à la participation importante des entreprises étrangères . Comme la contestation politique a toujours été assez forte dans ce pays , Astana est allé plus loin en privatisant une partie du secteur pour faire rejeter la responsabilité sociale de la crise économique sur les entreprises étrangères . Tous ces points sont résumés dans le tableau 6 . Plusieurs influences expliquent ainsi l' absence de frontière claire entre pouvoir politique et économie . La gestion de la rente est corrélée à la force des institutions . Karl ( 2000 ) explique qu' au regard des expériences au Moyen-Orient et en Amérique latine que de véritables institutions politiques et sociales aient été mises en place avant que le boom pétrolier n' intervienne . On peut douter de l' efficacité économique des institutions politiques aujourd'hui dans le bassin Caspien . Von Hirschhausen et Waelde ( 2001 ) décrivent l' Etat dans les économies du bassin Caspien comme étant " autocratique , dominé par des structures de clan ... , ( pays ) où il n' existe pas de séparation entre Etat et économie " . L' Etat est devenu source de profit car le secteur privé reste assez faible et vulnérable lorsqu' il n' est pas lié au pouvoir . Il existe aujourd'hui une rémanence du dirigisme étatique . Même le pays où le secteur avait été le plus ouvert , le Kazakhstan , procède à une certaine reprise en main avec la constitution d' un monopole d' Etat , Kazmounaïgaz , au printemps 2002 . Reviennent également régulièrement des déclarations d' officiels pour remettre en cause les contrats déjà signés avec les entreprises étrangères . Dans la région , l' Etat est de plus en plus discrédité par le secteur privé . Parmi vingt pays en transition étudiés en 2001 , l' Azerbaïdjan était le pays où l' indice de capture de l' Etat était le plus élevé , c' est dire que les entreprises interrogées percevaient une corruption de l' Etat à tous les échelons . Le problème crucial aujourd'hui reste celui de la gestion de la rente . En 2000 , sur 90 pays étudiés par Transparency International pour connaître la perception de la corruption , le Kazakhstan était 66ème , la Russie 83ème et l' Azerbaïdjan 87ème . Conséquemment , il apparaît que les stratégies de développement des hydrocarbures sont liées à des conditions économiques mais surtout à la situation politique . Dans tous les pays de la région , le pouvoir politique a désormais la mainmise sur le secteur pétrolier . En Azerbaïdjan , le fils du président , Ilham Aliev , est vice-président de la compagnie pétrolière nationale et au Kazakhstan , le second gendre du président , Timour Koulibaev , est vice-président de la compagnie pétrolière et gazière nationale , Kazmounaïgaz . Comme dans le système soviétique , l' économie , notamment avec le secteur pétrolier et gazier , est subordonnée au pouvoir politique . Mais le système économique soviétique reste présent notamment dans le fonctionnement même de ces jeunes économies . B . Le fonctionnement des économies du bassin reste très soviétique Bien évidemment , avec la désintégration de l' URSS , les économies du flanc sud de la Russie ont entamé une série d' évolutions capitales . Pourtant , derrière certains chiffres se cache une réalité un peu différente mettant en exergue la perpétuation de l' ancien système économique . 1 ) malgré la désintégration commerciale , la Russie reste le principal partenaire économique dans la région . Il est vrai que le commerce entre ex-Républiques de l' URSS a fait une chute sans précédente puisque pour les pays d' Asie centrale , il est passé d' environ 90 % à 30 % en moyenne . Pourtant , les ex-Républiques , notamment la Russie , sont encore des partenaires commerciaux privilégiés . Le commerce avec la Russie représente encore plus du quart du commerce total ( et plus de 40 % des importations ) . Le commerce avec la Russie a décliné dans la mesure où ces Etats riches en hydrocarbures n' exportent pas d' hydrocarbures vers la Russie , elle-même productrice . Ainsi , c' est la part des autres pays d' ex-URSS qui reste assez importante : le Turkménistan commerce ainsi à près de 30 % avec les autres ex-Républiques ( hors Russie ) et l' Azerbaïdjan à plus de 10 % . Des pays comme l' Ukraine sont ainsi devenus des partenaires incontournables de ces pays producteurs de pétrole et de gaz . Le désenclavement avec le flanc sud , symbolisé par l' Iran , reste encore assez hypothétique . Pour Téhéran , le commerce avec toutes les ex-Républiques de l' URSS ( hors Russie ) représente moins de 3 % de son commerce total . Même le Turkménistan , qui possède près de 1000 kilomètres de frontière avec l' Iran , ne commerce que faiblement avec son voisin du sud ( 11 % du commerce total ) . En 2002 , ces pays sont respectivement 88ème , 74ème et 95ème sur 102 pays étudiés , c' est dire que la situation s' est améliorée sensiblement en Russie mais s' est détériorée au Kazakhstan et reste catastrophique en Azerbaïdjan . Derrière les chiffres , perdurent certaines dépendances économiques vis-à-vis de Russie . Ainsi , le Kazakhstan et le Turkménistan sont , pour lors , quasiment exclusivement dépendants de la de la Russie pour l' exportation de leurs hydrocarbures . Moscou possède ainsi un moyen de pression très fort . Ainsi , suite au différend opposant l' Etat turkmène à la société Gazprom à propos du montant des droits de transit pour l' utilisation du gazoduc de la société russe , le PNB turkmène avait chuté de 25 % en 1997 . L' Azerbaïdjan est , dans une même situation inconfortable , vis-à-vis de Russie concernant la situation énergétique intérieure , tout comme le Kazakhstan . La production gazière est , aujourd'hui exclusivement consacrée à la consommation intérieure . En revanche , les exportations de pétrole sont en constante augmentation . C' est principalement du pétrole brut qui est exporté . Le niveau actuel des cours de pétrole brut rend attractive cette option pour les Azéris . En outre , le raffinage a considérablement chuté depuis 1992 . En théorie , la capacité de traitement est de 20 millions de tonnes , mais certains experts l' estiment plutôt à 14 millions et la production de produits raffinés n' a été que de 8 millions en 2000 . Certaines régions sont ainsi confrontées à des problèmes de pénuries d' énergie , principalement dans les régions rurales . L' Azerbaïdjan doit donc se résoudre chaque année à importer du gaz de Russie depuis 2000 pour ne pas connaître à nouveau la grave crise énergétique qu' il avait traversée à l' hiver 1999 - 2000 . La société pétrolière nationale a alors signé , à l' hiver 2000 , deux accords de livraison de gaz , l' un avec le duo de sociétés russe Itera et allemande Debis et l' autre avec la société russe Transnaphta . En 2002 , Itera a livré près de 4 milliards de mètre cube de gaz . Ainsi , malgré la chute des relations commerciales , la Russie reste extrêmement présente dans le domaine économique sur son flanc sud . 2 ) Le tissu économique reste imprégné du système économique soviétique Le tissu économique , dans les pays d' Asie centrale et du Caucase méridional , reste empreint du système économique antérieur de par la gestion , les pratiques etc. Les entreprises de la région restent liées aux anciens réseaux fournisseurs et clients . A titre d' exemple , les anciennes pratiques commerciales , comme le troc ou les échanges de compensation , survivent . L' imbrication des économies est illustrée par le secteur crucial de l' électricité au Nord du Kazakhstan . Ainsi , les compagnies russes d' électricité conservent des positions fortes dans cette région à cause d' arriérés croissants dans le domaine de l' énergie . Dès 1996 , Sverdlovskenergo ( filiale du monopole Electricité de Russie ) avait acquis deux mines de charbon ( Severnyi et Bogatyr ) dans le bassin d' Ekibastouz ( région de Pavlodar , Nord Kazakhstan ) pour mettre fin aux arriérés de paiement liés aux fournitures d' électricité vers cette région . Un second pas a été franchi en septembre 2000 lorsque ces deux mines ont été intégrées dans une nouvelle société dénommée Uraltek . Le charbon extrait est ainsi convoyé en Russie pour servir de combustible à quatre centrales thermiques russes . En janvier 2000 , les Kazakh avaient annoncé qu' ils allaient se lancer dans la construction d' une voie de chemin de fer entre la région de Pavlodar et la région russe d' Omsk pour réduire les coûts de transport du charbon kazakh . Electricité de Russie continue une politique où le Nord du Kazakhstan est totalement intégré au réseau sud-sibérien . Ainsi , le monopole russe a acquis , en avril 2000 , la moitié des actions de la grande centrale thermique du Nord du pays ( Ekibastouz- 2 ) . Cette prise de participation a été le fruit d' un accord intergouvernemental signé en janvier 2000 à Moscou . Cela a mis fin à un différend concernant la dette énergétique du Kazakhstan vis-à-vis de son voisin du nord . Le système soviétique est ainsi toujours présent . Joomart Otorbaev , vice-premier ministre kirghize le déclarait dernièrement : " Il y a encore beaucoup de soviétique en nous , la mentalité et les méthodes pour la prise de décision ... le système soviétique de gestion qui a été enterré avec l' Union soviétique est encore avec nous " . Cette déclaration est d' autant plus intéressante qu' Otorbaev semble être l' archétype de l' élite centre-asiatique " occidentalisée " . Parlant couramment anglais , ayant enseigné aux Etats-Unis , il fut représentant de Philips pendant de nombreuses années . Même si les apparences semblent contraires , le système soviétique est loin d' avoir disparu en Asie centrale et dans le Caucase méridional . Conclusion Azerbaïdjan , Kazakhstan et Turkménistan sont confrontés à des défis économiques communs tels que l' enclavement , la transformation post-socialiste ou encore tout simplement le sous-développement . Pourtant , des deux côtés de la mer Caspienne , les politiques économiques menées ont été fort différentes . Malgré ces différences de choix , les trajectoires économiques de ces Etats restent assez semblables . Ces jeunes Etats restent encore bien empreints par le système économique soviétique qui a fondé leur modèle de développement pendant soixante-dix ans . La perspective la plus crédible de sortie pour ces Etats devrait vraisemblablement provenir de leurs richesses minérales . Encore faut -il éviter l' écueil des Etats rentiers . Ceci est le plus important défi auxquels sont confrontées ces nouvelles économies indépendantes . 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