_: Les Etats-Unis face à leur dépendance pétrolière PIERRE NOËL Centre français sur les États-Unis ( CFE ) à l' ifri Chercheur associé à l' IEPE ( université Pierre-Mendès-France , Grenoble ) noel.cfe@ifri.org Juin 2002 A paraître dans la série des Policy Papers du CFE ( ifri ) RESUME Après une décennie de grande discrétion , les questions énergétiques sont remontées sur le haut de l' agenda politique américain à l' occasion de la « crise » de 2000 - 2001 . Le rapport Cheney ( mai 2001 ) manifeste ce retour des préoccupations liées à l' énergie . La réduction de la « dépendance » énergétique des Etats-Unis y est affirmée comme un objectif prioritaire . Les évènements 11 septembre n' ont fait que renforcer la légitimité de l' appel à réduire la dépendance pétrolière du pays . L' essentiel des mesures préconisées par le rapport Cheney en matière pétrolière visent à stimuler l' offre intérieure . Cette étude entend montrer que les marges de manoeuvre de l' administration sont très faibles . On étudie d' abord l' évolution de la demande pétrolière américaine sur longue période , soulignant la forte baisse de l' intensité énergétique du PIB et la concentration de la demande sur les usages spécifiques ( notamment le transport ) , après 1973 . On souligne le caractère improbable d' une politique forte de maîtrise de la demande de carburants . On étudie ensuite le long processus de pénétration du pétrole importé sur le marché américain , à partir de la fin des années 1940 . On conclut que l' éviction de la production intérieure par les importations est déterminée par des facteurs économiques très puissants ( en particulier la différence de coût marginal de développement avec d' autres régions du monde ) . On s' intéresse enfin à la structure géographique des importations américaines , en particulier à la part du Moyen-Orient et au degré de régionalisation de l' approvisionnement . Les principales conclusions de cette étude sont ( 1 ) que le gouvernement américain n' est pas en mesure d' enrayer l' augmentation des importations pétrolières , ni en valeur absolue ni en valeur relative , et ( 2 ) qu' il n' est pas en mesure de contrôler le taux de « dépendance » à l' égard du Moyen-Orient . Le lien entre « dépendance pétrolière » et sécurité énergétique doit être relativisé . Le marché étant intégré mondialement , une « crise pétrolière » prend la forme d' une hausse de prix ressentie mondialement , et non d' une pénurie physique . Pour la même raison , les effets d' une baisse de la consommation ou d' une augmentation de la production intérieure sont dilués dans le marché pétrolier mondial . La variable clé n' est pas la « dépendance » pétrolière mais la concentration de l' offre mondiale et l' intensité pétrolière de l' économie américaine . Des années 1920 aux années 1970 , la politique pétrolière des Etats-Unis a été marquée par un système de contrôle et de limitation de la production intérieure et des importations . Cette politique , parfois justifiée ( abusivement ) par des considérations de sécurité , était destinée à soutenir un prix supérieur au prix de concurrence , bénéficiant essentiellement à l' industrie pétrolière « indépendante » et à quelques Etats producteurs ( dont le Texas et l' Oklahoma ) , mais aussi , indirectement , aux « majors » opérant à l' international . Cette politique augmentait dans des proportions très importantes le coût de l' approvisionnement pétrolier américain , et engendrait un important gaspillage économique . A partir du premier choc pétrolier , l' interventionnisme pétrolier fut destiné à limiter la hausse des prix plutôt qu' à prévenir leur baisse . Les politiques de protection des consommateurs et des raffineurs , qui culminèrent sous l' administration Carter , eurent des effets pervers de grande ampleur , stimulant les importations et générant des pénuries . Depuis 1981 , la politique pétrolière des Etats-Unis fait preuve d' une assez grande cohérence autour de trois axes : libéralisation , sécurisation , et construction du marché . Elle consiste à créer , par des politiques intérieures et extérieures , les conditions d' un recours massif et sûr au marché pétrolier mondial . Cette politique assure que l' approvisionnement du marché national se fait au meilleur coût , avec un corollaire : le taux de couverture de la demande par les importations est déterminé par les seules forces du marché . En dépit d' une rhétorique politique récurrente ( et bi-partisane ) , la réduction ou même la maîtrise de la « dépendance » n' est pas un élément structurant de la politique pétrolière américaine , au contraire . C' est donc bien la rationalité économique qui donne sa cohérence à cette politique , même si elle intègre des éléments de sécurisation et de construction du marché nécessitant une forte implication du gouvernement fédéral . INTRODUCTION En mai 2001 , un groupe de hauts responsables du gouvernement fédéral , présidé par le Vice-Président Richard Cheney , rendait public un rapport consacré à la politique énergétique des États-Unis . Ce document , que nous désignerons comme le " rapport Cheney " , présente un état des lieux de la situation énergétique du pays , dominé par une tonalité pessimiste voire alarmiste , suivi d' un certain nombre de propositions ou d' orientations pour l' action publique , susceptibles de remédier aux problèmes identifiés . Ce rapport peut être vu comme une manifestation éminente du retour des affaires énergétiques sur le devant de la scène politique outre-Atlantique , plus précisément des préoccupations de sécurité énergétique , après une décennie dominée par les débats environnementaux . La chute des prix du pétrole en 1998 , puis leur hausse brutale et leur maintien à un niveau élevé en 1999 , 2000 et sur la première moitié de 2001 , ont constitué le facteur déclenchant de ce regain d' intérêt . En 2000 , l' envolée des prix du gaz naturel sur le marché américain , puis les ruptures d' approvisionnement électrique en Californie , ont fait du discours sur la " crise énergétique " un aspect incontournable du débat politique américain . A la différence des épisodes précédents ( 1973 - 74 , 1979 - 80 , 1990 - 91 ) , la situation pétrolière ne constitue pas aujourd'hui l' unique motif d' inquiétude et de mobilisation . Elle en est toutefois une composante importante . La forte hausse des prix des carburants fut très largement interprétée comme le signe d' une crise structurelle , analysée en des termes identiques à ceux entendus dix ans plus tôt lors de la crise du Golfe : l' Amérique est trop " dépendante " de fournisseurs extérieurs , trop exposée à un marché mondial " instable " , ce qui induit une menace permanente sur sa " sécurité énergétique " , menace dont la crise récente ne serait que la dernière manifestation , en annonçant d' autres . Ce discours alarmiste s' est , depuis plusieurs mois , considérablement atténué , les prix des carburants et du gaz naturel étant revenus à leurs niveaux d' avant la " crise " . Toutefois , les attentats du 11 septembre , l' action militaire en Afghanistan , l' approfondissement de la crise israelo-palestinienne et la volonté affichée d' une action militaire contre l' Irak , ont contribué à alimenter le débat sur la " dépendance " pétrolière et la gestion des approvisionnements , notamment au Congrès . Cette étude prend prétexte de la " crise énergétique " de 2000 - 2001 , du rapport Cheney et du débat sur la " dépendance pétrolière " , pour présenter une réflexion critique sur la situation pétrolière des Etats-Unis , sa perception dans les milieux politiques américains , et les politiques publiques mises en oeuvre au cours des dernières décennies . La première section est consacrée à l' étude de l' approvisionnement pétrolier des Etats-Unis : évolution de la demande , de la production intérieure et des importations , de la structure géographique des approvisionnements extérieurs . L' approche choisie se veut didactique . On fait largement appel à des séries statistiques couvrant un demi siècle ( 1949 - 2000 ) , que l' on croise avec des analyses économiques afin de faire clairement ressortir les tendances lourdes de l' approvisionnement pétrolier des États-Unis , les grandes inflexions et leurs déterminants . On évoque , lorsque c' est utile , l' évolution de la situation pétrolière américaine d' ici 2020 , telle qu' elle ressort de certains exercices de prospective modélisée . L' objectif général est de fournir des éléments d' analyse permettant d' apprécier les marges de manoeuvre des politiques publiques en matière pétrolière . La principale conclusion de cette première section est qu' elles sont beaucoup très limitées . Dans la seconde section , on étudie le lien entre la structure de l' approvisionnement pétrolier ( part des importations dans la couverture de la demande , répartition géographique des approvisionnements extérieurs ) et la sécurité énergétique des États-Unis . On est amené à relativiser ce lien . Dans l' étude de la politique pétrolière américaine sur longue période , on est amené à mettre l' accent sur les orientations prises par l' administration Reagan au début des années 1980 . Depuis ce " tournant " , les États-Unis ont une politique pétrolière assez cohérente , centrée sur la libéralisation du marché intérieur , la sécurisation et la construction du marché mondial . L' objectif de cette politique n' est pas de réduire la " dépendance " , mais au contraire de créer les conditions d' un recours massif et inévitablement croissant aux approvisionnements extérieurs . SECTION 1 . L' APPROVISIONNEMENT PETROLIER DES ETATS-UNIS 1 . La demande de pétrole aux États-Unis a . Croissance de la demande : deux périodes Au cours de l' année 2000 , les États-Unis ont consommé un peu plus de 7 milliards de barils de pétrole , soit 19 , 5 millions de barils par jour ( Mb / j ) , un volume identique à celui de 1999 . Il s' agit du plus haut niveau de demande pétrolière de toute l' histoire américaine , le précédent " pic " ( 19 Mb / j ) ayant été atteint successivement en 1978 et 1998 ( Figure 1 , p . 43 ) . Ce volume représente plus de deux fois la production saoudienne pour cette même année ( 9 , 1 Mb / j ) , et le quart de la consommation mondiale ( 74 Mb / j ) . La demande de pétrole a plus que triplé depuis le début des années cinquante ( Figure 2 , p . 15 ) . Mais cette progression s' est faite en deux périodes bien distinctes , que sépare la " crise pétrolière " des années soixante-dix . Le rythme de croissance de la consommation est nettement plus faible au cours de la seconde période . Entre 1949 et 1973 , la croissance annuelle moyenne est proche de 5 % ; entre 1985 et 2000 , le taux de croissance annuel moyen est de 1.5 % ( Figure 1 , p . 15 ) . Ce taux de croissance de la demande de pétrole correspond à celui des autres pays de l' OCDE . b . Forte baisse de l' intensité pétrolière du PIB Pourtant , la croissance économique américaine a été très soutenue entre 1985 et 2000 , le PIB progressant à un rythme moyen ( 3.3 % ) proche du taux observé sur 1949 - 2000 ( 3.6 % ) . Si la demande pétrolière a progressé à un rythme nettement inférieur à la tendance historique , c' est que l' intensité pétrolière du PIB américain a très fortement chuté à partir de la fin des années soixante-dix . Le " contenu en pétrole " d' un dollar de PIB réel , qui avait augmenté de 10 % entre 1949 et 1976 , a diminué de près de 55 % entre 1977 et 2000 ( Figure 3 , p . 16 ) . En dollars de 1996 , un baril de pétrole générait 13 $ de PIB en 2000 contre 6 , 5 $ en 1973 . La baisse de l' intensité énergétique et pétrolière du PIB américain ne paraît pas devoir s' essouffler ; il semble même qu' elle s' accélère depuis la fin des années 1990 . c . La place du pétrole dans le bilan énergétique est stable La part de la consommation d' énergie primaire couverte par le pétrole est pratiquement identique en 1949 et 2000 , soit un peu moins de 40 % ( Figure 4 , p . 17 ) . Cependant cette part avait augmenté de 10 points entre 1949 et 1977 , puis a chuté de près de 8 points entre 1977 et 1985 ; elle est pratiquement stable depuis 1990 . La structure de l' approvisionnement des États-Unis en énergie primaire connaît une remarquable stabilité depuis la fin des années quatre-vingt : le pétrole couvre 40 % des besoins , le gaz et le charbon se partagent à parts égales environ 45 % de la demande , le nucléaire et les renouvelables ( y compris l' hydroélectrique ) couvrant chacun la moitié des 15 % restant . Cela signifie que la demande pour chacune de ces sources d' énergie croît à peu près au même rythme que la demande totale d' énergie primaire . d . La demande se concentre sur les usages captifs , notamment le transport Si la part du pétrole dans l' approvisionnement énergétique est relativement stable sur les 50 dernières années , la structure de la consommation pétrolière s' est déformée au cours du temps , en particulier à partir de la fin des années soixante-dix . Le secteur des transports est devenu le principal moteur de la croissance de la demande de pétrole ( Figure 5 , p . 18 ) . Il est responsable de 73 % de l' augmentation de la consommation entre 1949 et 2000 , et de 85 % de cette augmentation entre 1985 et 2000 . La part du transport dans la consommation pétrolière augmente , passant de 54 % en 1978 à 67 % en 2000 ( Tableau 1 , p . 9 ) . Par contraste , la part du secteur industriel est stable sur l' ensemble de la période , à environ 25 % . L' industrie est responsable d' une part décroissante de l' augmentation de la demande : 26 % sur 1949 - 2000 , 15 % sur 1980 - 2000 . Les autres secteurs ( résidentiel , commercial , et production d' électricité ) ont tendance à devenir marginaux : ils représentaient 22 % de la demande en 1949 , 21 % en 1978 et 8 % en 2000 ; leur consommation est stable en valeur absolue depuis 1983 , après avoir baissé entre 1978 et 1982 . La part de marché des produits pétroliers dans le secteur des transports semble , dans l' état actuel des technologies , strictement insensible aux prix relatifs des énergies . En d' autres termes , il s' agit d' un usage captif , où le pétrole n' est pas substituable . Comme le montre la Figure 6 ( p. 19 ) la part de marché du pétrole dans ce secteur tend vers 100 % . Dans les autres secteurs au contraire , les produits pétroliers ont été largement évincés : leur part dans les secteurs résidentiel et commercial baisse dès les années soixante ; le fuel disparaît pratiquement de la production d' électricité au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix . Dans l' industrie , le pétrole a perdu 7 points de part de marché depuis 1979 ( cette part étant revenue en 2000 à son niveau de 1949 ) . Tableau 1 . Part des secteurs dans la consommation pétrolière totale , et contribution à l' augmentation de la demande . A l' avenir , la demande pétrolière américaine continuera d' être principalement tirée par le secteur des transports et , dans une mesure moindre , certains usages industriels dont la pétrochimie . Dans les autres secteurs , en particulier la production d' électricité , le pétrole est devenu une source d' énergie marginale . Deux conséquences importantes en découlent : Premièrement , aucune politique de stimulation de l' offre énergétique non pétrolière ( relance du nucléaire ou du charbon , développement des énergies renouvelables , ou autres ) n' est susceptible de réduire significativement la croissance de la demande de pétrole , qui tend à être concentrée sur ses usages spécifiques . En particulier , la croissance des besoins énergétiques liés au transport se traduira nécessairement par une augmentation de la demande de pétrole ; Deuxièmement , les politiques de maîtrise de la demande énergétique ne peuvent avoir qu' un impact limité sur la demande de produits pétroliers sauf à modifier la consommation du secteur des transports . Dans ses usages non spécifiques , le pétrole a déjà été évincé par des technologies plus performantes . Il existe au moins deux leviers que pourraient actionner les pouvoirs publics fédéraux pour peser sur la demande énergétique liée au transport . Le premier est d' augmenter les taxes sur les carburants , qui se situent à un niveau six fois inférieur à la moyenne des autres pays de l' OCDE . Cette mesure aurait un effet direct sur la demande , via la modification des comportements - effet d' autant plus important que l' on part d' une situation où les prix sont bas , donc où les agents ne sont pas incités à rationaliser l' usage de leurs véhicules . Elle aurait également un effet indirect , l' augmentation des prix des carburants introduisant une forte incitation pour les constructeurs à proposer des véhicules plus sobres , donc à réduire la demande pour un niveau et des modalités donnés d' utilisation des véhicules . Le second type de mesures envisageable consiste à durcir les normes de consommation pour les véhicules neufs , qui n' ont pas été modifiées depuis 1990 pour les véhicules de tourisme ( passenger cars ) , et 1996 pour les light trucks . L' efficacité énergétique moyenne du parc automobile américain s' était améliorée entre 1979 et 1991 , mais stagne depuis cette date ( Figure 7 , p . 20 ) . L' efficacité des véhicules neufs , tous types confondus , est aujourd'hui au même niveau qu' en 1982 . Les Américains utilisent de plus en plus , pour leurs déplacements quotidiens , des light trucks et autres Sport Utility Vehicles , dont la consommation moyenne est nettement supérieure aux véhicules légers traditionnels , et qui sont soumis à des normes moins sévères . Cette modification structurelle du parc automobile a largement compensé le renforcement ponctuel des normes de consommation des véhicules légers . Notons que l' effet d' un durcissement des normes est conditionné par le rythme de renouvellement du parc , et que ce dernier serait d' autant plus rapide que l' action sur les normes s' accompagnerait d' une action sur les prix des carburants , dont la hausse augmente l' incitation économique à se séparer des véhicules les moins efficaces . Les autres mesures possibles concernent le soutien au développement et à la commercialisation de technologies alternatives au moteur à explosion et/ou aux carburants pétroliers . Le rapport Cheney n' envisage pas la possibilité d' augmenter les taxes sur les carburants . Cette question est extrêmement sensible aux Etats-Unis . Il semble qu' aucun responsable politique ne soit en mesure de proposer leur relèvement , encore moins de lui faire franchir l' obstacle du Congrès . L' administration Clinton en fit l' expérience au début des années 90 , qui vit un important projet de taxe sur toutes les consommations d' énergie ( BTU tax ) laminé par le Congrès , pour n' aboutir qu' à une modeste augmentation de la fiscalité sur les carburants . Le rapport évoque ( chapitre 4 ) la " révision " des normes de consommation imposées aux constructeurs automobiles ( Corporate Average Fuel Economy Standards , ou CAFEs ) et l' objectif de les fixer de manière " responsable " , en sorte d' augmenter l' efficacité énergétique des véhicules " sans affecter négativement l' industrie automobile " . Un récent rapport de l' Académie des sciences a proposé une amélioration du système en vigueur consistant à attribuer aux constructeurs qui vont au-delà de la norme des " bons d' économie " , qu' ils peuvent soit stocker , soit revendre aux constructeurs qui sont en retard par rapport à la norme - chaque constructeur étant tenu soit de respecter la norme , soit d' être en possession de bons d' économie pour un montant équivalent à la différence entre sa performance effective et la norme . Ce système fonctionne sur le même principe que le marché de droits à consommer du carburant ; il s' agit en fait d' un " marché de droits à ne pas respecter les normes de consommation " . Pour favoriser la pénétration des nouvelles technologies , le rapport Cheney envisage un crédit d' impôt pour l' acquisition de véhicules économes ( hybrides , piles à combustibles ) . Le soutien au programme de piles à combustible pour les bus est réaffirmé . On évoque par ailleurs une gestion du trafic urbain à base d' instruments de marché ( type péage , ou permis de circulation négociables ) , qui tendent à faire supporter à l' automobiliste le vrai coût de sa présence sur la route . Tableau 2 . Quelques données sur l' automobile aux États-Unis , 1970 - 2000 Il est évidemment très difficile , vu le niveau de généralité du rapport Cheney , d' évaluer l' impact potentiel des mesures destinées à infléchir la consommation de pétrole dans les transports . De manière générale , toute augmentation significative du coût d' utilisation de l' automobile semble être politiquement impossible aux États-Unis . L' Administration Clinton avait dû abandonner ses projets en la matière , tant la taxe sur la consommation énergétique que le durcissement des normes de consommation . Le recours aux services rendus par l' automobile semble revêtir en Amérique une dimension éminemment culturelle . La compréhension des contraintes spécifiques de la politique énergétique américaine serait certainement améliorée par des travaux de nature sociologique sur la place de la voiture ( et avec elle du pétrole ) dans l' American way of life . Au plan économique , il est vrai que le relèvement des prix des carburants porterait directement atteinte à la valeur des actifs détenus par les agents , notamment les véhicules ( les choix d' investissements ont été faits sur la base d' anticipations de prix bas ) . Il s' agit d' un problème très classique en économie de la réglementation ( on parle de coûts " échoués " ) ; dans ce cas , il est rendu particulièrement délicat politiquement du fait du montant des actifs en jeu , et de l' importance du groupe social concerné ( les propriétaires de véhicules automobiles ) . Au printemps 2002 , le secrétaire à l' Energie , Spencer Abraham , a levé les incertitudes du rapport Cheney quant aux normes de consommation des véhicules , en annonçant officiellement à Detroit ( capitale de l' industrie automobile américaine ) qu' elles ne seraient pas relevées . L' automobile semble être la pierre de touche de la politique pétrolière américaine . Pour le reste , ce pays n' a pas échappé à la rationalisation des usages du pétrole et à l' éviction massive de cette forme d' énergie , que l' on retrouve dans tous les pays de l' OCDE . Maîtriser la demande de pétrole dans les transports sans augmenter la fiscalité ? Analyse d' une proposition de marché de droits à consommer de l' essence 2 . L' approvisionnement du marché américain : production intérieure et importations a . Prix et coûts : la concurrence entre production intérieure et pétrole importé En 1949 , les importations pétrolières des États-Unis dépassaient pour la première fois leurs exportations . Depuis cette date , la part du pétrole importé dans la couverture des besoins des agents américains a augmenté de manière continue , à l' exception de la période 1978 - 85 ( Figure 10 , p . 31 ) . Pour expliquer cette croissance , absolue et relative , des importations pétrolières , on évoque couramment " l' épuisement " des réserves américaines . Cette analyse demande à être précisée . La disponibilité relative de la production intérieure et du pétrole importé est d' abord une question de coûts et de prix . La progression continue de la part des importations dans la couverture de la demande reflète la dégradation de la compétitivité marginale de la production intérieure , laquelle s' explique par la différence grandissante entre les coûts de développement aux États-Unis et à l' étranger . L' amorce du déclin de la production intérieure en 1970 ne modifie pas fondamentalement les données du problème . Certes , de très nombreux champs dans les 48 États " continentaux " sont entrés en phase de déclin irrémédiable , en ce sens qu' il n' existe probablement aucun niveau de prix auquel les réserves pourraient être renouvelées . Mais il existe toujours un niveau de prix auquel la demande baisserait plus vite que la production intérieure , donc les importations plus vite que la demande . L' interdépendance entre les coûts de production , le prix du pétrole , le niveau de l' offre domestique et des importations n' est pas rompue par l' entrée de nombreux champs américains dans une phase de déclin " absolu " . La compétition entre production intérieure et pétrole importé est naturellement influencée par les éventuelles barrières protectionnistes . Le protectionnisme pétrolier est une tentation permanente aux États-Unis , et fut longtemps une réalité . La mesure la plus radicale consista à mettre en place des quotas d' importation ( mandatory oil import quotas ) , entre 1959 et 1973 ; ces quotas faisaient suite aux ( soi-disant ) voluntary oil import quotas ( 1949 - 1958 ) , qui avaient eux-mêmes succédé aux tentatives infructueuses d' administration des importations par les États fédérés ( en particulier le Texas ) dans les années trente . Depuis 1982 , le marché pétrolier américain est totalement intégré au marché mondial . Le prix sur le marché intérieur est le prix mondial du pétrole brut ; la concurrence entre production intérieure et pétroles importés est exempte de toute distorsion . b . Quatre périodes Entre 1949 et 1970 , la production pétrolière américaine ( brut et " condensats " ) est multipliée par deux ; dans le même temps , la part de la demande couverte par le pétrole importé passe de 10 % à 23 % . La croissance de la production intérieure atteste que le coût de renouvellement du " stock " , c' est-àdire des réserves , était compatible avec le prix en vigueur à l' époque . Toutefois , sur l' ensemble de cette période , la dépense nécessaire à l' ajout d' un baril de réserves au Moyen-Orient représente une petite fraction de celle requise aux États-Unis , et cette fraction diminue . Le pétrole du Moyen-Orient ( mais aussi du Venezuela , et d' ailleurs ) exerce donc , à partir des années cinquante , une pression concurrentielle très forte sur le marché américain . En l' absence de barrières protectionnistes , la croissance des importations aurait été nettement plus rapide , tant en valeur absolue que relative . A partir de 1970 , toutes les formes d' investissement susceptibles d' augmenter les réserves de pétrole connaissent , aux États-Unis , des coûts fortement croissants . Les évènements 1973 introduisent de nouveaux paramètres , en particulier réglementaires . L' explosion des prix du brut aurait dû favoriser un relatif redressement de la production intérieure et une baisse de la demande , donc une décroissance des importations . Mais les dispositions législatives prises pour soulager les raffineurs face à l' augmentation de leurs coûts d' approvisionnement ( entitlements system ) fonctionnent comme une subvention aux importations . Combinée à la réglementation des prix du brut à la production , ces mesures entravent la diffusion du signal prix et distordent les incitations : le développement pétrolier intérieur est ralenti , la demande est artificiellement soutenue . Entre 1978 et 1985 , deux effets se conjuguent pour précipiter une chute des importations ( Figure 10 , Figure 11 ) : La compétitivité marginale de la production intérieure se redresse . La forte augmentation du prix mondial déclenche un véritable " boom " des investissements d' exploration et développement ( dont les résultats sont décevants dans les 48 États " continentaux " ) . Elle permet en revanche une rapide et forte montée en puissance du champ géant de Prudhoe Bay en Alaska , découvert en 1967 . Le développement de ce champ était rentable dès avant le choc pétrolier , mais il fut retardé jusqu'en 1973 par la bataille politique autour de la construction du pipeline trans-Alaska . D' autre part , la libéralisation des prix pétroliers en 1981 supprime les aides aux puits les moins productifs et les subventions aux importations liées au système des entitlements : entre 1981 et 1985 , même la production des lower 48 se redresse aux dépens des importations . L' ajustement de la demande , longtemps entravé par la réglementation des prix , s' effectue brutalement ( - 2 Mb / j entre 1979 et 1983 ) . En conséquence , les importations chutent sur cette période , tant en valeur absolue ( - 3 , 8 Mb / j ) que relative ( - 16 points de part de marché ) . De 1985 à aujourd'hui , la part du pétrole importé dans la couverture de la demande ne cesse d' augmenter . La production américaine baisse au rythme de 2 % par an en moyenne . Cette baisse ralentit après 1990 , grâce notamment à la forte progression de l' offshore dans le Golfe du Mexique , stimulée par des mesures fiscales et par les progrès technologiques ( cf. infra ) . Les importations ont progressé de plus de 5 % par an en moyenne sur 15 ans , pour atteindre leur maximum historique en 2000 . Elles s' élèvent alors à 11 Mb / j , soit 54 % des besoins de l' économie et de la société américaines ( Figure 10 ) . c . Le rapport Cheney et la stimulation de la production intérieure Le rapport Cheney prévoit , dans son chapitre 5 , plusieurs mesures de stimulation de l' offre pétrolière intérieure : promotion de la récupération assistée ; développement d' un partenariat public-privé en vue de l' amélioration des technologies d' exploration ; extension de la politique d' octroi de licences sur les terres fédérales ; octroi d' incitations fiscales à l' exploration et au développement dans les zones " frontières " , les gisements difficiles , trop petits ou trop risqués pour être rentables aux conditions du marché . Enfin , la mesure la plus attendue et la plus controversée consiste à préconiser l' ouverture aux activités pétrolières de la réserve naturelle nationale d' Alaska ( ANWR ) . Ces propositions , si elles étaient effectivement mises en oeuvre , sont -elle de nature à ralentir le déclin de la production intérieure et la hausse des importations ? La réponse est certainement négative . Il importe de noter que toutes ces mesures , excepté l' ouverture de l' ANWR , sont déjà appliquées à des degrés divers . Il ne s' agit donc au mieux que de les prolonger et les amplifier . Le partenariat public-privé en matière technologique est déjà une réalité , de même que les exemptions aux législations antitrust pour certaines activité de recherche et développement , notamment dans l' offshore . Dès 1993 , le gouvernement fédéral a mis en place un système d' incitation fiscale à l' exploration et développement dans l' offshore profond , renforcé en 1995 par le Deep Offshore Royalty Relief Act . Enfin , la politique de leasing sur terres fédérales n' a cessé d' être assouplie depuis une quinzaine d' années . Les réserves pétrolières nationales ( champs situés sur des terres fédérales et conservés pour servir de réserve stratégique " naturelle " ) ont été partiellement ou totalement privatisées ( selon les cas ) , et sont donc développées selon une logique purement commerciale par les compagnies concessionnaires . Toutes ces mesures de stimulation de l' offre intérieure ( à laquelle il faudrait ajouter la levée , en 1995 , de l' interdiction d' exporter le brut d' Alaska ) n' ont pas été sans effet : elles ont contribué au renouveau de la production offshore dans le Golfe du Mexique , au redressement des investissements d' exploration et développement en Alaska , et plus généralement au ralentissement de la baisse de la production pétrolière américaine dans les années 1990 . Elles ont donc amplifié les effets positifs des progrès technologiques sur la productivité de l' effort d' exploration et développement . La prolongation de ces dispositions et leur approfondissement éventuel ne peuvent avoir qu' un effet positif sur l' offre intérieure . Mais elles ne changeront pas la tendance lourde à la croissance des importations dans la couverture de la demande , sauf dans le cas ( improbable ) où celle -ci chuterait fortement dans un contexte de prix mondial très élevé . Reste le potentiel de l' ANWR . On estime dans les milieux pétroliers que les ressources récupérables s' élèveraient à 10 milliards de barils , avec un rythme de production en pointe proche de 2 Mb / j . Ces chiffres , s' ils devaient s' avérer exacts - ce qui est loin d' être acquis - sont impressionnants ; ils mettent l' ANWR au niveau du North Slope , c' est-à-dire qu' ils en font une " seconde Alaska " . Mais l' effet sur le niveau des importations est impossible à prévoir , car il dépend du prix mondial . Dans un contexte d' offre excédentaire , le brut de l' ANWR ferait baisser le prix mondial et se substituerait largement à du pétrole américain moins compétitif . Il ne remplacerait du pétrole importé que si les pays de l' OPEP limitaient leur production pour défendre un prix élevé , ou si les États-Unis rétablissaient des barrières protectionnistes ( taxe ou quotas ) afin de maintenir le prix intérieur au-dessus du prix mondial . Le projet de loi de la Chambre de Représentants prévoit l' ouverture de l' ANWR , mais pas celui voté au Sénat . d . Conclusion La différence entre les coûts marginaux de développement aux États-Unis et dans de nombreuses provinces pétrolières plus compétitives à l' étranger - le Moyen-Orient étant un cas extrême - est aujourd'hui très importante , et continue d' augmenter . Dans ces conditions , le taux de contribution de l' offre intérieure à l' approvisionnement des États-Unis sera principalement déterminé par les politiques pétrolières de l' Arabie Saoudite , du Koweït , de l' Iran , de l' Irak et du Venezuela , ainsi que par la capacité de l' industrie pétrolière internationale à renouveler ses réserves hors de l' OPEP . Les marges de manoeuvre des autorités américaines sont extrêmement limitées . L' effet des mesures de stimulation de l' offre est difficile à appréhender avec précision . La plus prometteuse d' entre elles , à savoir l' accélération de l' ouverture des terres fédérales aux activités pétrolières est soumise à une forte incertitude politique . On peut donc affirmer avec un degré élevé de certitude que toute augmentation de la demande de pétrole se traduira par une augmentation plus que proportionnelle des importations . Sauf révolution technologique dans le secteur des transports , une telle augmentation va se produire . L' effet du progrès technologique sur la compétitivité du pétrole américain : quelle est la signification de la baisse du " coût unitaire de découverte " ? 3 . Les importations pétrolières américaines : structure et dynamique L' importation de pétrole brut et de produits raffinés est une activité libre aux États-Unis . Les restrictions administratives sont limitées aux pays sur lesquels pèsent des sanctions économiques ( Iran et Libye ) . L' évolution de la structure géographique des importations américaines reflète donc les arbitrages économiques des agents américains ( raffineurs , traders , gros utilisateurs de produits pétroliers telles les compagnies aériennes ) , et plus généralement des acteurs du marché pétrolier mondial . En fait , l' allocation géographique de l' offre pétrolière mondiale est largement le produit d' un processus anonyme impliquant des centaines d' agents économiques cherchant à maximiser la valeur du pétrole qu' ils possèdent , et/ou à minimiser le coût de leur approvisionnement . Le marché américain est une composante de ce système mondial marchand . Les expressions du type " les États-Unis importent davantage du Canada que d' Arabie Saoudite " doivent donc être utilisées avec précaution . Ce sont des acteurs privés qui importent , et leurs choix sont dictés par des considérations de coût et de convenance , en particulier quant aux caractéristiques techniques des différents bruts et produits . Depuis le premier choc pétrolier , deux tendances majeures nous semblent mériter un intérêt particulier : d' une part l' évolution de la contribution du Golfe persique aux approvisionnements américains ; d' autre part la régionalisation des importations américaines au cours des années 1990 . On évoquera aussi les développements récents ( 1998 - 2000 ) , et l' avenir des importations américaines . a . La contribution du Golfe arabo-persique Le Golfe persique est , sur le marché pétrolier américain , un fournisseur parmi d' autres . En moyenne , sur une période de 25 ans , les importations en provenance de cette région couvrent moins de 10 % de la consommation pétrolière des Etats-Unis ( 13 % en 1999 et 2000 ) , et cette part n' augmente pas ( Figure 13 , p . 39 ) . Les Figure 12 et Figure 14 montrent que le Golfe occupe dans les approvisionnements extérieurs des États-Unis une place ni négligeable , ni prépondérante . Ce qui frappe également dans ces graphiques , c' est le mouvement d' éviction du Golfe entre 1980 et 1985 , suivi d' un retour au cours des cinq années suivantes . De fait , cette région ( c' est-à-dire , sur le marché américain , principalement l' Arabie Saoudite et l' Irak ) se singularise moins par le niveau de sa contribution aux importations américaines que par les fluctuations de sa part dans ces importations . Ces fluctuations ont une explication simple . Le pétrole brut s' échange à un prix mondial unique ( net des coûts de transport et des différentiels de qualité ) , déterminé sur un marché " spot " . Les pays du Golfe , qui ont à tout moment la possibilité d' augmenter rapidement leur offre à des coûts représentant une petite fraction du prix en vigueur ( soit en exploitant plus intensément leurs capacités installées , soit en les augmentant ) , ont donc le pouvoir d' évincer les autres producteurs sur les marchés ( y compris le marché américain ) , tout en exerçant une pression à la baisse sur le prix . A l' inverse , lorsqu' ils diminuent leur production ( ou simplement ne l' augmentent pas alors que la demande croît ) pour défendre un niveau de prix , ils perdent des parts de marché si d' autres producteurs sont capables de couvrir la demande au prix en vigueur ; dans le cas contraire le prix augmente . Entre 1980 et 1985 , l' Arabie Saoudite réduit continuellement sa production pour soutenir le prix dans un contexte de baisse de la demande mondiale ; cela se traduit par une forte chute des exportations du Golfe persique vers les États-Unis . Après 1985 , l' Arabie Saoudite s' engage dans une stratégie de reconquête de ses parts de marché : ses exportations vers les États-Unis passent de 0 , 2 Mb / j en 1985 à 1 , 4 Mb / j en 1989 ( Figure 15 , p . 41 ) . Dans les années 1990 et ceci pour la première fois , la part du Golfe a baissé alors que les importations américaines augmentaient . Pendant cette période , l' offre pétrolière mondiale ( hors Golfe ) est restée très dynamique , contraignant les producteurs du Golfe à contenir leurs niveaux de production pour éviter une chute des prix ( qui s' est finalement produite en 1997 - 98 ) . La part du Golfe dans les importations américaines a donc baissé jusque 1997 . Son redressement entre 1998 et 2000 est entièrement dû au retour du pétrole irakien sur le marché américain : 700 000 b / j en 1999 contre 0 en 1996 . On pourrait donc dire que les producteurs du Golfe , et notamment l' Arabie Saoudite , déterminent largement eux-mêmes l' évolution de leur part de marché aux États-Unis ( et sur le marché mondial en général ) . Il leur suffit de produire davantage pour que cette part augmente , au prix d' une baisse , éventuellement forte , des cours du brut . Sur l' ensemble de la période couverte ici , la contribution du Golfe aux approvisionnements américains se situe à un niveau très nettement inférieur à ce qu' il serait en l' absence de restriction . Entre 1949 et 1973 , le mécanisme de restriction se situait aux Etats-Unis ( limitation des importations ) ; depuis 1973 , ce sont les États du Golfe qui limitent leur production . Si ces producteurs se désintéressaient du prix ( donc augmentaient leur production jusqu'à ce que le coût d' une unité supplémentaire et le prix mondial s' égalisent ) , le prix du pétrole s' établirait probablement en dessous de 5 $ et le Golfe couvrirait une part largement prépondérante des importations américaines , dont le niveau serait beaucoup plus élevé qu' aujourd'hui . b . La régionalisation des approvisionnements extérieurs Les importations en provenance du Canada et des pays d' Amérique latine ont augmenté continuellement et assez régulièrement depuis la fin des années 1970 ( Figure 14 , Figure 15 ) . Le contraste avec les fluctuations du Golfe persique apparaît de manière saisissante . En conséquence , on observe un mouvement de régionalisation des importations américaines . L' hémisphère occidental ( selon l' expression consacrée aux États-Unis ) représentait 50 % des importations en 1997 , contre 35 % en 1990 et 20 % en 1980 ( Figure 16 , p . 42 ) . Cette progression a permis de compenser la baisse de la production américaine pour maintenir autour de 70 % le taux de régionalisation de l' approvisionnement pétrolier des États-Unis ( production intérieure comprise ) . c . Développements récents Face à la chute des prix survenue en 1997 - 98 , les pays de l' OPEP ont décidé de retirer du marché des quantités très importantes de pétrole ( par exemple 3 , 5 Mb / j pour la seule année 2001 , et environ 5 Mb / j depuis 1999 ) , aidés ponctuellement par le Mexique et la Norvège , marginalement par le sultanat d' Oman et la Russie . Les effets sur le prix mondial ont été très importants . Ils se sont également fait sentir très directement sur la structure des importations américaines ( Figure 15 ) . Le volume en provenance du Venezuela a chuté de plus de 300 000 b / j entre 1997 et 1999 , et la progression des exportations mexicaines vers les États-Unis , qui avoisinait 10 % par an depuis 1992 , a brusquement stoppé . Seules les exportations saoudiennes vers les États-Unis n' ont pas diminué ( à l' inverse de ce qui s' était passé dans les années 80 ) . La compensation de ces volumes " perdus " est venue d' Europe et surtout du Canada , pays dont les exportations vers les États-Unis ont atteint un record historique en 2000 , en hausse de 20 % par rapport à 1999 . Le voisin du nord est aujourd'hui le premier exportateur de pétrole vers les États-Unis . Mais c' est surtout le pétrole irakien qui a profité , sur le marché américain , des actions de l' OPEP ( le pétrole exporté sous le contrôle des Nations Unies échappe aux quotas du cartel ) . L' Amérique est le premier " client " de l' Irak dans le cadre du programme " pétrole contre nourriture " . Jamais les États-Unis n' avaient importé autant de pétrole irakien qu' en 1999 et 2000 . d . L' avenir des importations américaines Les projections du DOE anticipent une modification sensible de la structure des importations pétrolières américaines au cours des vingt prochaines années . Les importations en provenance du Golfe persique représenteraient près de 20 % de la consommation en 2020 , contre 13 % aujourd'hui . Elles progresseraient donc plus rapidement que le total des importations , croissant elles-mêmes plus vite que la demande . Cette tendance reflète la croissance de la contribution du Moyen-Orient à l' offre pétrolière mondiale . On ne peut discuter ici dans le détail ces projections . On fera simplement deux remarques . La première est que la capacité des modèles à appréhender correctement l' évolution de l' offre " hors Golfe " , et même " hors OPEP " , est incertaine . Des facteurs comme les progrès technologiques , l' évolution de la fiscalité et du cadre juridique des investissements , qui ont un impact tout à fait décisif sur les coûts et les risques assumés par les compagnies pétrolières , donc sur les décisions d' investissement , sont très difficiles à intégrer dans une approche modélisée . La seconde remarque est que les modèles traitent en général la production du Golfe persique ( et parfois de l' OPEP ) comme un volume résiduel : elle couvre la différence entre la demande mondiale et la production " hors Golfe " ( le cas échéant " hors OPEP " ) . Or le paysage énergétique en 2020 sera très différent selon que les pays du Golfe ( auxquels il faut ajouter le Venezuela et la Libye ) adopteront , comme ils le font depuis trente ans , une politique de limitation de leur production en vue de la défense d' un niveau de prix , ou que s' enclenchera une course aux parts de marché au sein de l' OPEP . Parmi les facteurs qui pourraient favoriser l' option concurrentielle , citons la levée des sanctions sur l' Irak ou la défection d' un membre important de l' OPEP , quittant l' organisation de fait ou de droit . A l' inverse , la capacité de l' OPEP à associer durablement de nouveaux producteurs à son action ( Mexique , Norvège , Russie ) , éloignerait le risque d' un éclatement du cartel . Les incertitudes sont donc très importantes . Le volume de production que les principaux modèles attribuent au Golfe persique en 2020 correspond à un doublement des capacités par rapport à 2000 ( on passerait en gros de 20 à 40 Mb / j ) . Les prévisions de prix varient mais n' anticipent pas d' augmentation significative , en termes réels , sur les vingt prochaines années . Si les États du Moyen-Orient n' effectuaient pas les investissements requis ( rappelons que les capacités de production dans le Golfe n' ont pas augmenté depuis 30 ans ) , le prix du pétrole pourrait être nettement plus élevé , la demande plus faible , et la production " hors Golfe " plus soutenue . Les importations américaines seraient alors plus faibles que ne l' anticipent les modèles et nettement moins concentrées sur le Moyen-Orient . A l' inverse , si le processus concurrentiel s' enclenchait entre producteurs à coûts de production très bas , le prix s' effondrerait , stimulant la demande et déprimant la production " hors Golfe " . Les importations américaines seraient encore plus fortes qu' escompté , ainsi que la part du Moyen-Orient dans les approvisionnements extérieurs . 4 . Conclusions On a souligné plus haut que les facteurs qui détermineront le niveau des importations pétrolières américaines échappent largement au gouvernement des États-Unis . Cette conclusion vaut également pour la structure géographique des approvisionnements . Les décisions les plus structurantes , qui détermineront la contribution des provinces les plus compétitives à la couverture de la demande mondiale , donc le niveau des prix , seront prises par les gouvernements des pays du Moyen-Orient et du Venezuela . Elles le seront soit dans le cadre coopératif de l' OPEP , soit individuellement , soit , et c' est le plus probable , dans un entre-deux où les décisions collectives viendront consacrer les options individuelles de quelques-uns . Face au poids des tendances lourdes , les marges de manoeuvre des politiques publiques américaines sont réduites , quoi qu' en disent certains responsables de l' administration et du Congrès . Le rapport Cheney annonce la continuation et l' approfondissement d' une politique d' offre , donnant à l' industrie pétrolière toutes les chances de découvrir , développer et produire les ressources pétrolières intérieures . Cette politique contribuera de manière très limitée à l' objectif de réduire la " dépendance " pétrolière extérieure . De ce point de vue , une action sur la demande de pétrole aurait un impact potentiel supérieur ( en particulier l' augmentation des taxes sur les carburants et l' amélioration de l' efficacité énergétique des véhicules automobiles . ) Le rapport Cheney reste extrêmement prudent dans ses orientations en matière de gestion de la demande de pétrole liée au transport . La tendance la plus probable est que les importations pétrolières américaines vont continuer d' augmenter au cours des vingt prochaines années , vont couvrir une part croissante de la demande intérieure , et seront plus concentrées sur les pays du Moyen-Orient . L' intensité de ces évolutions est soumise à forte incertitude . Reste à étudier l' impact d' un approfondissement de la " dépendance " sur la sécurité énergétique des Etats-Unis , question traitée dans le second volet de ce travail . SECTION 2 . POLITIQUE PETROLIERE AMERICAINE ET SECURITE ENERGETIQUE 1 . Le lien entre dépendance pétrolière et sécurité énergétique : analyse critique La croissance des importations dans la couverture de la demande pétrolière , qui va se poursuivre au cours des années et décennies à venir , est très souvent décrite comme menaçant la " sécurité énergétique " des Etats-Unis . Même s' ils ne proposent pas d' atteindre l' autosuffisance énergétique ou pétrolière , le rapport Cheney comme les propositions de loi votées à la Chambre et au Sénat en 2001 et 2002 reprennent à leur compte cette analyse , et établissent explicitement une corrélation entre objectif de sécurité et objectif de limitation ( ou de réduction ) de la dépendance . Une appréciation rigoureuse du fonctionnement du marché pétrolier montre au contraire que la sécurité énergétique , quel que soit le contenu précis qu' on lui donne ( disponibilité physique des approvisionnements , niveau et stabilité des prix , exposition aux crises ) , est quasi indifférente au niveau des importations pétrolières , au taux de dépendance extérieure , et à la provenance géographique du pétrole . a . Une donnée fondamentale : le marché pétrolier est intégré Toute discussion sur la sécurité énergétique et les approvisionnements pétroliers doit partir de cette réalité : le pétrole est une matière première " fongible " échangée sur un marché mondial techniquement et économiquement intégré . L' équilibre entre offre et demande est un équilibre mondial , qui détermine un prix mondial révélé par des marchés " spot " . Le marché est techniquement unifié car le pétrole se transporte sur longues distances à des coûts relativement faibles : environ 10 $ par tonne par exemple entre le Golfe persique et les grands marchés de consommation , soit environ 1 , 4 $ / baril . La plupart des bruts n' ont pas de marchés régionaux strictement captifs et peuvent être raffinés en Europe , aux Etats-Unis ou en Asie ( même si certaines caractéristiques physico-chimiques limitent les possibilités de substituer rapidement un brut à un autre dans certaines raffineries ) . La " substituabilité " des différents bruts dans les raffineries américaines a augmenté ces dernières années à la faveur de travaux de modernisation de l' appareil de raffinage . Ainsi , les opérateurs de marché ( les traders ) peuvent effectuer des arbitrages afin de profiter des différences de prix entre les marchés locaux , différences qui ne peuvent donc se prolonger dans le temps : l' unité technique du marché induit son unité économique . Une fois déduits les coûts de transport et les différentiels de qualité ( teneur en soufre , gravité ) , il existe un seul prix mondial du pétrole brut . L' allocation de l' offre de pétrole entre les demandeurs se fait par un processus purement marchand , anonyme , proche de celui que décrivent les manuels de microéconomie . Ce sont les acheteurs individuels ( traders , raffineurs ) qui sont en concurrence pour s' approvisionner , et non les Etats ou les économies nationales . Le mécanisme des prix , qui répartit le pétrole entre les milliers de consommateurs effectifs et potentiels , transcende les frontières : les agents américains sont en concurrence entre eux comme avec les agents européens , sud-américains , asiatiques et autres . Une autre manière d' exprimer l' idée d' un marché mondial intégré consiste à parler de " one great pool " . L' image est due à M. Adelman , qui voit le marché pétrolier comme une " grande bassine " , dans laquelle se déversent toutes les productions - quelle que soit leur localisation géographique , qu' elles donnent lieu à échange international ou non - et dans laquelle puisent tous les consommateurs . Si cette représentation correspond au fonctionnement réel du marché , alors les prix doivent évoluer de manière identique sur tous les marchés locaux , et tendre vers un prix unique ( net des coûts de transport ) . Les tests économétriques effectués ont largement confirmé l' hypothèse du one great pool , ou du marché intégré . Ils montrent en outre que l' intégration a fortement progressé à la faveur du développement de nouveaux modes de commercialisation , en particulier de la multiplication des instruments financiers dérivés ( futures , swaps , options ) permettant d' optimiser les stratégies d' approvisionnement en facilitant les arbitrages dans le temps et dans l' espace . Le marché pétrolier est devenu un marché de " commodité " comme un autre : entre l' amont et l' aval de l' industrie , forcément localisés , s' interpose un " midstream " autonome et mondialisé , qui assure par des mécanismes purement marchands l' optimisation des flux physiques et la révélation en temps réel de prix spot et à terme , sur la base desquels les agents effectuent leurs décisions . b . Qu' est -ce qu' une crise pétrolière ? Les mécanismes qui viennent d' être décrits impliquent qu' il ne peut exister de rupture physique dans les approvisionnements pétroliers d' une région ou d' un pays quelconque . Une crise pétrolière , même lorsqu' elle a pour cause la défection ( accidentelle ou volontaire ) d' un producteur , se manifeste toujours par une hausse des prix , ressentie par tous les consommateurs de pétrole où qu' ils soient dans le monde . Si on laisse fonctionner le mécanisme des prix , c' est-à-dire qu' on laisse monter les cours , les arbitrages - ou , plus précisément , les anticipations sur les arbitrages - diffusent instantanément l' augmentation sur tous les marchés . Les mécanismes marchands fonctionnent donc comme une machine à transformer une rupture physique d' approvisionnement ( qui est un phénomène local ) en une hausse du prix ( qui est un phénomène mondial ) . Signalons que la hausse des prix , qui est le symptôme de la pénurie , est aussi le principal remède à la pénurie . Elle " signale " aux consommateurs qui le peuvent qu' ils ont intérêt à s' effacer , partiellement ou entièrement ; elle " signale " en outre aux producteurs qui le peuvent qu' ils ont intérêt à produire plus . La hausse des prix est donc le moyen par lequel le marché diffuse à tous les agents concernés l' information sur la rareté relative du pétrole , et engendre les incitations à adopter des comportements individuels contribuant à rétablir l' équilibre entre offre et demande mondiales . Pour toutes ces raisons , la liberté des prix du pétrole , surtout en temps de " crise " , est un élément central de toute politique pétrolière rationnelle . c . Un embargo pétrolier est -il possible ? Un autre corollaire de ce constat fondamental sur l' intégration du marché pétrolier mondial est que les embargos sélectifs ne constituent pas une menace crédible . Par exemple , il n' est pas possible pour l' Arabie Saoudite , ou pour tout autre producteur ou groupe de producteurs , de restreindre ou de stopper ses exportations vers les Etats-Unis . Admettons , par hypothèse , qu' il soit possible d' interdire aux cargos ayant chargé du pétrole saoudien de le livrer aux Etats-Unis ( ce qui suppose un accompagnement maritime de tous les pétroliers qui chargent en Arabie Saoudite ) . Les raffineurs américains touchés par l' embargo - ceux qui raffinent habituellement du brut saoudien - se retourneraient vers le marché spot pour compenser les approvisionnements manquants . Ils obtiendraient tout le pétrole pour lequel ils sont prêts à payer , sachant que le prix spot augmenterait brutalement du fait de leur comportement : le marché transformerait une pénurie physique concernant quelques dizaines d' agents en une hausse de prix ressentie par des milliers . Sur cette base , deux scénarios sont possibles . Soit l' Arabie Saoudite maintient son niveau global d' exportations et se contente " d' interdire " toute livraison aux Etats-Unis ; dans ce cas la hausse des prix serait limitée au temps nécessaire à la réorganisation des circuits de commercialisation vers l' Amérique du Nord . Soit l' Arabie Saoudite réduit ses exportations totales du montant habituellement livré aux Etats-Unis ; l' embargo s' apparente alors à une réduction de l' offre mondiale et la durée de la hausse des prix dépend du temps nécessaire aux autres producteurs pour prendre la part de marché abandonnée par l' Arabie Saoudite . Dans les deux cas les conséquences ressenties spécifiquement par les agents américains , par exemple sous forme de pénuries physiques , seraient faibles ou nulles ( à condition qu' il n' y ait pas d' entrave au libre fonctionnement du marché : ni réglementation du prix , ni allocation administrative du pétrole ) . De manière générale , si un Etat exportateur souhaite " punir " un Etat importateur ou faire pression sur lui , il ne peut le faire que de manière non sélective , en faisant supporter à tous les consommateurs une hausse du prix mondial . Historiquement , l' embargo pétrolier sélectif n' a été tenté qu' une seule fois , en 1973 , par les producteurs arabes de l' OPAEP , à l' encontre des Etats-Unis et des Pays-Bas . Cet embargo , contrairement à une légende tenace , n' a eu aucun effet direct notable - même s' il a contribué à engendrer des comportements de panique , aggravés par le contrôle des prix sur le marché américain . Il n' obtint d' ailleurs aucun résultat politique . Les États-Unis se sont cependant engagés dans un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales à Doha , et , en décembre 2001 , le président a obtenu , par une voix de majorité à la Chambre des représentants , un vote favorable pour la Trade Promotion Authority ( TPA ) , auparavant appelée Fast Track , laquelle doit donner à l' exécutif des moyens de négocier des compromis . les Etats-Unis interdisent l' importation de pétrole libyen ( depuis 1982 ) et iranien ( depuis 1980 ) , et l' ONU administre les exportations irakiennes dans le cadre d' un programme dit " pétrole contre nourriture " ( depuis 1991 ) . Pour l' Iran et la Libye , l' embargo est tout aussi inefficace dans ce sens que dans l' autre : son effet mécanique est d' augmenter les importations américaines en provenance d' autres pays et les exportations libyennes vers l' Europe , iraniennes vers l' Asie . Pour ces deux pays ( et surtout pour l' Irak ) , la prohibition des investissements d' exploration et production est un problème plus sérieux , mais extérieur à notre sujet . d . De la dépendance extérieure à la concentration de l' offre Une fois acquise l' idée que le marché pétrolier est intégré mondialement , on comprend que le lien entre dépendance extérieure et sécurité énergétique doit être nettement relativisé . Les conséquences pour les Etats-Unis d' une rupture dans l' offre pétrolière quelque part dans le monde ne sont pas liées au niveau des importations en provenance de la région concernée , ni à la part des importations dans l' approvisionnement du marché américain . Une crise pétrolière se manifeste par une hausse du prix mondial , et le prix sur le marché américain est le prix mondial du pétrole . Depuis les années quatre-vingt , le phénomène des embargos fonctionne en sens inverse : La sensibilité de l' économie américaine à une crise pétrolière n' est pas liée au taux de dépendance extérieure ; La véritable " dépendance " est donc celle de l' économie américaine à l' égard du pétrole , plus exactement du marché pétrolier mondial , et non des importations , du Moyen Orient ou de l' Arabie Saoudite . La gravité d' une crise pétrolière est déterminée par le rapport entre le volume d' offre qui vient à manquer et le total de l' offre mondiale . La sécurité énergétique des consommateurs de pétrole ( où qu' ils se trouvent ) est donc renforcée par la diversification géographique de la production pétrolière mondiale et , réciproquement , un mouvement de relative concentration augmente les risques . Le risque est d' autant plus élevé que l' offre est concentrée sur des pays ou régions où la probabilité d' une rupture de la production est élevée . Depuis plus de 25 ans , l' offre pétrolière mondiale s' est profondément diversifiée ; elle l' est aujourd'hui beaucoup plus qu' à aucune autre époque de l' histoire pétrolière . Entre 1945 et 1973 , la production du Moyen-Orient augmentait beaucoup plus vite que la production mondiale : la part de cette région est passée de 7 % en 1945 à 40 % en 1973 . Après avoir nettement baissé dans les années 1980 , cette part est revenue aujourd'hui à 40 % et semble se stabiliser depuis le début des années 1990 . Depuis 1985 , les prévisions d' un fort mouvement de re-concentration de l' offre pétrolière sur le Moyen-Orient ont été démenties . Toutefois , les principales projections disponibles aujourd'hui ( par exemple l' International Energy Outlook de l' Energy Information Administration , le World Energy Outlook de l' Agence Internationale de l' Energie ) montrent encore une forte progression de la part du Golfe persique dans l' offre pétrolière d' ici à 202049 . La variable clé , en dehors de l' évolution de la demande , est la capacité de l' industrie pétrolière internationale à maintenir le rythme de développement de la production dans le segment concurrentiel du marché mondial . Cette capacité dépend de plusieurs facteurs parmi lesquels : Les évolutions technologiques en exploration et production , qui font reculer la frontière des pétroles " non conventionnels " en baissant les coûts dans l' offshore ultra profond , les bruts extra lourds , les sables asphaltiques et les schistes bitumineux ; La qualité des institutions politico-juridiques dans les pays en développement les plus actifs sur le marché des permis , en Afrique subsaharienne , Amérique latine , en Russie ou Asie centrale ; L' évolution du climat général des relations internationales , qui influera positivement ou négativement sur le développement d' un régime juridique international favorable aux investissements énergétiques , et sur la construction d' infrastructures de transport transfrontalières importantes en Amérique , en Asie centrale et orientale , en Europe ou encore en Afrique . Enfin , naturellement , le déplacement éventuel de la " frontière " du secteur concurrentiel , notamment l' ouverture plus large de pays comme le Venezuela , la Libye , la Chine ou même les pays du Golfe persique . e . Conclusion Il ressort de cette analyse que la réduction de la dépendance pétrolière , à supposer qu' elle soit possible , ne constitue pas un objectif raisonnable . Les Etats-Unis se priveraient des gains à l' échange avec les producteurs les plus compétitifs , sans compensation notable en matière de sécurité énergétique ; ils n' obtiendraient en particulier aucune réduction notable de la sensibilité de l' économie américaine aux crises pétrolières . Dans un contexte où le marché pétrolier est intégré mondialement , les politiques de sécurité efficaces sont des politiques de construction et de sécurisation du marché , et non des politiques de limitation du recours au marché ( réduction de la demande ou des importations ) . C' est sur la base de ces conclusions que nous allons étudier l' évolution de la politique pétrolière américaine depuis les années 1920 . 2 . La politique pétrolière des Etats-Unis avant 1980 a . 1920 - 1973 : cinquante ans d' interventionnisme pour protéger les producteurs Contrôle de la production intérieure : la proration L' Amérique est sortie de la première guerre mondiale avec le souci aigu d' une possible " dépendance pétrolière " . C' est alors que furent créées les Naval Petroleum Reserves , champs pétroliers fédéraux maintenus en " réserve " pour assurer , en cas de guerre , l' approvisionnement de la marine . C' est aussi à cette époque que la diplomatie américaine entreprit d' obtenir des Britanniques et des Français l' entrée des compagnies américaines dans les zones les plus prometteuses , notamment en Mésopotamie - politique de l' Open Door qui devait aboutir à l' entrée de Jersey Standard ( Exxon ) et Socony ( Mobil ) dans la Turkish Petroleum Company , avant que ce consortium ne referme la porte du Moyen-Orient par le célèbre accord de la " ligne rouge " , en 1928 . Mais l' anticipation de la pénurie fit rapidement place à la difficile gestion de l' abondance avec l' entrée en production , après 1925 , des découvertes géantes effectuées en Oklahoma ( champ de Seminole ) et , surtout , au Texas ( champ de l' East Texas ) . Ces découvertes géantes se conjuguèrent à la crise de 1929 pour précipiter un effondrement des prix qui heurta très durement l' industrie pétrolière , en particulier les milliers de petits producteurs qui opéraient les puits les moins productifs . Les autorités de ces deux États réagirent en édictant des législations destinées à limiter la " surproduction " et le " gaspillage " . Ce fut le début d' un vaste effort politico-juridique , relayé par les pouvoirs fédéraux dans les années 1930 , qui mit fin à l' ère concurrentielle de l' histoire pétrolière américaine . Du milieu des années 1920 au début des années 1970 , l' industrie pétrolière vécut sous le régime de la " proration " ; tous les puits , à l' exception des moins productifs , se voyaient octroyer des quotas de production définis au niveau des États ; le commerce inter-étatique était strictement contrôlé et limité . Pour justifier le maintien de ce régime né dans des circonstances historiques très particulières , on continua d' invoquer pendant près de cinquante ans la lutte contre la " surproduction " que générerait nécessairement la libre concurrence dans l' industrie pétrolière . Les meilleurs économistes du pétrole ( P. Bradley et M. Adelman , entre autres ) ont montré que la libre concurrence eut été tout à fait praticable , en particulier si on avait modifié le régime juridique de propriété sur les ressources et/ou imposé des règles d' unification des réservoirs . Le système de proration fut maintenu car un équilibre politique durable s' était formé en sa faveur : les petits producteurs étaient les grands gagnants ; pour les majors le manque à gagner local ( aux Etats-Unis ) était largement compensé par le soutien qu' apportait le contrôle du marché américain ( et les quotas d' importations , cf. infra ) à leurs accords anti-concurrentiels au plan mondial ; et les milieux politiques , tant fédéraux qu' étatiques et même locaux , se partageaient les prérogatives liées à l' administration d' un système très complexe - et , pour certains responsables politiques en particulier texans , les sommes d' argent générées par la corruption du système . Au plan économique , la proration généra une augmentation du volume global de rentes par rapport à une situation concurrentielle , et une redistribution de ces rentes vers les petits producteurs d' une part , l' administration d' autre part . Par ailleurs , les quotas entraînaient l' apparition de capacités de production inutilisées ( exactement comme , plus tard , les quotas de l' OPEP ) , qui sont un facteur d' instabilité du marché . Enfin , les puits les moins productifs étant exempts de quotas , les petits producteurs avaient intérêt à forer toujours plus afin de gagner artificiellement des parts de marché aux dépens des puits plus productifs . Motivé par la lutte contre un " gaspillage " conjoncturel , le système de proration en généra un beaucoup plus structurel , et de grande ampleur , tout en augmentant le coût de l' approvisionnement pétrolier américain . Contrôle des importations Le contrôle des importations pétrolières représente l' autre face de l' interventionnisme pétrolier américain . Dès les années 1930 , et plus encore après 1945 , le pétrole du Venezuela et du Mexique , puis du Moyen-Orient , exerçait une forte pression sur le marché intérieur américain . La mise en place de barrières protectionnistes s' imposait comme une nécessité sous peine de ruiner le système de proration : les deux faces de l' interventionnisme pétrolier sont donc étroitement liées . Concrètement , la protection prit la forme de quotas et de taxes . Les quotas furent d' abord " volontaires " ( 1949 - 1958 ) , puis obligatoires dans le cadre du Mandatory Oil Import Program ( 1959 - 1973 ) . En 1932 , le Revenue Act imposa , pour la première fois , des taxes sur les importations pétrolières ( pétrole brut et certains produits raffinés ) ; elles furent progressivement réduites à la faveur d' accords avec le Venezuela et le Mexique , et de la signature du GATT en 1947 . Cette forte réduction des taxes fut à l' origine de la réglementation par les quantités ( quotas ) à partir de 1949 . Les taxes ne furent pas pour autant abolies , et furent réorganisées en 1962 dans le cadre du Trade Expansion Act . La pénétration du pétrole importé fut néanmoins très importante sur cette période ( cf. Figure 10 , p . 31 ) ; elle eut été nettement supérieure en situation de libre-échange . Conclusion Les cinquante années qui précèdent les chocs pétroliers représentent une période de forte intervention publique dans le fonctionnement du marché américain . La réglementation de la production intérieure et le contrôle des importations sont les deux faces , inséparables , d' une même politique consistant à contraindre le processus concurrentiel pour protéger les intérêts des producteurs " indépendants " , en particulier les moins efficaces d' entre eux , mais aussi , indirectement , les intérêts des grandes compagnies engagées par ailleurs dans des accords de contrôle du marché mondial . Il s' agit d' une politique destinée à renforcer la " sécurité économique " de l' industrie pétrolière américaine plus que la sécurité énergétique du pays , bien que les mesures protectionnistes aient été , dès les années trente , formellement justifiées à l' aune de considérations de " sécurité nationale " - alors même que les Etats-Unis exportaient , en 1932 , plus de pétrole qu' ils n' en importaient et que les importations représentaient , en 1962 , moins de 20 % de la consommation totale . b . 1973 - 1980 : effets pervers de la réglementation destinée à protéger les raffineurs et les consommateurs Les années 1970 furent un prolongement des cinquante ans d' interventionnisme , dans une conjoncture radicalement différente : il s' agissait désormais de lutter contre la hausse des prix et non plus de prévenir leur baisse . Dès avant 1973 , les prix du pétrole étaient affectés par les mesures générales de lutte contre l' inflation , dans le cadre du Economic Stabilization Act ( 1970 ) . La période ouverte par la crise pétrolière de 1973 - 1974 fut marquée par une forte activité en matière de politique énergétique , mais aussi par beaucoup d' erreurs et une certaine confusion . Après le premier choc pétrolier , le président des Etats-Unis affirmait solennellement que son pays atteindrait l' indépendance énergétique en 1980 , et que cette quête représentait " l' équivalent moral de la guerre " . Cet objectif hautement improbable ne fut pas atteint , loin de là : les distorsions introduites par le contrôle des prix devaient conduire à une explosion des importations , qui augmentèrent de près de 50 % entre 1974 et 1978 . Côté législatif , le nombre de textes est impressionnant : Emergency Petroleum Allocation Act ( 1973 ) , Energy Policy and Conservation Act ( 1975 ) , Energy Conservation and Production Act ( 1976 ) , National Energy Act ( 1978 ) . A la fin de la période , les dispositifs de contrôle des prix , d' allocation physique du pétrole et de subventions croisées entre raffineurs avaient atteint un très haut degré de complexité . Leur objectif était de protéger les raffineurs et les consommateurs contre la hausse des prix mondiaux . Ils engendrèrent des effets pervers massifs ( sous-production , stimulation de la demande , subvention des importations , pénuries locales ... ) et furent largement à l' origine des " files d' attente " qui symbolisèrent , aux Etats-Unis , les crises pétrolières des années 1970 . En 1978 et face aux conséquences très déstabilisatrices de la réglementation en vigueur , l' administration Carter réussit à faire voter une loi prévoyant la libéralisation progressive des prix du pétrole . L' élection de R. Reagan devait accélérer brutalement le calendrier , mais aussi l' approfondir . 3 . La politique pétrolière des Etats-Unis depuis R. Reagan A partir de l' élection de R. Reagan à la présidence , la politique pétrolière des Etats-Unis allait rompre avec 60 ans d' interventionnisme motivé par des objectifs divers , ayant généré des mesures contradictoires et , pour beaucoup d' entre elles , désastreuses au plan de l' efficacité économique et/ou de la sécurité énergétique . La politique conduite par l' administration Reagan était inspirée par l' idée que l' efficacité et la sécurité énergétiques ne s' obtiennent pas contre les forces du marché , mais en s' appuyant sur elles . Cette idée-force prenait à contre-pied l' opinion dominante dans les milieux politiques à l' époque , non seulement aux Etats-Unis mais dans tous les grands pays industrialisés et au sein des organisations internationales . On classera ici en trois grandes catégories les actions accomplies ou initiées par l' administration Reagan : libéralisation du marché , sécurisation du marché , construction du marché . a . Libéralisation du marché pétrolier intérieur R. Reagan prononça son discours inaugural le 20 janvier 1981 ; le 28 janvier , il signait l' Executive Order n° 12287 ( le premier de son mandat ) , dont la première section dispose : " All crude oil and refined petroleum products are exempted from the price and allocation controls adopted pursuant to the Emergency Petroleum Allocation Act of 1973 , as amended . The Secretary of Energy shall promptly take such action as is necessary to revoke the price and allocation regulations made unnecessary by this Order . " L' Executive Order prenait effet le jour même . Le Congrès ne désarma pas et en mars 1982 le Sénat vota le Standby Petroleum Allocation Act , qui octroyait au Président le pouvoir d' instaurer , en cas de crise , un contrôle des prix et des mesures d' allocation administrative du pétrole et des produits . R. Reagan opposa son veto à cette loi le 20 mars 1982 . Le président écrit , dans sa lettre de " retour sans approbation " transmise au Sénat : " this legislation grew from an assumption , which has been demonstrated to be invalid , that giving the Federal Government the power to allocate and set prices will result in an equitable and orderly response to a supply interruption . We can all still recall that sincere efforts to allow bureaucratic allocation of fuel supplies actually harmed our citizens and economy , adding to inequity and turmoil . " Face à une rupture d' approvisionnement , c' est au contraire le libre fonctionnement du marché ( " free trade among our citizens " ) qui , précise le président , est le plus à même de réduire le coût supporté par l' économie américaine . Sur ce point , R. Reagan semble avoir été fermement convaincu par les démonstrations des économistes selon lesquelles le marché libre est toujours supérieur à l' allocation administrative , même ( et surtout ) en temps de crise . La déréglementation du marché pétrolier américain correspond aussi à une réintégration complète dans le marché mondial . A partir de 1982 , le prix intérieur est à nouveau strictement aligné sur le prix mondial ( voir Figure 1 , p . 57 ) . Au cours des deux mandats de R. Reagan la faible taxe sur les importations n' a pas été supprimée , mais l' administration a résisté , à plusieurs reprises , à de fortes pressions du Congrès pour l' augmenter de manière significative . Le decontrol américain a également eu un effet non anticipé , sur les structures du marché pétrolier international : elle a accéléré la substitution de transactions de court terme aux contrats de long terme et la généralisation de la référence au prix spot . Pleinement exposés aux aléas du marché mondial ( jusque -là atténués par le contrôle des prix et les mécanismes de redistribution physique ) , les raffineurs américains ont modifié leurs pratiques commerciales ; les activités de trading ont explosé aux Etats-Unis au début des années quatre-vingt , et le NYMEX a lancé son contrat à terme de pétrole brut en 1983 ( après avoir lancé , en 1978 , les contrats à terme de heating oil ) ( voir Figure 18 , p . 57 ) . Les gouvernements successifs , républicains et démocrates , ne sont pas revenus sur la réforme fondamentale initiée par l' administration Reagan . Dans les années 1990 , la politique pétrolière de l' administration Clinton ( largement " encadrée " , il est vrai , par un Congrès républicain ) fut une politique libérale . Il n' y eut aucun retour sur la déréglementation du marché pétrolier . Parmi les mesures d' inspiration libérale prises au cours de cette période , on peut citer la levée de l' interdiction d' exporter le brut d' Alaska , l' accélération du leasing dans l' offshore fédéral , les exemptions de royalty sur l' offshore profond ( Deep Offshore Royalty Relief Act ) , ou encore la privatisation ( partielle ) des Naval Petroleum Reserves . b . Sécurisation du marché pétrolier La libéralisation du marché intérieur s' est accompagnée de la mise en place d' un important dispositif public de sécurisation du marché . Il s' agit du second pilier de la politique pétrolière américaine mise en place sous l' administration Reagan . On peut regrouper dans cette catégorie des mesures aussi différentes que la mise en place de la Strategic Petroleum Reserve d' une part , la création d' une force d' intervention rapide au Moyen-Orient ( la Rapid Deployment Force ) d' autre part . La Strategic Petroleum Reserve ( SPR ) fut crée dans le cadre de l' EPCA à la fin de 1975 mais resta " virtuelle " pendant cinq ans , en raison de dysfonctionnements administratifs et surtout d' un manque de volonté politique . Les pays exportateurs , et notamment l' Arabie Saoudite , ont dénoncé la SPR dès sa création , et menacé les Etats-Unis de restreindre leur production si elle était mise en place . En 1978 , un accord secret entre le président Carter et les Saoudiens avait " échangé " le non-remplissage de la SPR contre le maintien d' un " haut " niveau de production . A la fin de 1980 , la SPR ne contenait que 107 millions de barils de pétrole . L' administration Reagan allait faire du remplissage une priorité de sa politique pétrolière , complémentaire de la libéralisation du marché intérieur . A la fin du premier mandat de R. Reagan le volume stocké était de 450 Mb , et 560 Mb fin 1988 - niveau auquel on est encore aujourd'hui ( voir Figure 19 , p . 59 ) . Le rythme moyen de remplissage était de 77 000 b / j entre 1976 et 1980 ; il est passé à 290 000 b / j en 1981 ( année fiscale ) et 215 000 b / j en 1982 . 80 % du pétrole stocké dans la SPR l' a été sous Reagan , dont plus de 60 % entre 1981 et 1984 . Le renforcement de la présence militaire américaine dans le Golfe Persique répondait certainement à des considérations stratégiques plus larges que la seule prévention d' une rupture de l' approvisionnement pétrolier mondial . La création de la RDF venait après l' invasion soviétique en Afghanistan et s' inscrivait dans le cadre de la " doctrine Carter " ( sanctuarisation du Moyen-Orient ) , qui n' est pas réductible à une politique énergétique . Toutefois , cette dimension était certainement présente . La logique est alors la même que pour la SPR , même si l' instrument est très différent . Accepter que l' approvisionnement pétrolier repose sur un marché mondialisé , concurrentiel et dominé par les transactions de court terme , supposait la mise en place d' une sécurisation en amont , ou " par le haut " , dont le coût s' apparente à une assurance contre les conséquences économiques d' une défaillance de l' offre mondiale . Libéralisation et sécurisation ne s' opposent pas , mais constituent deux faces d' une même politique . Tout comme la libéralisation , les mesures de sécurisation du marché initiée sous R. Reagan ont été assumées par tous les gouvernements depuis 1988 , et demeurent un élément essentiel de la politique pétrolière américaine . Au cours des années 1990 , la SPR a connu plusieurs améliorations techniques au niveau du stockage et des modalités d' utilisation ; quant à la présence militaire au Moyen-Orient , elle est aujourd'hui beaucoup plus forte qu' elle n' était en 1990 ( avant la guerre du Golfe ) . c . Construction du marché international des permis d' exploration La troisième orientation de la politique pétrolière américaine est moins connue que les deux premières . Il s' agit de l' effort de construction ( ou de reconstruction ) du marché international des permis d' exploration et production , après les bouleversements juridiques et politiques des années 1970 . Dans le sillage de la " révolution OPEP " , de nombreux pays ont nationalisé leur industrie pétrolière et fermé leur sous-sol aux compagnies étrangères , ou durci considérablement les conditions juridiques et fiscales offertes aux investisseurs . En conséquence , l' industrie pétrolière internationale a recentré ses investissements d' exploration et développement sur les pays de l' OCDE , essentiellement les Etats-Unis ( dont l' Alaska et le Golfe du Mexique ) et la Mer du Nord . Les zones les plus prometteuses en dehors de l' OPEP se trouvaient donc marginalisées dans les stratégies des compagnies pétrolières . Pour corriger cette situation très défavorable à la diversification de l' offre pétrolière à long terme , il avait été décidé dans le cadre du G7 de créer , au sein de Banque mondiale , une " filiale énergie " destinée à aider les Etats exclus du marché des capitaux pétroliers privés à entreprendre la prospection et l' exploitation de leurs ressources énergétiques . Ce projet s' est vu opposer un veto américain en 1981 . L' administration Reagan a imposé l' idée selon laquelle les institutions internationales devaient encourager les pays en développement à adapter leurs législations et leurs fiscalités , et non les soustraire au marché en apportant des financements publics . Cette idée d' une nécessaire adaptation des termes législatifs et contractuels dans les pays en développement était défendue par les compagnies pétrolières internationales , qui y voyaient la condition d' un retour de l' industrie dans ces pays . L' action de la Banque mondiale a été réorientée en ce sens ; entre 1985 et 1995 , plusieurs dizaines d' Etats ont bénéficié des conseils économiques et juridiques de la Banque pour réformer leurs législations et rendre leurs sous-sols plus attractifs sur le marché des contrats pétroliers . Parallèlement , l' administration Reagan a lancé , dès 1981 , une politique juridique internationale très ambitieuse , destinée à réformer le régime juridique international des investissements . Les objectifs poursuivis étaient : l' octroi d' un haut niveau de protection des investisseurs étrangers ( application du principe du " traitement national " ) ; le respect des contrats entre investisseurs et Etats ; la liberté de rapatriement des profits ; l' internationalisation du droit s' appliquant à la relation contractuelle ; enfin - point capital - le règlement des différends relatifs aux investissements devant des tribunaux arbitraux dont les sentences sont garanties par le droit international public . La régulation juridique des contrats pétroliers , pour lesquels ces principes revêtent une importance capitale , représentait une motivation essentielle de cette initiative . Ces principes étaient initialement promus à travers un programme de traités bilatéraux sur les investissements ( TBI ) , qui a ouvert la voie à une nouvelle génération de TBI portée par tous les grands pays de l' OCDE , qui ont repris , dans les années 1990 , les principales dispositions des TBI américains . Ensuite , l' influence américaine s' est fait sentir dans les négociations sur les instruments multilatéraux régionaux ( ALENA chap. 11 ) , sectoriels ( Traité sur la Charte de l' Energie ) , ou mondiaux ( AMI ) . Vingt ans après le lancement de l' initiative américaine , les principes que l' administration Reagan avait commencé de promouvoir dans l' hostilité générale - et notamment de la part des pays en développement propriétaires de ressources naturelles - sont aujourd'hui au fondement du nouveau régime juridique international des investissements , auquel ont adhéré la plupart des pays en développement actifs sur le marché des permis pétroliers , ou souhaitant entrer sur ce marché . Cette réforme juridique a joué un rôle important dans le redéploiement des investissements privés d' exploration et développement vers les pays d' Afrique , d' Amérique latine et d' Asie - et aujourd'hui vers les pays de l' ex-URSS . d . Conclusion La politique pétrolière initiée sous la première administration Reagan est motivée par l' idée qu' il n' existe pas de " coût externe " de sécurité lié à la consommation de pétrole , même si cela implique un recours croissant au pétrole importé . Plus exactement , même s' il existe une " externalité " , aucune mesure de politique énergétique ne peut la corriger à un coût inférieur à son bénéfice social . Dans ces conditions , la politique énergétique doit consister à laisser fonctionner les mécanismes marchands , qui garantissent la minimisation du coût d' approvisionnement , à sécuriser le marché contre les perturbations exogènes , et à rechercher l' extension géographique maximale du marché , qui améliore son efficacité . Cette politique pétrolière n' a pas été remise en cause dans ses principes ; même si le discours politique met souvent l' accent sur les risques associés à la " dépendance " et sur la nécessité de la contenir , la réalité est que R. Reagan a fait entrer les Etats-Unis dans l' ère de la dépendance pétrolière acceptée et assumée . Reste à étudier les chances d' une réorientation sensible de cette politique après quinze ans d' augmentation continue de la part des importations dans la couverture de la demande , et face à la perspective d' une " dépendance " pouvant atteindre 70 % en 2020 . 4 . Face à la dépendance croissante : une nouvelle politique pétrolière ? La politique pétrolière de l' administration Bush , telle qu' elle est envisagée dans le plan Cheney , traduit -elle une évolution dans la manière d' appréhender la " dépendance pétrolière " , ou augure -t-elle d' une continuation de la politique conduite depuis vingt ans ? L' analyse des propositions contenues dans le rapport montre , de manière très nette , qu' il s' inscrit dans la continuité beaucoup plus que dans la rupture . Au-delà de l' association rhétorique entre maîtrise de la " dépendance " et renforcement de la sécurité , c' est bien la libéralisation , la sécurisation et la construction du marché qui dominent très largement les propositions concrètes . Le fonctionnement des mécanismes marchands est au centre de la vision de l' approvisionnement pétrolier développée par le rapport Cheney , ce qui implique l' acceptation d' un recours croissant aux importations . Les mesures visant à maîtriser la demande pétrolière sont très timides ; en l' absence de durcissement des normes de consommation ( CAFE standards ) , il s' agit essentiellement de crédits d' impôts pour l' acquisition de véhicules efficaces ( hybrides ou piles à combustible ) . Le rapport prévoit neuf mesures destinées à stimuler la production intérieure , parmi lesquelles la continuation du soutien public à la R & D en matière de technologie d' exploration et production , l' accélération du leasing sur les terres fédérales et l' ouverture de certaines zones jusque là fermées aux activités de forage , en particulier l' ANWR en Alaska . Il importe de noter que , en l' absence de barrières aux importations et aux exportations , l' évolution de l' offre intérieure se " dissout " dans l' évolution de l' offre mondiale . L' ouverture des terres fédérales peut donc s' apparenter à une mesure d' extension du marché mondial des permis d' exploration et production . Le chapitre 8 du rapport Cheney , consacré à la " sécurité énergétique nationale et aux rapports internationaux " , concentre l' essentiel des mesures pertinentes du point de vue la gestion de la dépendance pétrolière . Sur les 35 recommandations du chapitre , 18 ( soit 50 % ) constituent des mesures de construction du marché , qui peuvent être regroupées en trois sous-catégories : Soutien à l' ouverture et à l' amélioration du climat d' investissement dans les pays en développement et en transition . L' Amérique latine , les pays de la Caspienne , la Russie , le Moyen-Orient et l' Afrique du Nord , l' Afrique subsaharienne et enfin l' Asie sont mentionnés ; Constitution et/ou renforcement de marchés énergétiques transnationaux , en particulier en Amérique du Nord , mais aussi en Europe ; Création de conditions politiques et juridiques favorables au développement des grandes infrastructures transnationales , en particulier les pipelines . Pour la première fois dans un document officiel , la politique juridique extérieure des Etats-Unis en matière de régulation des investissements transnationaux est reconnue comme un instrument de politique énergétique . Le rapport fait explicitement référence à la signature d' un traité bilatéral sur les investissements avec le Venezuela , et de " consultations formelles " avec le Brésil en vue d' améliorer le climat des investissements énergétiques . L' importance des mesures de construction des marchés énergétiques internationaux dans le rapport Cheney est remarquable . Elle témoigne d' une réelle prise en compte de l' interdépendance des systèmes énergétiques , donc du fait que la sécurité , pour l' essentiel , se construit globalement et non localement . De ce point de vue , on peut noter une véritable différence avec le Livre Vert publié fin 2000 par la Commission européenne , qui semble n' accorder qu' une importance très relative aux dispositifs de construction du marché . Il s' agit cependant , rappelons -le , du maintien d' une préoccupation constante des Etats-Unis depuis le début des années 1980 , et non d' une innovation de la présente administration . On doit aussi inclure dans les mesures de construction du marché la résolution des problèmes de " balkanisation réglementaire " du marché américain des carburants automobiles , proposée au chapitre 7 du rapport . Le chapitre 8 du rapport contient en outre six recommandations relevant de la sécurisation du marché . en revanche , le degré de concentration de l' offre pétrolière mondiale est une variable importante de la sécurité énergétique . En revanche , rien n' est dit sur la réforme des règles et modalités d' utilisation de la de la SPR ; au contraire , le rapport précise que la SPR n' a pas vocation à être un instrument de gestion du prix , et reste destinée à " répondre à une rupture imminente ou réelle des approvisionnement pétroliers " - faisant l' impasse sur la question cruciale de la définition et de l' identification d' une rupture d' approvisionnements , qui passe forcément par une référence au prix du pétrole . Le rapport évoque la possibilité de louer à d' autres pays les capacités inutilisées de la SPR , de manière à permettre à des Etats qui n' ont pas de réserve stratégique d' en développer une à coût réduit . L' importance de la SPR est réaffirmée , et l' augmentation de son volume est envisagée , en des termes très prudents . Entre libéralisation , construction et sécurisation du marché , le rapport Cheney marque , sur les questions pétrolières , une forte continuité avec la politique initiée sous R. Reagan et poursuivie depuis avec constance . Après le débat législatif , il n' est même pas certain que les mesures les plus fortes , côté offre comme côté demande , soient préservées . La proposition de loi votée par la Chambre octroie de fortes aides fiscales à l' exploration et autorise l' ouverture de l' ANWR ; le Sénat ( dominé par les démocrates ) a réduit les déductions fiscales et supprimé l' ouverture de la réserve écologique d' Alaska , troquée contre des subventions aux bio-carburants . Le texte de compromis qui émergera - à supposer qu' il y en ait un - sera en retrait par rapport au rapport Cheney et ne comportera aucune mesure significative . Alors que la " dépendance " extérieure a atteint son maximum historique , et que son approfondissement est une quasi certitude pour les deux décennies à venir , les Etats-Unis ne semblent pas devoir modifier radicalement leur politique pétrolière . Au contraire , les grandes orientations définies il y a vingt ans sont confirmées , mêmes si c' est par défaut : Enfin , la question des stocks stratégiques dans les pays d' Asie non membres de l' OCDE , qui n' en possèdent pas , est évoquée . Pour l' économiste , cette politique reste raisonnable même si elle implique une croissance régulière de la " dépendance pétrolière " . La plupart des études sur les coûts de réduction des importations américaines coûts ( ou du taux de croissance des importations ) , tant par la stimulation de l' offre intérieure que par la maîtrise de la demande , concluent à la faiblesse des marges de manoeuvre en la matière . Le seuil au-delà duquel les coûts de la réduction sont supérieurs aux bénéfices en termes de sécurité énergétique est très vite atteint ; il n' existe qu' un potentiel très limité de réduction profitable de la " dépendance " pétrolière . Si cette analyse coûts / avantages semble effectivement inspirer la politique pétrolière américaine dans la durée , elle paraît toujours aussi difficile à soutenir explicitement dans le débat public . Les références à la réduction de la dépendance énergétique comme source de sécurité sont omniprésentes dans le rapport Cheney , comme dans le débat qui a eu lieu depuis au Congrès , et servent à justifier les mesures les plus diverses ( de la relance du nucléaire à l' assouplissement des normes environnementales sur le charbon , en passant par les subventions à la culture du colza et aux énergies renouvelables ) , y compris celles dont l' impact sur le niveau des importations pétrolières ou sur la sécurité énergétique est plus que douteux . Plus généralement , on observe depuis plus de vingt ans une différence saisissante entre la tonalité très interventionniste du débat public sur l' énergie aux Etats-Unis , et la reconduction - voire l' approfondissement - d' une politique essentiellement libérale . D' aucun voudront expliquer ce décalage par les dysfonctionnements du processus législatif américain , sa perméabilité à l' action des groupes d' intérêt , sa pente naturelle au compromis ( bipartisan d' une part , entre législatif et exécutif d' autre part ) , toutes caractéristiques propres à laminer les ambitieux projets de réforme , et notamment les comprehensive energy policy plans élaborés à intervalles réguliers par l' administration ou les majorités parlementaires . Cette analyse doit être complétée par la prise en compte du fait que les débats de politique énergétique ont toujours lieu , aux Etats-Unis , dans le sillage de " crises " , c' est-à-dire d' épisodes de forte hausse - éventuellement de fortes baisses - des prix de l' énergie : 1973 - 74 , 1979 - 80 , 1985 - 86 , 1990 - 91 , 2000 - 2001 . Dans ces contextes marqués par un sentiment d' urgence plus ou moins justifié , le débat politique est nécessairement dominé par une " prime à l' intervention " : à situation exceptionnelle , mesures exceptionnelles . Ceci n' est évidemment pas propice à l' évaluation froide et rationnelle des orientations proposées . En temps de crise plus encore qu' en temps normal , les affaires énergétiques et notamment pétrolières sont entourées , selon le mot de M. Adelman , d' une " aura romantique " susceptible de " rendre plausible n' importe quel non-sens " . Le sentiment d' urgence s' effaçant comme il était venu avec le retour à une situation normale sur les marchés de l' énergie , il devient impossible au moment décisif de réunir une majorité parlementaire sur des mesures dont la rationalité est plus que douteuse - d' où le sentiment , a posteriori , que la montagne a accouché d' une souris . A bien y regarder , les " lourdeurs " du processus législatif américain constituent peut-être un garde-fou , au moins autant qu' une entrave à l' action réformatrice . Références bibliographiques Index des noms propres et organisations